Ils ont chacun un parent dépendant hébergé en Ehpad. Et ils remuent ciel et terre pour qu’on entende leurs plaintes, étayées par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2009 critiquant, pour la France entière,l’“opacité” entourant la construction des tarifs d’hébergement en établissements, acquittés par les familles. Le fameux reste à charge qui peut atteindre des sommes faramineuses, de 1 200 euros en moyenne jusqu’à 5 000 euros par mois.

 

“Le prix de journée, c’est la variable d’ajustement de l’équilibre budgétaire, s’élève M. Fournier, dont la mère est hébergée en Ehpad public dans la Drôme. On y fait rentrer d’autres coûts, liés aux soins ou à la dépendance”, s’insurge-t-il. Depuis que sa mère est dans l’établissement, les prix d’hébergement ont augmenté de 17 % d’un coup en 2009 et augmenteront de 6 % chaque année ensuite jusqu’en 2014. On lui annonce également + 7 % en 2015…“Les familles n’ont qu’à payer ou récupérer leurs parents s’ils ne peuvent pas suivre. Ou encore faire jouer l’aide sociale, avec l’obligation de vendre le bien pour rembourser après le décès”, se révolte-t-il.

 

“Intolérable”

Son collègue et ami – qui préfère rester anonyme – va plus loin dans la dénonciation en s’étonnant que la convention tripartite, qui doit lier l’établissement, les résidents et leurs familles depuis 2009, concrétisée par la remise d’un contrat de séjour, n’est toujours pas en place dans son département.

“Il n’y a rien, c’est intolérable. Nous poussons toutes les portes, nous interpellons les députés. On ne nous répond pas. Dès que l’on demande des explications sur la construction des tarifs en conseil de vie sociale, on nous traite comme des emm…  Pourtant les sommes en jeu sont considérables : une augmentation de 3 euros par prix de journée pour 160 000 journées par an, cela donne mécaniquement une recette de 480 000 euros supplémentaires. Pour quoi faire ?”

 

Porosité des enveloppes

L’homme a son explication : la porosité des enveloppes entre les soins, la dépendance et l’hébergement des résidents qui devraient pourtant avoir des financements très distincts. Dans son cas, le prix de journée payé par les familles inclue les frais d’hébergement du personnel, qui devrait être pris en charge par la sécurité sociale. Et inclue également – ce qui semble bien étrange – des sommes thésaurisées pour moderniser les lieux. Alors que “les travaux ne sont pas commencés et le terrain même pas acheté. Ils se font de la trésorerie sur notre dos, lâche-t-il.

 

"Banditisme déguisé"

Même plaintes d’un usager de Corrèze (19) dont la mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer et hospitalisée en Ehpad dans le Lot (46). “C’est du banditisme déguisé. On fait payer aux résidents les intérêts des emprunts souscrits pour construire de nouveaux bâtiments, alors qu’ils ne seront jamais propriétaires des biens construits. Et nous payons l’hébergement des infirmières. Tout cela n’est pas normal ” s’énerve-t-il. De fait, un décret signé en 2008 par Philippe Bas, secrétaire d’Etat aux personnes âgées, autorise les Ehpad à prendre en charge les intérêts d’emprunt sur le budget soins “pour neutraliser l’impact de l’investissement sur les prix de journées”, se félicitait la Fédération hospitalière de France à l’époque.

Cette vérité n’est manifestement pas partagée par tous et du coup, ces usagers en colère se fédèrent sur la toile. Et n’attendent qu’une chose pour baisser les armes : la mise en place d’une loi sur la dépendance et d’un cinquième risque. Toujours promis – surtout en ces périodes de campagne électorale – mais toujours repoussés.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne