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Au secours! Je ne supporte plus mon associé…

"Plus tard j’aimerais m’installer en groupe, c’est beaucoup plus agréable que de travailler seul". Le travail collectif est souvent vu par les jeunes comme l’avenir de la médecine générale. Pourtant, travailler avec un ou plusieurs associés n’est pas de tout repos. Vol de patients, embrouilles concernant les frais… Les médecins sont nombreux à craquer et à rêver d’exercer… Seuls !

 

La période de la première installation est souvent un moment clé dans la vie d’un médecin. Pour ceux qui choisissent de travailler en libéral, il faut se décider entre l’option exercice seul ou collectif. Pour certain, le choix est vite fait, c’est collectif. Ce sera notamment le cas de Camille M., jeune interne en médecine générale. Après un stage convaincant dans un cabinet de groupe, elle sait d’ores et déjà qu’elle optera pour ce mode d’installation, idéal pour pouvoir échanger entre confrères sur les problèmes des patients. C’est vrai, mais attention Camille. Car ils sont nombreux à avoir appris après leur installation que tout n’est pas toujours rose dans une association.

 

"Fausse concurrence"

C’est le cas du Dr Audrey B*. La jeune femme âgée d’une trentaine d’années vient à peine de s’installer dans l’est de la France. "J’ai repris les parts d’un médecin que je remplaçais et qui est parti à la retraite. Lorsqu’il m’a proposé de lui succéder, je n’ai vu que les bons côtés, comme le fait d’avoir une secrétaire par exemple", explique-t-elle. Elle a vite déchanté. Après avoir signé, elle apprend que la situation financière du cabinet n’était pas saine. "Ils avaient laissé courir les dettes de l’un des associés. J’ai aussi appris l’existence de certains prêts à rembourser après la signature chez le notaire".

Positive, la jeune femme est passée outre pour partir sur de bonnes bases. Car Audrey B. est une jeune médecin passionnée par son métier.  Mais elle s’est vite rendue compte que sa vision de la médecine avec un grand M était quelque peu différente chez les voisins. "Dans le cabinet, il y a une sorte de fausse concurrence. C’est très désagréable lorsque l’on dit non à un patient, que l’on prend le temps de lui expliquer les choses, de le voir frapper à la porte d’à côté et repartir avec ce qu’il était venu chercher", se désole-t-elle.

 

"De l’eau dans son vin"

L’autre gros problème est le rapport à l’argent, sur lequel ils ne sont pas du tout sur la même longueur d’ondes. "Le paiement à l’acte, ça en fait courir certains après l’argent", soupire-t-elle. Ainsi et régulièrement, elle réalise que son associé lui "pique des patients". Sa technique est imparable : "Je viens de m’apercevoir qu’il remplit les feuilles de médecins traitant sans les faire signer par les patients. Puis il les envoie directement !", raconte-t-elle en riant jaune. Installée depuis le mois de janvier, elle avoue avoir déjà pensé à partir, mais elle tient bon. Car dans une petite partie de sa tête, son banquier lui rappelle qu’elle a signé "un prêt sur 7 ans".

"Lorsque j’analyse ma situation, je me dis que je n’aurais jamais du faire ça" dit-elle avant de relativiser : "d’un autre côté, passer des journées à attendre le temps de se créer un patientèle, je n’aurais pas tenu non plus". Alors Audrey B. essaie de "rester sympa" et de "mettre de l’eau dans son vin". Elle ne dit rien lorsqu’elle constate qu’"un des associés s’accapare beaucoup plus la secrétaire que les autres" ou lorsqu’elle entend toujours le même "être scandalisé" parce qu’elle imprime ses ordonnances et que le papier fait partie du pot commun alors que lui paie ses ordonnanciers. "Toutes les associations ne sont pas foireuses. S’installer, ça peut être super lorsque l’on a la même vision de la médecine" se console le Dr B.

 

"Clash"

Ce n’est pas Catherine S.* qui lui redonnera le sourire. Pour cette généraliste parisienne, l’association n’est aujourd’hui plus qu’un mauvais souvenir, mais elle se souvient bien de sa première installation. C’était en 1991. Elle avait répondu à une annonce. De prime abord, la situation semblait idéale. "Nous n’avons même pas signé de contrat. On s’entendait tellement bien. On se disait que ce n’était pas la peine. C’est comme lorsque l’on se marie, on ne se dit pas qu’on va divorcer", sourit-elle. Au début, l’harmonie entre les deux consœurs est parfaite. "On sortait en dehors du travail, on est même parties en week-end ensemble", se souvient-elle. Les choses commencent à se corser pour des questions d’argent, mais aussi d’approche de la médecine…

"Nous avions deux manières d’exercer notre métier qui étaient très différentes. Elle avait toujours une vision très psychologique des choses alors que moi j’étais avant tout dans la médecine", explique la généraliste. Dans le cabinet, deux ou trois affaires posent problèmes : "comme cette patiente qui se plaignait de douleurs aux ventre et qu’elle avait diagnostiquée comme étant dépressive alors qu’elle avait un cancer".

Au-delà de ces tensions, ce sont les problèmes d’argents qui provoquent "le clash". Catherine S. se souvient : "elle ne voulait rien investir dans le cabinet. Tout ce que j’ai refait, je l’ai payé de ma poche. A la fin on ne se parlait plus du tout. Je voulais qu’on prenne une secrétaire pour arrêter de perdre du temps avec la prise de rendez-vous et encore une fois, elle était contre". Petit à petit, les conditions de travail se dégradent et la situation idyllique de départ tourne au cauchemar. "Elle s’est mise à me piquer des patients. Il nous est même arrivé de nous insulter devant les malades dans le couloir !", déplore Catherine S.

 

Fair play

La situation devient intenable et l’associée demande une conciliation auprès du conseil de l’Ordre. "Ils ont été nuls", se souvient le Dr Catherine S. avant d’ajouter : "vu que nous n’avions pas de contrat, ils ne pouvaient rien faire". L’associée essaie alors de passer par un avocat. "Elle pensait qu’elle allait me faire plier sur ces revendications, mais ça n’a pas marché" se souvient la généraliste. Un beau jour, l’associée décide donc de partir. "Elle est venue me voir et m’a dit : je pars lundi pour m’installer à 100 mètres du cabinet!".

Depuis le départ de son associée, Catherine S. est un médecin comblée ! "J’ai pris une secrétaire téléphonique et j’ai quasiment doublé la patientèle. J’ai pu vraiment investir dans le cabinet" se réjouit la généraliste. Aujourd’hui, plus question d’entendre parler d’association. La médecin reste cependant fair play. "Lorsque des patients de mon ancienne associée appellent pour prendre rendez-vous, je n’hésite pas à donner son nouveau numéro".


*Les prénoms ont été modifiés.


 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi