Ces questions ? C’est vous, lecteurs, qui les avez choisies, en désignant leurs priorités sur deux questionnaires. Egora.fr les a transmises aux candidats. Ils répondent, à quatre jours du premier tour des élections présidentielles. Après François Hollande (PS) hier, Nicolas Sarkozy (UMP) se prête à l’exercice.

 

Egora.fr : L’exercice en libéral ne séduit plus qu’un jeune installé sur dix. Que comptez-vous faire pour redonner de l’attraction à un mode d’exercice qui semble avoir perdu tout son attrait ? 23 euros pour la consultation d’un médecin généraliste, est-ce le bon prix ?

Nicolas Sarkozy : Je suis très attaché à l’exercice de la médecine libérale. Le médecin de proximité qui suit notre famille, nos enfants, à qui l’on fait confiance, est un maillon essentiel dans la chaine de soin. C’est d’autant plus vrai pour les personnes âgées ou les malades chroniques. La connaissance mutuelle entre le médecin et le patient est un gage de qualité du suivi. Il est vrai que les jeunes médecins ne souhaitent plus forcément s’installer seuls. Certains préfèrent l’exercice collectif. C’est pourquoi nous avons encouragé la création de 750 maisons de santé pluridisciplinaires et que je propose d’en créer 750 de plus. Il faut également travailler sur la formation ; je souhaite amplifier notre politique en faveur de la création de terrains de stage en médecine libérale. Lorsque dans votre formation, vous ne faites qu’un semestre en ville et le reste à l’hôpital, vous n’êtes pas forcément enclin à partir travailler en libéral. Les jeunes médecins ont également l’appréhension de la lourdeur administrative : c’est pourquoi j’ai demandé à Xavier Bertrand de travailler sur la réduction des tâches administratives. Le temps médical est précieux, il faut s’assurer que les médecins puissent avoir davantage de temps à consacrer à leurs patients. Pour ce qui concerne la rémunération, je pense qu’il faut compléter le paiement à l’acte par davantage de rémunération au forfait et à la performance. Cette réforme est engagée, il faut l’amplifier. Je souhaite aussi qu’on avance sur la révision de la CCAM clinique.

 

Quel sera le prochain chantier que vous mettrez en place dans le secteur de la santé si vous remportez l’élection présidentielle ?

Je souhaite travailler sur l’accès aux soins dans les territoires pour corriger et éviter les déserts médicaux. Je souhaite également désengorger les urgences. Les services d’urgence ne peuvent plus être saturés. A proximité immédiate de tous les services d’urgence qui accueillent un nombre très important de patients, des maisons médicales seront ouvertes, pour ne renvoyer vers les urgences que les actes qui en relèvent réellement et réduire les temps d’attente.

 

La dérive de notre système vers l’hospitalo-centrisme est en marche depuis des années. Comment stopper un phénomène qui se construit au détriment de la médecine de ville ?

Comme je l’ai dit, un travail sur la formation hospitalo-universitaire s’impose. Il faut davantage de professeurs de médecine en ville, davantage de terrains de stage et que les étudiants en médecine soient davantage confrontés à cet exercice. 

 

Notre système de protection sociale supporte le poids croissant des pathologies chroniques prises en charge à 100 % dans le cadre des ALD. Comment gérer cette situation ?

Notre système de santé change et va continuer de changer en particulier avec l’explosion des maladies chroniques. L’augmentation du nombre de patients sous Affections Longue Durée témoigne de ce changement majeur. Cela nous oblige à repenser nos modes de prises en charge et de financement. Lorsque j’ai décidé la création des Agences Régionales de Santé, quelle était l’idée ? C’était de décloisonner le système sanitaire et médico-social, c’est-à-dire adapter notre système de santé aux besoins. Lorsqu’en 2012, nous créons le Fond d’Intervention Régional (FIR), quelle est l’idée ? C’est introduire de la souplesse dans les financements entre la prévention, le soin, et le médico-social… L’étape suivante sera certainement d’introduire des expérimentations de tarification à la pathologie, car prendre en charge un diabète, ou une polyarthrite rhumatoïde nécessite du suivi au long cours que l’on peut organiser et financer. Il ne faut donc pas penser exclusivement aux contours des ALD, même si la Haute Autorité de Santé doit continuer son analyse sur les prises en charge. Il faut penser plus globalement à l’organisation de notre système, à la prévention par rapport aux soins, à la prise en charge médico-sociale plutôt qu’à l’hôpital, au suivi coordonné entre la ville et l’hôpital… C’est de cette manière que l’on pourra à la fois garder une prise en charge de qualité et maintenir l’équilibre financier de notre système.  

 

Comment expliquez-vous le fait que le déficit de l’assurance maladie soit à peu près le même en 2011 qu’en 2004 ? Est-il possible de réduire durablement le trou conjoncturel et structurel de l’assurance maladie ? Faut-il trouver des ressources nouvelles pour atteindre cet équilibre ? 

Si nous n’avions pas fait les réformes de notre système et maîtriser nos dépenses, notre système serait en banqueroute. Il faut rappeler que le financement de l’assurance-maladie provient en grande partie des cotisations sociales, et lorsque les recettes de ces cotisations s’effondrent comme ce fut le cas avec la crise, votre déficit augmente très rapidement. Au plein cœur de la crise, nous avons continué à investir dans la santé, avec un ONDAM à 2,9% malgré une croissance presque nulle ; nous avons investi dans les centres d’excellence pour préparer l’avenir. Nous avons pris des mesures importantes en contrôlant davantage les prix des médicaments, en poussant le générique, en réorganisant l’hôpital, en contrôlant davantage les fraudes et les abus. Entre 2010 et 2012, nous aurons divisé par 2 le déficit de l’assurance-maladie. L’objectif de progression des dépenses d’assurance-maladie, qui n’avait jamais été respecté depuis sa création, l’est chaque année depuis 2010. La France, qui était l’un des pays qui maîtrisait le moins bien ses dépenses d’assurance-maladie à la fin des années 90, figure désormais parmi les pays qui les gèrent le mieux. Nous poursuivrons cet effort de maîtrise des dépenses, en agissant en particulier, en lien avec les professionnels, sur l’amélioration des prescriptions. Cet effort nous conduira à l’équilibre des comptes de l’assurance-maladie.

 

Les dépassements d’honoraires représentent un frein à l’accès aux soins des patients dans certains territoires et pour certaines spécialités médicales. Comptez-vous réguler le phénomène et si oui, comment ? Comptez-vous élargir le secteur optionnel à d’autres spécialités que celles des praticiens de bloc ? En matière d’accès aux soins, pouvez-vous garantir le principe de la liberté d’installation ?

Sur les dépassements d’honoraires, le Gouvernement a proposé au Parlement d’ouvrir la possibilité d’instaurer le secteur optionnel par voie réglementaire en encadrant à 50% les dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, gynécologie-obstétrique et d’anesthésie-réanimation, et pour les seuls médecins du secteur 2. Le décret est sorti fin mars. Ce mode d’exercice a les caractéristiques suivantes : au moins 30% de l’activité doit se faire à tarif opposable ;  les dépassements ne peuvent dépasser 50% du tarif remboursable ; les professionnels doivent avoir un nombre d’actes suffisant pour garantir la qualité des soins. Par ailleurs, cet article de la LFSS (loi de financement de la sécurité sociale. Ndlr) pour 2012 prévoit une prise en charge obligatoire des dépassements du secteur optionnel par les contrats responsables, qui représente plus de 90% des contrats  de mutuelle de nos concitoyens. 

Je suis attaché à la liberté d’installation des médecins. Ceux qui pensent qu’on peut tout imposer se trompent : on réforme avec les professionnels, pas contre eux. Je comprends l’inquiétude de nos concitoyens sur le sujet des déserts médicaux. Ma conviction est que chaque territoire est différent et il faut trouver la bonne solution, faire du « sur mesure » : développer une maison de santé pluridisciplinaire, engager des coopérations entre professionnels pour qu’une infirmière puisse réaliser des actes médicaux, amplifier les contrats d’engagement de service public pour les jeunes médecins qui s’installeront dans les zones déficitaires etc. Sur ces sujets, il faut être pragmatique, pas idéologue. Notre politique commence à porter ses fruits : il y a eu plus de médecins qui se sont installés l’an dernier en zone déficitaire que de médecins qui sont partis.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : propos recueillis par Catherine Le Borgne