Landudec, sa belle église, son camping du Bel Air et … Sa maison médicale. Tout aurait pu être parfait dans cette petite bourgade de 1 300 habitants, à un détail près. Depuis l’ouverture de la maison médicale, aucun médecin n’a souhaité s’y installer.

 

L’histoire de la maison médicale de Landudec (Finistère) commence il y a 4 ans. Une association chrétienne propriétaire de terres décide de vendre un vieux collège et son terrain en plein centre de commune pour une somme modique, 10 000 euros. En contrepartie, elle demandera à l’acheteur de construire une maison médicale sur le terrain.

 

"On s’est dit qu’il n’y aurait bientôt plus de docteurs…"

"On l’a bien spécifié dans le contrat de vente" explique René Vigourou, vice président de l’association, avant d’ajouter : "On s’est dit qu’il n’y aurait bientôt plus de docteurs et qu’il fallait des locaux pour les infirmières". Philippe Gadonna, entrepreneur du bâtiment dans la commune, décide de signer, attiré par le faible prix du terrain.

800 000 euros de travaux plus tard, un immeuble de trois étages est né dont tout le rez-de-chaussée est consacré à la maison médicale. Un local aux normes, accessible aux personnes à mobilité réduite, dont chaque cabinet dispose d’une sortie privative. Même l’isolation phonique a été soignée. Cela ne suffira pas. Dans le bâtiment finalisé à l’été 2011, les six logements sont rapidement loués, mais la maison médicale reste vide. Philippe Gadonna baisse alors le prix de ses loyers et parvient à attirer en janvier deux infirmières et un kiné. Les cabinets de médecins restent toujours désespérément inoccupés.

"Il y a quatre ans, quand j’ai signé le projet, on ne parlait pas trop du manque de médecin, si j’avais su je ne crois pas que j’y serais allé" déplore le promoteur qui ne parvient pas à rentrer dans ses frais. Pourtant, pour René Vigourou, cette maison médicale, c’était la seule chance d’attirer des médecins. "Si on n’offre pas un local décent à un généraliste qui souhaite s’installer, on n’a aucune chance" analyse t-il.

 

A l’envers

A Landudec, il y a encore un médecin. Le Dr Dominique Gauducheau. Ce généraliste en poste depuis 1972 est censé être retraité depuis deux ans. "Je continue à travailler parce qu’il n’y a personne pour prendre la relève. Il y aurait facilement du boulot pour deux généralistes, mais je suis obligé de freiner. Je m’arrête à 20 consultations par jour" regrette-t-il. En 4 ans, le médecin n’a reçu que 10 appels de potentiels remplaçants, mais tous ont finalement refusé. Pourtant, il promet que "si les médecins viennent, je leur transmets gratuitement ma patientèle, je leur tiens la main pendant trois mois, jusqu’à ce que tout fonctionne bien, et puis j’arrête". Même sa secrétaire se tient à disposition.

Il y a deux ans, la commune avait envoyé via le Conseil de l’Ordre du Finistère des brochures à tous les remplaçants de Bretagne. Pour un résultat nul. Démuni, le maire de Landudec, Noel Cozic, prévoit de retenter l’expérience.

Pour Pierre de Haas, médecin généraliste et président de la Fédération française des maisons et pôles de santé, "cette histoire est plutôt mal partie. Ils sont tombés dans l’erreur la plus classique". Pour ce spécialiste des maisons de santé, l’analyse est claire : "Ils ont pris le problème à l’envers. Il faut d’abord créer une équipe avant de la mettre dans des murs, et surtout pas l’inverse !".

 

"Dans la panade"

Que va devenir cette maison médicale ? Pour le moment, Philippe Gadonna perd de l’argent. "Je suis dans la panade. Si au bout d’un certain temps on ne trouve toujours pas de médecins, je vais être obligé de prendre des décisions" soupire t-il. Car à son grand désespoir, le promoteur a du refuser de louer ses cabinets à d’autres professions libérales intéressées par les locaux et même à des personnes handicapées qui auraient souhaité s’y installer. Depuis peu, une sage-femme serait intéressée, mais "elle hésite à cause du prix du loyer" déplore le promoteur qui va peut-être encore devoir baisser ses prix.

Même René Vigourou, à l’origine du projet de la maison médicale, est fataliste. "S’il n’y a pas de médecins généralistes mais que des dentistes sont intéressés, ça fera l’affaire. Tant pis, on aura une maison médicale sans médecins. Et puis si au bout d’un an on ne trouve rien, il faudra trouver une autre solution".

En tout dernier recours, le maire pourrait envisager de contacter un cabinet privé qui propose des médecins roumains. Une solution qu’il préférerait laisser de côté. "J’aurais peur que le médecin vienne avant de très vite repartir pour autre chose". Un avis partagé par le Dr Gauducheau. "Toutes les histoires que j’ai entendues avec les médecins d’origines étrangères ont été un échec". Et le maire de résumer : "On préférait un bon étudiant de chez nous. Pour lui cela serait une affaire rentable, il pourrait facilement gagner 3 500 à 4 000 euros par mois". Avis aux intéressés. 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez