Ces questions? C’est vous, lecteurs, qui les avez choisies, en désignant leurs priorités sur deux questionnaires. Egora.fr les a transmises aux candidats. Ils répondent, à cinq jours du premier tour des élections présidentielles. A suivre demain matin : Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP.
Egora.fr : Quelles solutions envisagez-vous pour permettre à notre système de protection sociale de mieux supporter le poids de la montée en charge des pathologies chroniques qui représentent aujourd’hui, près de 70 % des dépenses de l’assurance maladie ?
François Hollande : Derrière les pathologies chroniques, avant qu’il y ait des dépenses, il y a avant tout des personnes : 20% de la population est atteinte de maladies chroniques. Bien souvent, les mesures qui permettraient d’améliorer leur prise en charge et leur quotidien auraient également un impact bénéfique sur les dépenses de l’assurance maladie. Pour de nombreuses pathologies chroniques, par exemple, la mise en place d’un accompagnement individualisé et d’une éducation thérapeutique, aidant le patient à mieux connaître sa maladie, évite des complications par la suite et permet d’éviter des soins coûteux.
Au-delà de ces solutions, nous devons bien sûr agir plus directement sur les dépenses. Nous pouvons, pour certaines pathologies chroniques, réduire le coût de certains médicaments en négociant avec les industries pharmaceutiques. Mais la réponse plus pérenne est d’ordre structurel et concerne l’organisation actuelle de notre système de soins, qui n’est pas adaptée au défi que représentent les pathologies chroniques. Mon projet, si je suis élu, est donc de structurer davantage l’offre de premier recours autour de pôle de soins de proximité déployés sur tout le territoire, pour renforcer la coordination entre les professionnels de santé et fluidifier les parcours des malades chroniques, et ainsi éviter les hospitalisations lorsque cela est possible.
Défendrez-vous le paiement à l’acte ou irez-vous encore plus loin que ce que préconise la convention médicale, dans la diversification des modes de rémunération ?
Il ne s’agit pas de défendre tel ou tel mode de rémunération contre les autres, mais d’utiliser les différents outils qui permettent de répondre aux défis qui sont aujourd’hui les nôtres. La rémunération à l’acte est adaptée pour certains actes, moins pour d’autres. Elle ne permet pas, par exemple, de valoriser l’activité de ceux qui participent à des mesures de santé publique, ou encore exercent en zone sous-dotée en médecins. Je pense donc qu’il faut maintenir la rémunération à l’acte mais augmenter la part forfaitaire dans la rémunération des médecins, notamment pour mieux prendre en compte les actions de santé publique : prévention, éducation à la santé, suivi des maladies chroniques. La convention médicale ouvre de nouvelles pistes dans ce sens. Nous ne nous interdirons pas d’aller plus loin si cela paraît nécessaire, mais toujours dans un cadre négocié avec les professionnels.
Comment comptez-vous remédier à la situation de mauvaise répartition démographique des médecins de premier recours ? Considérez-vous que de nouveaux métiers, ou des métiers intermédiaires sont nécessaires ? Quelles mesures comptez-vous prendre, concrètement, pour permettre à ces professionnels de santé de mieux travailler ensemble ?
Les mesures du gouvernement actuel, à caractère uniquement financier, ne répondent pas aux enjeux, deux exemples récents nous le montrent : les majorations d’actes dans les zones sous-denses n’ont incité qu’une cinquantaine de médecins à s’installer dans ces zones en 5 ans ; et seuls environ 300 contrats d’engagement de service public ont été signés à ce jour.
Je crois pour ma part que nous avons besoin de mesures plus qualitatives, en nous appuyant sur une politique d’aménagement du territoire et de soins coordonnés à partir de la médecine de premier recours.
D’autres mesures viendront compléter ce travail de fond, notamment la limitation d’installation en secteur II dans les zones sur-denses ou encore un plan d’aide à l’installation des jeunes médecins (avec des forfaits majorés mais surtout avec un appui administratif fort à l’installation).
S’agissant du travail entre les professionnels de santé, je crois en effet que nous devons nous appuyer sur l’ensemble des professions existantes et réfléchir aux coopérations et aux délégations de tâches possibles.
Vous vous êtes engagé à réguler les dépassements d’honoraires. Comment comptez-vous vous y prendre ?
Je me suis engagé à plafonner les dépassements d’honoraires, parce qu’ils deviennent en effet insupportables pour les patients et les conduisent à renoncer ou à retarder des soins. L’enquête récente du journal Le Monde a confirmé ce que nous savions déjà : les dépenses de santé qui restent à la charge des ménages après remboursement de la sécurité sociale et des mutuelles sont en grande partie causées par ces dépassements d’honoraires. Et certains professionnels abusent en faisant payer plus de cinq fois le tarif de la sécurité sociale. Il s’agit donc de lutter contre ces abus et de réintroduire la possibilité de parcours de santé à tarif opposable. C’est essentiel pour que la santé reste, en France, accessible à tous.
Face à ce problème des dépassements, Nicolas Sarkozy propose un secteur optionnel qui ne me semble pas être la réponse qu’attendent les Français. Son impact sera faible.
Je propose de mon côté un encadrement et un plafonnement stricts des dépassements. Je souhaite qu’une négociation entre les représentants des médecins, de l’assurance-maladie obligatoire et des organismes complémentaires définisse rapidement ce dispositif, avec comme objectif prioritaire l’accès aux soins.
La protection sociale du médecin libéral et a fortiori des femmes médecins, est très déficiente par rapport aux salariés du privé, ce qui pèse dans la décision de choisir ou pas d’exercer en libéral. Faut-il améliorer la protection sociale des médecins libéraux et si oui, comment ?
Il est vrai que l’insuffisance de protection sociale en cas de maternité est un frein à l’installation libérale des jeunes femmes médecins. J’ai dit que je souhaitais signer un Pacte social avec les professionnels de santé. Ce sera l’occasion de mettre l’ensemble des dispositifs à plat et de discuter des évolutions nécessaires, notamment pour le congé maternité des femmes médecins. La question d’un complément aux prestations versées aux femmes médecins conventionnées, notamment, pourrait être étudiée dans le cadre du plan d’installation des jeunes médecins que je souhaite mettre en place.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : propos recueillis par Catherine Le Borgne