Que les gros salaires lèvent le doigt. Gare, la Cour des comptes veut vous régler votre compte pour réduire la dette de la sécu ! Placés en queue de peloton des revenus libéraux, les médecins généralistes semblent pour l’instant hors d’atteinte des balles. Ils figurent, il est vrai, parmi les généralistes les moins bien payés d’Europe.

 

“Nous, de toutes façons, on est prêts au cas où. Personne ne nous fait peur. Cela fait un petit moment que nous n’avons pas organisé de manifestations dans les rues. On a presque des fourmis dans les jambes”… Le ton de Roger Rua, secrétaire général du SML est ironique, mais déterminé. Dans son rapport 2012, la Cour des comptes enjoint le gouvernement de passer maintenant et rapidement à la phase “économies” et non plus seulement alourdissement des prélèvements obligatoires pour réduire notre dette colossale.

 

"Pression excessive"

Pour la branche maladie de la Sécurité sociale, le socialiste Didier Migaud, premier président de la Cour montre la voie : nouvelle baisse “plus forte” du prix des médicaments, augmentation de la charge financière des assurés (autrement dit, déremboursements), remise à plat du système des ALD et “réduction des tarifs des prestataires de soins”. Le terme est volontairement flou, mais on voit bien ce qu’il désigne : principalement le tarif des actes médicaux…

"Ce n’est pas la pression excessive sur les dépenses qui va équilibrer les comptes” balaie Michel Chassang, le président de la Csmf. Il y a un différentiel chronique de 15 milliards d’euros entre les recettes et les dépenses. Ce n’est pas en rognant le prix des consultations ou des actes techniques qu’on arrivera à le réduire”. L’un comme l’autre, ces responsables nationaux sont partisans de réforme et même, pour Roger Rua, d’une “remise à plat d’une nomenclature des actes techniques dont nombre d’entre eux sont devenus obsolètes”. Mais coup de rabot de signifie pas réforme. "Réduire le coût des actes ne servira à rien, c’est un coup d’épée dans l’eau, du bricolage” insiste-t-il.

 

"Les plus mal payés d’Europe"

A quoi pensait donc Didier Migaud lorsqu’il a rédigé ses prescriptions qui décoiffent ? Si l’on compare les revenus des différentes spécialités de praticiens libéraux répertoriés par la Drees en 2010 (direction de la recherche, des études et des statistiques) tout devient plus évident. On voit en effet très clairement qu’il existe un différentiel de un à trois entre les revenus annuels moyen net d’un médecin généraliste (71 320 euros) et ceux d’un radiologue (217 910 euros). Derrière ce dernier, et par ordres décroissants, se situent les anesthésistes (190 200 euros), les ophtalmologues (145 879 euros), les chirurgiens (132 490 euros), les cardiologues (120 830 euros). Suivent, en queue de peloton, les gynécologues (88 100 euros), et derrière les médecins généralistes, les pédiatres (70 890 euros) et les psychiatres (63 030 euros). Autant de cliniciens parents pauvre depuis toujours.

Or, relève Claude Leicher, le président de MG France, “les généralistes français sont parmi les plus mal payés d’Europe". Si l’on se réfère au classement de l’OCDE pour 2007 (mais les grands équilibres n’ont pas changé depuis), prenant également en compte les généralistes des Etats Unis (1er place avec 146 000 dollars de revenu net moyen par an) et du Canada (106 000 dollars/an), nos médecins de famille hexagonaux (84 000 dollars/an) occupent l’antépénultième place du classement. Ils devancent la Finlande (56 000 dollars/an) et la République Tchèque (39 000 dollars), qui ferme le ban. Mais, loin devant notre pays, se situent les GP du Royaume-Uni (121 000 dollars/an), des Pays-Bas (120 000 dollars/an), d’Allemagne (112 000 dollars), d’Autriche, 108 00, de Suisse (108 000)….

 

"Folie"

Un tableau qui se passe de commentaires. “Les propositions de la Cour des comptes concrétisent une inquiétude très forte puisque notre système de santé est ‘assurance-maladie dépendant’ explique Claude Leicher. Or, la situation est tellement grave, ajoute-t-il, que l’on ne peut plus garantir ni aux patients ni aux professionnels de santé que le système solidaire pourra continuer à les prendre en charge.” La réponse proposée par la Cour des comptes “ne serait pas à la hauteur des enjeux”. “Tout porte à croire qu’une nouvelle fois, les actes techniques seront mis à contribution” prédit Michel Chassang, qui énumère l’’imagerine, la biologie, la cardiologie, la médecine nucléaire. Sans compter un petit coup de rabot sur les dispositifs médicaux – qui n’ont pas vraiment bonne presse en ce moment. Et les transports sanitaires. “Personne n’aurait la folie de toucher aux actes des généralistes” dans un cadre de tarifs opposables, ajoute-t-il.

Néanmoins, les syndicats se partagent sur les réformes à tenir pour sortir de cette impasse budgétaire et interrogent les candidats à la présidentielle. “Le PS est la fois hospitalo-centré et pro-médecine de proximité, mais on a l’impression que la médecine spécialisée n’existe pas pour lui” résume Michel Chassang, qui aurait obtenu de l’entourage de François Hollande, l’assurance que l’Ondam 2013 (objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie), ne serai pas inférieur à 2,5 % (contre 2,1 % cette année pour la ville et 2,6 % pour l’hôpital). “Mais on ne sait rien de sa répartition” redoute-t-il. “En revanche, on est sûr que l’avènement de la gauche sonnerait la mort du secteur 2.”

MG France s’en tient à son programme – qu’il exposera jeudi prochain aux représentants des différents candidats (débats retransmis en direct par Egora.fr) en plaidant pour une réorganisation du système, au profit de la médecine de proximité, par le biais d’un recentrage sur les soins de premier recours."Les marges de manœuvres se trouveront dans cette réorganisation et les patients pourront même être mieux pris en charge, dans le cadre d’un parcours de soins à tarif remboursable”, défend-t-il.

 

"Droit à l’erreur" et "langue de bois"

Pour le SML, l’enjeu se trouve notamment dans la prévention des maladies chroniques, dont le coût inflationniste représente plus de 60 % des dépenses de l’assurance maladie. “Il faut diriger un très gros effort vers la prévention car 80 % des maladies de longue durée sont évitables” insiste Roger Rua qui regrette l’orientation “tout curatif” du système. Son syndicat se dit d’accord pour une réforme intelligente, un dépoussiérage de la nomenclature, certains actes étant devenus obsolètes. Et d’accord aussi pour repenser le financement de la protection sociale.

“Dérembourser ? Mais les gens sont exsangues !” s’indigne pour sa part le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. Très déçu, confie-t-il, par le contenu des programmes santé des divers candidats qu’il a été amené à consulter, le généraliste avance ses propositions : éduquer les patients au bon usage de l’hôpital, filtrage des urgences et recentrage vers la médecine de ville. “On trouverait au moins trois milliards d’euros d’économies à faire” imagine-t-il. S’y ajouteraient des économies effectuées sur le DMP “en mettant une messagerie sécurisée à la place”, plus un investissement sur la prévention assorti de quelques déremboursement. “L’UMP revendique le droit à l’erreur, le PS est dans la langue de bois et le Modem est dans le flou… Cà commence mal“ jette-t-il. La campagne électorale est bel et bien lancée.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne