Classée au  640ème rang aux ECN de juin 2011 sur plus de 7000 étudiants, Camille M., 24 ans et interne en premier semestre à Tours, pouvait choisir la spécialité que bon lui semblait. Gynéco, pédiatrie, cardiologie…  Contre toute attente, la jeune femme choisira médecine générale. "Des gens n’ont pas compris. Mon père n’y connait rien en médecine, mais quand il a appris ce que je voulais faire, il m’a dit : Quoi ! Mais avec ton classement, pourquoi tu ne fais pas cardio, ou je sais pas moi… Neuro ?!", s’amuse-t-elle.

 

Rien à voir avec la vocation, pourtant. Originaire de Brest, l’étudiante choisit de faire médecine un peu par hasard, juste avant de passer son bac. Au détour d’une consultation, le dentiste qui lui enlève les dents de sagesse lui vend les études de médecine comme très riches et surtout très variées. Il ne lui en faudra pas plus.

 

Tout sauf ça

Au gré du vent marin de la mer d’Iroise, elle fait ses classes dans une faculté brestoise très portée sur la MG. Des médecins généralistes  – tous supers heureux et motivés – interviennent pour présenter leur métier. "Au départ, je voulais bien tout faire sauf médecin généraliste. Pour moi, c’était ceux qui ne soignaient que les angines. Je me disais ça devait être trop nul. A chaque fois que je découvrais une spécialité, je me passionnais. J’adorais la gynéco, la pédiatrie, l’orl, la médecine interne. Comme il y avait plein de choses qui me plaisaient et que je ne savais pas trop quoi faire, je me suis dit qu’il fallait quand même que je fasse un stage chez un généraliste pour voir ce que c’était". 

Voyage donc au centre d’un cabinet médical composé de cinq médecins associés dans une zone semi-rurale, à côté de Morlaix. Le maître de stage, "génial", est plutôt bien dans ses baskets, très doué pour le contact avec les patients, confortablement équipé d’un appareil d’échographie et fait plein de choses, finalement. Dermato, Infiltration, ponctions du genou, pose de stérilet, suivi de grossesse…  "Dès qu’il y avait un petit cancer de la peau à enlever,  il le faisait. Je ne pensais pas que c’était aussi intéressant," se rappelle l’étudiante.

 

Qualité de vie

La sensation d’être un pivot pour ses patients et d’être un peu celle qui, quelque part, les connait le mieux, lui plait. Mais c’est surtout le mode d’exercice  et la qualité de vie qui la séduisent dans le métier : "Comme je ne suis pas carriériste, c’est en grande partie ce qui a déterminé ma décision. La liberté. Ne jamais avoir de comptes à rendre, sauf à ses patients. Quand on est médecin généraliste, si on a envie de faire plus de gynéco ou de pédiatrie on peut le faire, il suffit de passer des DU. On choisit ses horaires et on s’organise comme on veut. Les femmes médecins peuvent se libérer le mercredi pour leurs enfants, par exemple".

L’amplitude horaire ne lui fait pas peur. Quant au niveau de revenus,  elle ne s’est même jamais posé la question. Pas très réaliste, la petite ? Peut-être, reconnait-elle. Mais qu’importe. Pas envie de passer cinq ans à réapprendre toute une spécialité, enfermée à l’hôpital. Et puis, c’est vrai, les internes en MG étaient toujours ceux qui avaient l’air les plus cools et les plus décontractés…

 

"Un peu se suspens"

Parfois, le doute la reprend. "Le  choix a été long et difficile. J’ai hésité tout l’été à prendre une spécialité. Pas mal de gens m’ont demandé plusieurs fois pourquoi je faisais ça, m’ont dit que j’avais intérêt à prendre plutôt une spécialité et, si jamais ça ne me plaisait pas, d’exercer un droit au remords pour la médecine générale… Je sais bien qu’au fond, certains se sont dit : ah mais qu’est-ce qu’elle est bête", rit-elle, fermant ses oreilles aux rumeurs qui circulent dans les couloirs de l’hôpital. "C’est vrai qu’on entend souvent râler les médecins hospitaliers contre la MG. C’est souvent du Ah regarde ce qu’a fait le médecin généraliste, il n’aurait pas du, pourquoi il nous amène le patient dans cet état là…"

Même si elle a encore du mal à se projeter dans le futur, Camille M. se voit bien faire quelques années de remplacement avant de s’installer en libéral, sans doute de retour sur sa terre natale. Mais pas toute seule. En groupe, pour pouvoir échanger sur les problèmes qu’elle rencontre avec ses patients. "Quand on est médecin généraliste, on est le premier à voir quand le patient à un truc un peu bizarre. Au fond, je crois que c’est ça qui me motive le plus. A chaque patient qui rentre dans son cabinet, on ne sait pas ce qui l’amène. Il y  a un peu se suspens. On se dit : Ah tiens, pourquoi elle vient aujourd’hui ? Alors qu’un endocrinologue, ça va être très intéressant*, mais sur sa plage de consultation, il est casi sur de voir neuf diabétiques et une hyper tyroidie dans son après-midi".  Et il faut croire qu’elle n’est pas la seule à aimer l’imprévu. A l’époque, la future consœur s’était rassurée en constatant que  le cinquantième du classement aux ECN avait lui aussi envisagé la MG dans le simulateur de choix…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Mathilde Debry