Artiste en calinothérapie, très écouté des médecins, François Bayrou vient de présenter un projet 2012-2020 "pour la santé et les solidarités" qui se veut humaniste et rassurant. Mais encore très flou sur son financement.

 

La solidarité, l’humanisme, la protection des plus faibles : ces concepts sous-tendent le projet de François Bayrou pour la santé et la protection sociale, et plus largement les solidarités.  Il en a longuement développé la philosophie, en clôture du 3ème forum de la campagne électorale, dédié aux solidarités, samedi dernier.

 

Généralités

Mais, constatent  certains, au-delà des belles et grandes idées, souvent articulées sur le territoire et la prise en compte des régionalismes, le projet 2012-2020 ne semble pas vraiment finalisé. Particulièrement dans sa partie financement ! Et c’est vrai que l’on reste sur sa faim. Le candidat brasse des concepts, rassure le corps médical et les patients. Mais ne nous dit pas comment, en pratique, parvenir à s’éloigner du modèle mis en place par Nicolas Sarkozy.  Et comment, notamment, réduire le déficit de la sécurité sociale. Dans une table ronde ayant précédé ce discours, l’hypothèse d’un financement régional de la protection sociale, par le biais d’un Objectif régional d’évolution des dépenses d’assurance maladie (Ondam) a bien été évoqué. Mais la proposition ne figure plus dans le discours officiel.

Le candidat s’est contenté de généralités. Pour la santé où "ni l’équilibre, ni l’équité ne sont aujourd’hui garantis (…) rien ne justifie que notre système de santé, excellent, coûte 12 % du PIB avec des médecins et des professionnels de santé moins bien payés que leurs confrères des pays comparables, une grande insatisfaction des professionnels et, assez souvent (…) des difficultés croissantes pour les patients", a ainsi asséné le président du Modem, sous les applaudissements de la salle.  Il "faudra une réflexion en profondeur" dans le but d’accéder à une plus grande équité. A commencer par une plus grande équité "dans les territoires" car la loi Hôpital, patients, santé et territoires, les nouveaux modes de gestion de l’hôpital, la place faite aux médecins et aux personnels de santé, "tout cela a entraîné une profonde démoralisation" devait-il développer, sans s’avancer plus avant dans le détail.

Affaire de valeurs


En promouvant la veille, dans une interview au Figaro Magazine, le recours au référendum pour statuer sur le sort des chômeurs et des immigrés, Nicolas Sarkozy a déroulé le tapis rouge devant son challenger François Bayrou, lui désignant sa ligne fédératrice : les valeurs. “Ce sera valeurs contre valeurs (…) notre projet de société est humaniste, c’est un projet républicain pour la France. Se lancer dans une campagne de division des Français, désigner des cibles ne peut qu’amener un immense affaiblissement pour la France” devait déclarer d’entrée de jeu samedi matin le candidat, en ouverture du troisième forum de la campagne, consacré aux solidarités.
Selon son entourage, François Bayrou serait entré dans une colère noire à l’encontre du président de la République en apprenant son intention, lâchant qu’il “ne changerait décidément jamais”…. Jusqu’à la rupture au moment des alliances pour le 2ème tour ? La fracture, samedi à Paris, était visible et même épidermique dans le camp centriste. “Chaque être humain est en soi un absolu, le pays doit se comporter de la même manière vis-à-vis de quelqu’un qui sert que de quelqu’un qui ne sert pas”, a-t-il rappelé avec force sous les applaudissements. “C’est notre choix, un choix de civilisation”.

S’adressant aux médecins de ville "qui ont si souvent le sentiment d’être assaillis d’obligations administratives" le président du Modem dit comprendre qu’ils ont le sentiment de ne plus avoir de temps pour l’acte médical. Se tournant vers les médecins hospitaliers – également démoralisés – le postulant à la candidature suprême a regretté avec eux l’impression "qu’on ne gère plus des malades, mais des lits". Et que dans ce secteur, l’impression dominante est que les gestionnaires et les praticiens "parlent des langues différentes". D’où cet engagement : "le recentrage de la vocation de médecin sur la médecine, sur l’acte médical, telle sera ma ligne de conduite et celle que je fixerai au gouvernement".

 

Muet

Dressant le constat que la politique d’incitation à l’installation dans les zones de déficit démographique "a montré ses limites" bien qu’il l’ait soutenu en son temps, François Bayrou, qui n’accepte pas la notion de déserts médicaux, pense "qu’il faut une politique active de suppression des déserts médicaux". Il fait une proposition : "élargir le numerus clausus, par la négociation, contractuellement, en fléchant un certain nombre de postes vers des affectations temporaires, quelques années, là où on en aura le plus besoin."

Retour en arrière toutes, en revanche, sur la politique de fermeture des petites maternités ou le regroupement des services d’urgences. "La carte des services doit prendre en compte les territoires". François Bayrou est fermement opposé à la fermeture autoritaire des maternités de proximité. "Fermer une maternité parce qu’il lui manque cent accouchements par an, un tous les trois jours, pour correspondre aux normes, c’est absurde. Il est des services de proximité, l’urgence en particulier l’urgence cardio-vasculaire, le soin ambulatoire, la maternité qu’il appartient à une société dont l’humanisme est la vocation, de garantir à tous les malades de tous les territoires". Lors de la table ronde précitée, plusieurs intervenants avaient prédit en cas de victoire du Modem, la remise à plat du système de santé, à tout le moins de la loi Bachelot. Mais François Bayrou est resté muet à ce sujet.

Pour réguler les urgences hospitalières "qui sont souvent devenues un capharnaüm", le président du Modem affiche son intérêt pour l’installation, "en amont des urgences hospitalières, de maisons médicales chargées d’accueillir l’urgence, regroupant des personnels hospitaliers et des médecins ou infirmières de ville". Une idée qui devient évidente à comparer les 60 euros que coûtent une consultation aux urgences ouvertes, aux 240 euros des consultations hospitalières. "ll y a 15 millions de consultations aux urgences tous les ans. Cette solution permettrait un meilleur service et des économies de près de 2 milliards d’euros".

 

"Piste à explorer"

Le candidat veut également ouvrir la médecine à d’autres parcours que simplement scientifiques. Cette proposition fut saluée par un tonnerre d’applaudissements.

"Les régimes de sécurité sociale doivent être équilibrés" promet François Bayrou, sans plus de précisions. Deux idées surgissent néanmoins de son discours : la mise en place d’un "bouclier santé" inspiré du bouclier sanitaire de Martin Hirsch, l’ancien Haut commissaire aux solidarités actives. Le principe serait de mieux employer l’argent aujourd’hui consacré à l’aide à la complémentaire santé (ACS), pour les titulaires de la CMU. Cette enveloppe pourrait être destinée aux personnes sortant des minima sociaux "qui prennent de plein fouet la baisse des remboursements et les cotisations supplémentaires".

Seconde idée : "Je veux proposer au pays de réfléchir à un autre système d’assurance complémentaire, en place depuis des décennies en Alsace-Moselle". Il s’agit d’une mutuelle universelle, qui améliore sensiblement les remboursements, gérée par les syndicats et les organisations professionnelles, entièrement équilibrée et en lien direct avec l’assurance maladie. "Je ne dis pas qu’il y a là la panacée, la solution universelle. Je dis qu’il y a une piste et qu’il faut l’explorer".

François Bayrou annonce également la mise en place d’un plan dépendance. Un "nouveau mode de financement, dans le respect de l’équilibre des comptes" devrait permettre de réduire le reste à charge des familles. L’Etat serait partie prenante, avec la caisse des dépôts, dans la construction de place à meilleur coût. Il est également envisagé "d’inciter fortement ou de rendre obligatoire (…) une démarche de prévention qui combinera solidarité nationale et mutualisation des risques”.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez