Les médecins ont changé… Grâce à Internet. Pour la jeune génération, la Toile a des vertus thérapeutiques. Journal intime et exutoire via les blogs ou formation continue et remède contre la solitude grâce à Twitter. Cachés derrière leurs pseudos, ces nouveaux médecins 2.0 témoignent.
Borée travaille "en zone très rurale", dans un lieu où "il n’y a pas de spécialistes à moins de 45 minutes de voiture". Malgré son isolement, il fait partie des médecins "à suivre" sur Twitter. S’il est si connu, c’est parce qu’il a créé un blog influent sur la Toile.
"Grande gueule"
Il y écrit des articles qui sont "des articles de fond mais aussi des tranches de vie et des billets très couleur locale" sur ce qui se passe dans son cabinet. Une démarche quasi journalistique grâce à laquelle il parvient à créer le débat. Et ça fonctionne. Les internautes sont toujours très nombreux à laisser des commentaires à la suite de ses articles. "J’ai toujours été une grande gueule, alors le blog, c’est un peu une façon de l’ouvrir. Cela me permet de dire des choses que je ne pourrais pas dire ailleurs mais aussi de prendre de la distance avec ce qui se passe dans mon cabinet par exemple", commente-t-il.
Parmi les médecins généralistes bloggeurs, Jaddo (Juste après dresseuse d’ours) est elle aussi une pionnière et une figure de proue. Pour cette jeune médecin remplaçante de 31 ans, tenir un blog "a la valeur thérapeutique d’un journal intime". Six ans après la création de son site elle continue à se réjouir des réactions des internautes : "Au début je pensais être la seule à halluciner sur pleins de situations, et je me suis finalement rendue compte que pleins de gens pensaient comme moi. C’est super agréable".
"Exutoire"
Et ils sont nombreux car son site engrange près de 2000 visites par jour. "Je ne sais pas trop comment analyser ce chiffre, c’est peut être ma mère qui se connecte 1800 fois !" plaisante-t-elle. Modeste, la jeune généraliste renvoie toute la gloire à sa profession : "mon métier est pourvoyeur d’histoires fabuleuses, moi je n’y suis pour rien".
Les médecins inspirés par des blogs qui marchent, comme celui de Borée ou de Jaddo, sont de plus en plus nombreux à créer le leur. C’est le cas de Dr Millie. Après s’être plongé dans l’univers des blogs de médecins, elle a eu envie de créer le sien. "Cela correspondait à un besoin à un moment de ma vie. Je voulais faire partager mon expérience et, pourquoi pas, faire naître des vocations", sourit-elle. Gélule a quant à elle choisi l’option blog dessiné. Un mode d’expression qui lui prend beaucoup de temps et qu’elle pratique souvent entre deux consultations. Pour cette jeune maman qui vient de terminer sa thèse et qui est remplaçante, dessiner n’est pas une perte de temps. "Ce blog, c’est un peut tout pour moi. C’est un exutoire, un endroit où je raconte des choses qui me tiennent à cœur", confit-elle.
"Brouiller les pistes"
Mais que penseraient les patients s’ils savaient que leurs médecins traitants décrivent certaines consultations sur Internet ? Est-ce une entrave au secret médical ? "Non" répondent les médecins bloggeurs à l’unanimité. "En pratique, je parle très peu des patients et si c’est le cas, je maquille tous les détails", explique Gélule avant d’ajouter : "ce que je raconte, c’est surtout des histoires de vie". Idem pour Borée qui "change les détails des situations pour brouiller les pistes". Jaddo admet qu’il y a de plus en plus d’anecdotes qu’elle ne raconte pas. "Au début je racontais des histoires passée, vieilles de dix ans, aujourd’hui c’est beaucoup plus difficile de sélectionner des choses racontables" juge-t-elle. Bien qu’ils ne se soient souvent jamais rencontrés, tous ces médecins bloggeurs se connaissent. Tous les jours, ils échangent sur le réseau social Twitter. Ils forment ainsi un cercle d’amis et de confrères virtuels. Pour ces généralistes, les avantages de Twitter sont multiples.
"Je ne travaille pas dans un cabinet de groupe, être sur Twitter me sort de l’isolement. Quand je ne suis pas très motivée le matin, l’idée de retrouver les copains, c’est super sympa" commente Jaddo. Pour ces médecins, le rôle de Twitter est en quelque sorte celui d’un cocon réconfortant. "Le fait de parler sur Twitter me permet de me décharger" explique Docmam. Pour Gélule, "c’est un espace d’échange avec des confrères où l’on peut se soutenir". "Il y a toujours quelqu’un à qui parler, les gens sont bienveillants", se réjouit le Dr Milie.
Un vrai rôle médical
En plus du soutien moral, Twitter a un vrai rôle médical pour ces médecins. Tous les généralistes interrogés assurent que le réseau social fait office de formation médicale continue. Dr Milie admet même avoir été étonnée : "J’étais vraiment surprise de voir qu’il y avait tant de bon médecins dessus. Quand on pose une question, la réponse arrive dans l’heure et elle est toujours très rigoureuse". Jaddo quant à elle est tout aussi enchantée, "c’est un super outil de travail. Une très bonne manière d’être informée. Il y a comme une sélection des informations pour les généralistes. On y apprend par exemple l’arrêt de commercialisation de certains médicaments. C’est ludique et le site est beaucoup plus agréable que celui de la HAS !"
Ainsi, une vraie communauté médicale s’est créée sur la Toile. Et il y a aussi des spécialistes. Jaddo énumère : "Je connais un anesthésiste, un opthalmo, un psy, des infirmières, des sages-femmes, des néphrologues. On rêve de recruter un dermato pour pouvoir lui envoyer des photos" s’amuse-t-elle. Borée relativise néanmoins: "Twitter permet d’avoir des réactions très rapides sur des cas précis, mais en 140 caractères, on ne remplace pas une consultation". Tous les jours, internes et jeunes médecins ouvrent un compte sur le réseau. "Au début, dès qu’un nouveau médecin arrivait, je le suivais, explique Jaddo, aujourd’hui, je ne peux plus, il y en a trop."
Un tel succès de Twitter dans le milieu médical a donné des idées à d’autres entrepreneurs. Le site meltingdoc.com vient de voir le jour. Il propose lui aussi d’offrir un réseau social aux médecins. Affaire à suivre.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi