Le truc ? Poser au patient une question sur sa famille. Ou encore reconnaître que les Grosses têtes vous font rire. C’est de la Process Com : un Sésame pour mieux communiquer avec les patients, les collègues, mieux gérer le stress souvent au coeur des consultations médicales et éloigner le burn-out. Avant de découvrir cette technique, le Dr Alain Boyer avait le trac et paniquait rien qu’à l’idée de parler en public. Aujourd’hui, ce médecin généraliste de 52 ans installé à Caen forme ses collègues à cette nouvelle technique qui lui a “changé la vie”.

 

Egora.fr : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux techniques de communications ?

Dr. Alain Boyer : J’étais timoré, enfermé dans mon bureau. Cela se passait bien avec les patients, mais j’étais terrorisé à l’idée de prendre la parole en public, de ne pas être parfait et de ne pas montrer ce qu’il y avait de mieux chez moi. Pour sortir de cette situation,  j’ai suivi beaucoup de séminaires sur le sujet, la gestion du stress, la PNL (programmation neuro-linguistique), l’entretien motivationnel. Et il y a un an et demi, j’ai découvert la Process Com. La technique m’a tellement plu que j’ai décidé de me former pour diriger des séminaires dans mon association de formation continue, l’ Afml (Association de formation des médecins libéraux). J’ai suivi un cursus de cinq semaines sur cinq mois. Cela fut intense, car le modèle est extrêmement puissant. Mon épouse qui est psychiatre est elle aussi décidée à suivre la formation pour mieux entrer en communication avec ses patients.

 

Qu’est-ce que la technique vous a apporté sur le plan professionnel ?

Beaucoup de choses, sur plusieurs niveaux. Avant le jeu du questions-réponses où le médecin doit collecter le plus d’informations sur les symptômes, il faut que la consultation démarre par quelque chose qui va motiver le patient, qui réfère à sa “langue maternelle”. Cela peut être très court, moins d’une minute. Pour les personnalités empathiques par exemple*on aura une attention personnalisé en demandant des nouvelles de la famille. Cela suffit pour donner l’énergie à la personne pour aller puiser dans son état “travaillomane” régi par la logique et l’analyse, présent chez chacun de manière plus ou moins prégnante. Il faut parler à la personne selon le bon canal, celui qui permet d’accéder à sa base immuable, qui conditionne sa vision du monde et qui renferme ses besoins psychologiques primordiaux.

 

Comment se comporte le patient empathique par exemple ?

C’est celui qui me demande des nouvelles de ma santé, car il me trouve fatigué. Il faut absolument que je réponde à sa question, que je le remercie de sa sollicitude.  Sa perception passe par les émotions, il me demande quelque chose et je lui réponds dans sa perception. Un autre patient peut entamer la consultation en me racontant la dernière blague des Grosses têtes entendue dans sa voiture en venant au rendez-vous. C’est le type “rebelle”, qui est dans la complicité, le ludique. Il a besoin pour se sentir bien, d’entraîner la complicité. Il raconte cette histoire, pour nouer le contact. Alors, je lui réponds que moi aussi, cette émission me fait aussi souvent bien rire, et là, le contact est noué, on peut passer à l’interrogatoire.

Autre typologie, celle du patient très pressé qui vous attend dans le couloir pour vous faire remplir un certificat médical sans examen clinique. En général, c’est le patient de type “promoteur”, celui qui est toujours dans l’action, qui a besoin d’excitation, d’adrénaline. Son médecin doit être très tonique, rapide, direct et doit partager avec lui son sens du défi. C’est le genre de patients qui peut vous faire faire des bêtises. Avec ce type de personnes, on se fait tous avoir… J’ai le souvenir d’un homme qui voulait un certificat de sport sans examens, qui a fait un malaise cardiaque en montant les six étages de mon immeuble, comme je l’avais exigé avant de rédiger quoi que ce soit, et avant de l’examiner. Ils sont charmants, ce sont des Bernard Tapie, des James Bond, des sheriff. Ils ont un sens inné de la communication.

 

Et c’est la catégorie qui vous fait le plus peur. Plus que les rêveurs par exemple ?

Aucun ne me fait peur, mais il y en a des patients avec lesquels on peut avoir des atomes crochus, une même perception du monde. Le rêveur ? Il est absent dans ses pensées, il attend que vous preniez les commandes, il a besoin d’être motivé. Il ne prendra jamais d’initiatives tout seul, il viendra souvent en consultation accompagné de la personne qui l’a poussé. Il ne dira rien spontanément alors il vous faudra engager la conversation sur un mode directif – sans être agressif. On a l’impression que cette personne ne fait rien, mais elle fait tout dans sa tête en fait, sa caractéristique, c’est l’imagination, et çà lui tient lieu d’action. Voilà ce que nous apprend la Process com. C’est une école de tolérance.

 

Mais comment savoir à quel type appartient un patient que vous voyez pour la première fois ?

C’est tout l’intérêt de la technique et de la formation. J’ai passé un certain nombre d’heures et de jours à maîtriser les 13 caractéristiques concernant chaque type de personnalités. Il y a les canaux de communication, les perceptions, les besoins psychologiques, les comportements sous stress, les environnements préférentiels etc. C’est une gymnastique que l’on intègre rapidement. On se fait très rapidement une impression, surtout sur les gens que l’on ne connaît pas bien. C’est beaucoup plus facile que d’essayer de typer les gens de sa famille car on les a vus évoluer dans les six types, les caractéristiques que nous avons tous en nous. Mais on en a un qui est la base, notre “langue maternelle”.

 

Mais pour s’adapter à chacun, il faut être totalement protéiforme !

Un bon manager, un médecin, il doit s’adapter car c’est à lui de faire la démarche. Il doit savoir détecter le type de personnalité et proposer la meilleure communication. C’est une technique d’origine américaine qui fonctionne pour tout, pour votre vie personnelle et professionnelle, pour la gestion de la communication avec les patients, les confrères. Et çà marche très bien pour éviter le burn out qui touche près d’un médecin généraliste sur deux.

 

Et que répondez-vous à ceux qui vous rétorquent qu’ils ont cette approche d’instinct, sans avoir besoin d’apprendre à ranger les gens dans les cases, qu’ils n’ont pas besoin d’une méthode de gourou à la mode, non évaluée ?

Je leur dit que bien sûr, on peut être comme Monsieur Jourdain et faire de la prose sans le savoir et qu’il n’est pas question de rationnaliser l’irrationel. Effectivement, certains n’auront jamais besoin de cette méthode, ils ont cette connaissance spontanées, ils s’adaptent. S’agissant du terme de gourou, je réponds que la méthode a été inventée par un psychologue qui a obtenu le prix Eric Berne et qui a travaillé pendant 17 ans avec le psychiatre de la Nasa, Terry Mc Guire avec qui il a participé à la sélection des membres de l’équipe de la navette, notamment à partir de leurs capacités à gérer le stress. Il a ensuite intégré l’équipe de communicants de Bill Clinton.

 

Les situations de stress, qui sont souvent au cœur des consultations médicales…

La technique apporte énormément à cet égard, car les comportements sous stress sont différents suivant le type de personnalité. On étudie la spirale de stress, qui peut avoir plusieurs niveaux et peut revêtir des aspects d’agressivité, de passivité, de tristesse. S’il faut annoncer une mauvaise nouvelle, cette connaissance nous conduit  à adapter notre discours aux personnalités des patients. C’est également très utile dans le cadre de l’éducation thérapeutique pour les patients atteints d’une maladie au long cours. Le “travaillomane” voudra beaucoup d’informations, le “persévérant” demandera le plus de références possibles, l“empathique” s’inquiétera des effets secondaires, de son mal-être à venir, il sera dans le ressenti. Le “promoteur” aura besoin d’un gros défi, d’un challenge, pour être motivé.

Je l’avoue franchement, cette technique a changé ma vie. Je suis un “travaillomane”, je voulais être parfait, alors le stress, le trac, j’ai beaucoup donné. Aujourd’hui, après un travail sur l’estime de soi, j’ai mis en place ce que je n’osais pas faire. Maintenant, je veux proposer cela à mes collègues médecins, leur proposer ces outils. J’en ai déjà formé une centaine durant des sessions de deux jours. Ils en ont redemandé et la formation devient maintenant une part importante de mon activité. J’ai fait un synopsis pour que cette formation soit prise en charge dans le cadre de la formation continue indemnisée.…


Ndlr : l’Afml est l’association de formation continue du SML. .


 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne