Dr Elise Bizet* a du être arrêtée six mois suite à une très grosse hernie discale. Une épreuve nouvelle pour elle qui, à 58 ans, n’avait jamais consulté de médecin généraliste. Elle nous parle de ses moments de doute, de révolte, de peur puis de résignation face à la découverte de la douleur. Rencontre.

 

"Tout a commencé quand j’ai eu mal à la fesse. Quinze jours après, la douleur est arrivée jusqu’au bout des pieds. Je me suis dit que je devais avoir une tendinite de la fesse. Puis les choses ont empiré et quelques jours plus tard, je ne pouvais plus marcher. Je me suis donc décidée à passer une IRM qui a révélée une très grosse hernie discale qui me comprimait le nerf sciatique. J’avais deux solutions : soit je me faisais hospitaliser, soit je faisais comme une patiente normale et j’allais voir un médecin traitant. J’ai choisi la deuxième option.

 

Prise en charge trop tard

Je me suis rendue pour la première fois de ma vie consulter un médecin généraliste ! Je confiais ma santé à un collègue, ce qui n’était encore jamais arrivé. C’était un ami. J’ai suivi à la lettre tout ce qu’il m’a dit comme n’importe quelle patiente. Enfin… On a quand même discuté des posologies ! Au bout de quinze jours il m’a envoyée chez un rhumato. J’ai pris des tonnes de médicaments, on m’a fait deux infiltrations dans la colonne lombaire. Finalement, il a pris la décision de m’opérer.

Pendant cette période, étant incapable de marcher, je me suis arrêté de travailler. Les quinze premiers jours de repos, c’était la jubilation !! (Éclat de rire) Je ne m’étais jamais arrêtée de ma vie, alors rester quinze jours couchée à bouquiner et à regarder la télé, c’était merveilleux ! Mais j’ai eu de plus en plus mal donc c’est vite devenu moins sympa ! A ce moment là, le cabinet était le dernier de mes soucis. J’avais déjà une remplaçante régulière qui a pu être présente dès mon premier jour d’arrêt. Et puis j’étais bien couverte. J’avais une assurance indemnité qui m’a couverte à partir du quinzième jour. Après j’ai eu la CARMF. Mon unique problème était la souffrance.

Le souci, c’est que comme beaucoup de médecins, je me suis prise en charge trop tard. Six mois avant j’avais déjà eu la même douleur mais je n’avais rien fait. Si j’avais décidé tout de suite de passer une IRM, ça ne serait peut être pas allé aussi loin. Mon hernie n’est pas venue du jour au lendemain. C’est comme ça, un médecin ça ne consulte pas. Ca tourne dans sa tête les diagnostiques possibles, ça en choisi un, et puis c’est tout ! (Rire)

 

En colère

L’opération décidée, le rhumato a transmis mes radios directement au chirurgien. Peu de temps après, la secrétaire m’a appellé et m’a fixé un rendez-vous. Il ne s’agissait pas de rencontrer le chirurgien, mais d’être directement opérée. Ca a été la première erreur. J’étais une consœur, alors on ne pas donné de rendez vous avec le chirurgien, comme si cela n’était pas nécessaire. Le matin de l’intervention, je n’y suis pas allée. J’avais trop peur. (Rire) J’avais une angoisse indescriptible. Je voulais prendre un deuxième avis. Sans demander l’avis de mon médecin traitant, j’ai téléphoné à un autre chirurgien. Très vite, il m’a reçu et a pris le temps de tout m’expliquer. Il a su m’écouter et entendre mes angoisses. Il m’a dit que je n’avais pas le choix et qu’il fallait que je me fasse opérer. Alors, je lui ai demandé de le faire. Cette fois, j’y suis allée.

Pour l’anecdote, pendant la période entre les deux chirurgiens, tous mes amis me conseillaient diverses choses ! L’un d’entre eux m’assurait que la silice guérissait les hernies discales, donc je buvais ma silice ! Un autre ami m’a dit qu’un magnétiseur l’avait guérit de sa hernie, donc je suis allée voir un magnétiseur ! (Éclat de rire) J’étais exactement comme n’importe qu’elle patiente qui essaye un peu tous les remèdes.

Finalement j’ai été opérée deux mois et demi après avoir été arrêtée. Au réveil, après l’intervention, je ne pouvais plus marcher. J’avais encore dix fois plus mal qu’avant ! L’angoisse a été énorme. Normalement j’aurais du pouvoir remarcher dès le lendemain. J’ai refait une IRM qui était normale. En fait c’est le sciatique, qui comprimé pendant deux mois et demi, avait fait un œdème. J’étais en colère. Je ressentais la révolte de la patiente qui se fait opérer pour ne plus avoir mal et qui au final souffre encore plus.

 

Grondée par les infirmières

Au lieu de me faire sortir de la clinique, j’ai été mutée dans un contre de rééducation. J’ai passé une semaine à avoir horriblement mal, jusqu’à ce qu’on me mette sous morphine puis aussi sous cortisone. J’avoue que je m’automédiquais en plus ! On ne me donnait pas assez de calmants alors je prenais des médicaments anti-douleur en cachette. Je me faisais gronder par les infirmières ! (Rire) A ce moment, j’avais tellement mal que je n’en faisais qu’à ma tête. Le médecin était un petit jeune très gentil, mais je pense qu’il était un peu gêné. Je devais avoir le double de son âge.

Je suis restée un mois dans ce centre où j’essayais de remarcher pas à pas. Je n’avais qu’une idée, sauver ma peau. Est-ce que j’allais pouvoir remarcher, faire du ski ou du tennis ? Je voulais retrouver une vie normale. En rentrant à la maison, j’avais pour indication de marcher au moins deux heures et demi par jour. Je l’ai fait scrupuleusement. Petit à petit, je ne prenais plus de médicaments et six mois après mon arrêt, j’ai repris le travail. Je n’étais pas gaillarde. Je ne tenais pas assise. Je suis retournée travailler pour me remettre en condition, sachant que deux semaines plus tard, je partais en vacances.*

Six mois après l’opération, je suis retournée pendant un mois en hôpital de jour à mi-temps où je faisais du sport, de 8h à midi. Cette rééducation a été extraordinaire et m’a beaucoup aidé. L’après midi, j’étais au cabinet.

 

Plus proche des gens qui ont mal

A mon retour, les patients étaient très gentils. Ils me demandaient de mes nouvelles. Aujourd’hui j’ai acquis une expérience du maniement des antalgiques extraordinaire ! (Rire) Je suis capable de dire combien de temps agissent tel ou tel médicament, je sais tout ! Ca a changé ma façon de traiter mes patients. Ceux qui ont mal au dos, je les conseille, je leur montre les exercices à faire. Je leur fait profiter de mon expérience. Je suis beaucoup plus proche des gens qui ont mal. J’ai changé mon rapport à la douleur, qui était quelque chose que je ne connaissais pas.

Aujourd’hui, je m’écoute beaucoup plus qu’avant. Je ne pense plus que je suis invincible. Cette semaine je suis au ski et donc après avoir skié deux jours, je me repose le troisième. Je prends soin de moi. C’est d’ailleurs un conseil que je donne à mes collègues. La maladie arrive à tout le monde. Nous, les médecins ne sommes pas des surhommes ou des sur-femmes. Et puis avec le recul je me dis qu’heureusement que j’étais bien couverte. J’avais déjà du mal à survivre, si en plus j’avais du avoir des ennuis financiers, ça aurait été la galère. Ces assurances coûtent chers quand on n’a pas été malade mais quand on en a besoin, heureusement qu’elles sont là. La mienne ne m’a pas servi pendant 30 ans."

 


*Le nom a été modifié.


 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi