Antoine* est externe en cinquième année. Malgré un prêt étudiant de 8 000 euros contracté il y a 3 ans, ses caisses sont de nouveau vides. Il envisage tous les moyens pour les renflouer, mais travailler en plus des études est chose compliquée. Le jeune homme a alors songé au CESP, le contrat d’engagement de service public. Rencontre.

 

"Lorsqu’on est étudiant en médecine et qu’on est dans la dèche, il y a trois options pour s’en sortir : gagner au loto, travailler à côté ou le CESP (contrat d’engagement de service public). Travailler à côté, c’est compliqué. Je suis à la fac d’Amiens et j’alterne deux mois de cours et deux mois de stage. Il faudrait donc que j’arrête mon boulot tous les deux mois. Ce n’est pas pratique. C’est pour cela que le CESP, j’y ai songé.

 

Le pour et le contre

Le CESP, c’est une aide pour les étudiants en médecine. Cela nous permet de toucher 1 100 euros nets par mois pendant le reste de nos études. On doit ensuite s’engager à exercer dans une liste de villes sous-dotées en démographie médicale pendant le nombre d’années où on a touché cette aide.

Lorsque j’ai évoqué l’idée autour de moi, de nombreuses personnes ont essayé de me dissuader. Comme je ne suis qu’externe, contracter un CESP m’obligeait à rester installé dans ce type de zone pendant cinq à six ans*. Une perte totale de liberté. J’ai pesé le pour et le contre et j’ai finalement relevé plus de points négatifs que positifs. Choisir le CESP avant l’internat, alors que l’on ne sait pas qu’elle spécialité on fera, c’est assez inquiétant.

 

Sans caution parentale

Il me reste peu d’options. J’exclus totalement de demander de l’aide aux parents. D’abord parce qu’en ce moment, ils ne sont pas vraiment dans une période dorée, mais surtout parce qu’ils m’ont élevé dans une optique où il faut se débrouiller. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a trois ans, j’ai contracté un prêt étudiant de 8 000 euros. Il s’agit d’un prêt garanti par l’état, sans caution parentale. Avec cette somme, je pensais que cela serait suffisant et que j’aurais de quoi voir venir, mais j’ai redoublé une année et cela a fait un très gros trou dans mon budget. A partir de l’internat, je vais devoir rembourser 250 euros par mois.

Des amis m’ont suggéré de travailler comme infirmier. Quand on a validé sa quatrième année de médecine, on a une équivalence. C’est un peu bête parce qu’on ne sait pas vraiment faire tous les gestes. Par exemple, je ne sais pas faire une prise de sang correctement. Le niveau théorique, je l’ai, mais le niveau pratique, c’est autre chose. On ne nous l’apprend pas vraiment pendant nos études mais plutôt au détour de nos stages.

 

20 euros net par garde

J’envisage aussi faire des vacations dans des cliniques ou dans des maisons de retraite la nuit. Même en tant qu’aide-soignant, en fonction de ce que je trouverais. Je sais qu’ils prennent beaucoup de vacataires et je pourrais être payé au SMIC.

En attendant, je fais beaucoup de gardes en tant qu’étudiant en médecine. Je gagne 20 euros net par garde : pas beaucoup pour arrondir les fins de mois. Mais c’est mieux que rien et j’aime ça. J’aimerais être urgentiste et généraliste. L’idée serait d’essayer de combiner les deux.

 

A moindre coût

Avant d’être externe, je travaillais en plus de mes études. Lorsque j’entends les politiques où des gens autour de moi dire qu’en tant qu’étudiant en médecine, nous devrions être redevables du coût de nos études, cela me fait bien rire. Je ne pense pas du tout que nous soyons privilégiés. Les études de médecine sont longues, mais celles de droit par exemple le sont aussi.

C’est vrai que nous sommes payés pendant nos études à partir de l’externat, mais il faut déjà rappeler que cette paye n’est pas mirobolante et surtout que l’on ne se tourne pas les pouces. Pendant l’externat et l’internat, on rend bien l’investissement que l’Etat à fait sur nous. Ce sont bien les internes qui font tourner l’hôpital, à moindre coût par rapport aux médecins séniors."


*Le prénom a été modifié

*Autre inconvénient du CESP : L’indemnité prévue en cas de rupture est composée de la somme des allocations nettes perçues au titre du contrat, majorée d’une fraction des frais d’études engagés fixée à 20 000€. Cela signifie donc que si Antoine, au terme de son internat, ne souhaite plus s’installer en zone sous-dotée, il devra rembourser 99 200 euros à l’Etat.


Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi