Son opération séduction auprès des professionnels de santé avait pourtant bien débuté, mais il a peut-être commis hier ce qu’on appelle une « sortie de route » en s’attaquant à la très chère liberté d’installation des médecins. François Hollande souhaite en effet interdire les nouvelles installations en secteur 2 dans les zones sur-dotées. Une orientation proche de la très impopulaire proposition de loi défendue il y a quelques semaines par le député Nouveau Centre Philippe Vigier.

 

Tout roulait comme sur des rails. Il avait rencontré des experts en santé, des praticiens hospitaliers et des syndicats de médecins libéraux. Pendant deux jours, il a réuni autour d’un Forum Santé, des élus, des médecins et des jeunes internes. De quoi se tailler une belle part du lion au sein d’un électorat qui vote traditionnellement à droite et alors que son principal rival n’est même pas encore entré dans la bataille. C’est donc logiquement qu’il est apparu très détendu hier, devant une assistance de près de 800 personnes rassemblées dans l’amphithéâtre de la fac de médecine de Paris-Descartes, saluant le premier rang de l’assistance avant de faire un détour par le pool des journalistes et de lancer une boutade sur son "enfarinade" de la veille. Pas rancunier, le sourire aux lèvres, il rejoint ses comparses à la tribune pour un discours* qui va durer quarante minutes. Sauf que…

 

Commettre l’irréparable

Jusqu’à présent – il avait bien insisté là-dessus – il se disait absolument contre toute mesure coercitive, alors que le projet initial des socialistes prévoyait quant à lui de demander aux jeunes médecins d’exercer dans une zone de santé prioritaire pendant les premières années à la sortie des études. Dans la primaire PS, il s’était ainsi clairement différencié de Martine Aubry sur ce sujet en flinguant la coercition et en plaidant pour  "une limitation du conventionnement dans les zones sur-dotées ", sans toutefois donner plus de précisions.

Les propositions santé de François Hollande


– Rétablissement des comptes de l’assurance maladie.
– Fin des déserts médicaux grâce à la mise en place de pôles de santé de proximité.
– Incitations financières favorisant l’installation des jeunes médecins.
– Encadrement des dépassements d’honoraires puis négociation de nouvelles formes de rémunération forfaitaires pour les médecins.
– Amélioration de la permanence des soins. 30 minutes de délai maximum pour accéder aux soins d’urgence.
– Réforme du mode de financement de l’hôpital public.
– Politique de baisse des prix du médicaments.
– Suppression du droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’Etat (AME).
– Légalisation de l’euthanasie.

Hier soir, il a réaffirmé qu’"une politique de contrainte envers les professionnels était vouée à l’échec" avant de commettre peut-être l’irréparable. Car comment qualifier autrement que par la contrainte sa proposition ?

"Les modes de vie des jeunes médecins ont changé, leur exercice de la médecine va donc lui aussi se transformer. Cela je le comprends mais les objectifs restent les mêmes : lutter contre les déserts médicaux et les inégalités d’accès aux soins. C’est pour cela qu’il faut limiter certains abus. Les nouvelles installations en secteur 2 dans les zones où les médecins sont déjà trop nombreux seront donc limitées."

 

Formules flatteuses et rassurantes

On se souvient de la vive polémique qu’avait suscité la proposition de loi du député Philippe Vigier qui souhaitait notamment limiter l’installation des médecins – secteurs 1 et 2 – dans les zones déjà bien-dotées. Qualifié d’ "inepte, stupide et dangereux", le texte tant décrié était arrivé devant l’Assemblée entièrement vidé de sa substance avant d’être finalement rejeté. On peut aisément imaginer alors le traitement qui va être réservé à la proposition du candidat socialiste.

Pas fou, François Hollande a enrobé cette proposition-choc dans des formules rassurantes et flatteuses, telles qu’ "il n’y a pas de médecine possible sans médecins" ou encore, "la santé est un enjeu majeur qu’il ne faut pas percevoir comme un fardeau mais plutôt comme un investissement d’avenir". Il n’a pas manqué non plus de fustiger la politique de santé de ces cinq dernières années et notamment la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire) très critiquée des professionnels, symbole selon lui "d’une idéologie comptable qui a donné trop de pouvoir aux directeurs d’hôpital sans mettre en place de véritable concertation entre les professionnels".

L’élu de Corrèze a ainsi redit sa confiance dans l’hôpital public. Il a annoncé qu’il mettrait fin à la convergence tarifaire public-privé et il a réaffirmé sa volonté d’instaurer une meilleure coordination entre l’hôpital et la ville. "L’hôpital a tout intérêt à s’appuyer sur le médecin de ville pour une meilleure gestion des urgences."

Concernant les généralistes justement, il a dit vouloir revaloriser la médecine générale dès les études de médecine, le "modèle actuel étant trop centré sur l’hôpital", via la généralisation des stages sur le terrain. Le candidat Hollande s’est également prononcé pour "un plan d’urgence pour l’installation des jeunes médecins", passant par des incitations financières, des aides dans la construction de leurs projets médicaux et dans leurs démarches administratives, et en contractualisant les carrières et les parcours professionnels. Il a par ailleurs jugé souhaitable un relèvement du numerus clausus.

 

Effleurer le fonds du problème

Sur la rémunération des médecins libéraux, il s’est prononcé pour un encadrement des dépassements d’honoraires,"par spécialités et par régions". Les tarifs ne pourraient ainsi pas dépasser un certain plafond. L’idée est aussi d’introduire davantage de parts forfaitaires pour "améliorer la prévention" et sortir peu à peu du paiement à l’acte, vieille antienne de la gauche.

"Les médecins sont prêts pour cela", a souligné, rassurant, François Hollande. Il veut également ouvrir un chantier du mode de protection sociale des médecins, notamment sur les congés maternité, pour répondre ainsi aux inquiétudes des femmes médecins. Enfin, il a répété que "personne ne devait vivre à plus de trente minutes d’un lieu de soin" et pour cela il mise sur les pôles de santé. "Dans chaque bassin de santé doit exister un pôle de santé de proximité, prenant plusieurs formes : maison de santé, centre de santé, structure adossée à l’hôpital public. Ce qui compte c’est le travail coordonné."

Parmi les autres propositions du candidat socialiste présentées hier soir, il y a la reconduite des plans Cancer et Alzheimer, la mise en place d’une conférence sur l’alimentation rassemblant tous les acteurs concernés pour mettre en place une politique de lutte contre l’obésité. François Hollande a également évoqué la réforme de la dépendance, érigée en priorité nationale par Nicolas Sarkozy mais définitivement enterrée par ce-dernier cette semaine. Le candidat du PS souhaite ainsi développer l’hospitalisation à domicile "pour tous ceux qui le souhaitent" car c’est un système qui "coûte moins cher et qui respecte la dignité des personnes âgées". Il souhaite également lancer un "vrai" plan autour de la santé mentale ainsi qu’un plan pour la santé des personnes incarcérées, et soutenir la recherche en matière de santé environnementale.

"Ma politique de santé repose sur quatre valeurs : le progrès, l’égalité, la croissance et la démocratie", a conclut le candidat à la présidentielle qui n’a fait qu’effleurer d’une phrase le fond du problème. "Nous devons inventer ensemble un nouveau modèle pour la santé. S’il faut chercher des ressources nouvelles, il faut mettre à contribution l’ensemble des revenus." Bah oui, y’a plus qu’à !…Mais comment ?


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Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez