L’économiste Gérard Cornilleau s’est penché  sur la question du financement de la santé. Mise en place d’un bouclier sanitaire, hausse du revenu des médecins contre une obligation d’installation en zone sous dotée…  Il a lancé plusieurs pistes de réflexion sur le financement de la sécurité sociale. Après un économiste libéral hier, Gérard Cornillaud porte un regard bien plus réglementaire (et autoritaire) sur le financement du système de santé.

 

Egora.fr. Vous proposez une revalorisation des tarifs des actes des médecins en contrepartie d’une contrainte sur l’installation et une réduction des dépenses d’honoraires. Concrètement, comment cela fonctionnerait-Il ?

Gérard Cornillaud. Idéalement, on peut concevoir de négocier une hausse des revenus des médecins en formation contre une contrainte à l’installation (éventuellement aidée par des primes spécifiques) et une baisse des dépassements d’honoraires. Mais dans la situation actuelle, la seule voie est celle d’une forte revalorisation des tarifs des actes en contrepartie d’une contrainte à l’installation et une réduction des dépassements d’honoraires. Il faut baisser les dépassements d’honoraires qui doivent devenir exceptionnels. Cela génère des inégalités qui sont choquantes.

Comme la masse de médecin va forcement diminuer du fait du numerus clausus, cette hausse de la rémunération sera compensée par leur réduction numérique. On va ainsi rentrer dans une phase délicate de raréfaction des médecins, dont il va falloir réorienter l’installation. Il y a des territoires qu’il faut flécher. Si l’incitation ne fonctionne pas, il faudra passer à l’obligation.

Pourquoi ne pas mettre en place la méthode espagnole ? On ouvrirait des postes chaque année et les jeunes médecins ne pourraient s’installer que sur les postes vacants, dans certaines zones. C’est ce que l’on applique aux fonctionnaires. Finalement, la profession de médecin c’est du service public puisqu’ils sont rémunérés avec l’argent de la sécurité sociale.

Vous parlez de remplacer les affections de longues durées (ALD) par un bouclier sanitaire. Comment fonctionnerait ce bouclier ? 

Il s’agit là d’une réflexion basée sur plusieurs textes*. Aujourd’hui le système de remboursement des ALD est ingérable et horriblement technocratique, basé sur des listes de maladies. On est remboursé à 100 % pour les pathologies lourdes mais pas si on attrape une grippe par-dessus. Au final, ceux qui bénéficient des ALD ont un reste à charge plus important que les autres car ils sont plus fragiles.

Il faudrait donc mettre en place un bouclier sanitaire. On fixerait un plafond (par exemple 600 euros, le reste à charge moyen annuel d’un ménage en dépense de santé), et au-delà de ce montant remboursé au tarif normal de la sécurité sociale, tout le reste serait pris en charge à 100 %. Un tel système assurerait mécaniquement le remboursement des dépenses les plus lourdes associées aux maladies graves et coûteuses. Cela changerait complètement le rôle des assurances complémentaires, mais c’est déjà un peu le cas avec les ALD.

L’idée serait de modifier profondément  le partage des tâches entre sécurité sociale et mutuelles. Le fait d’avoir plusieurs organismes qui co-remboursent des dépenses essentielles, cela coûte trop cher.

Les assurances complémentaires pourraient ne se consacrer qu’à la prise en charge des dépenses hors champ de l’assurance maladie publique, notamment les frais d’appareils dentaire ou d’optique.

L’économiste Nicolas Bouzou propose que la sécurité sociale ne rembourse que les pathologies lourdes, qu’en pensez-vous ?

Ne rembourser que les pathologies lourdes… On retombe dans un système bureaucratique avec des problèmes de listes. Pourquoi telle pathologie serait lourde et pas telle autre. Tout cela c’est théorique et illusoire. De toute façon, au début, on a des pathologies qui ne sont pas lourdes, elles le deviennent si on ne les soigne pas. Ne rien rembourser des petites pathologies, c’est prendre un gros risque de santé publique.

Que pensez vous des propositions des candidats à la présidentielle en matière de santé ?

Il y a vraiment une chose commune à l’ensemble des programmes des gros candidats, ne surtout pas trop se mouiller. Ils font tout pour ne pas prendre d’engagements qui pourraient coûter quelque chose. Mais les réformes ne se feront pas à coûts nuls. D’autant que le pouvoir de négociation des médecins va augmenter. Ils seront moins nombreux, donc ils auront plus de pouvoir.


* Bras Pierre Louis, Etienne Grass et Olivier Obrecht, « En finir avec les affections de longue durée (ALD), plafonner les restes à charge », Droit Social,  n° 658, avril 2007.

* Briet Raoul et Bertrand Fragonard (avec le concours de Pierre-Jean Lancry),  Rapport de la Mission Bouclier Sanitaire, Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, 28 septembre 2007.


Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Propos recueillis par Sandy Berrebi