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Du rififi dans les télétrans ?

Vous pensiez télétransmettre près de 90 % de vos actes et être éligible à l’aide ad hoc ? Grave erreur car certains actes de spécialistes n’ont pas été décomptés en 2011 par les caisses. Ce qui est légal et dûment écrit dans le règlement arbitral où se cachait cette pépite. Ce règlement s’est imposé pendant la période de vide conventionnel, soit jusqu’au 26 décembre dernier.

 

Et si la simplification administrative passait aussi par une simplification de la vie conventionnelle ? On peut toujours rêver car il faut maintenant se lever de bon matin pour ne pas y perdre son latin…

 

Mauvaise foi

Exemple dans les Cpam d’Ile de France. Le mois dernier, témoigne un gastro-entérologue des Hauts de Seine, "la quasi-totalité des praticiens exerçant à l’hôpital privé d’Antony (92) a reçu un courrier de la Cpam concernant la prime accordée pour la télétransmission dont le montant est de 250 euros". Ce courrier les informait que le pourcentage d’actes télétransmis se situant entre 21 et 65 %, ils ne rentraient plus dans la cibles des praticiens susceptibles de recevoir cette prime, débloquée à partir de 75 % de FSE. ..

Consternation et contestation immédiate. "Nos logiciels disent que, pour certains, le taux de télétransmission atteint jusqu’à 95 % ! poursuit le spécialiste, très remonté. On voit bien la manoeuvre et la mauvaise foi de la caisse, qui considère sans doute que tous les actes effectués en clinique ou au bloc, jadis cotés sur le bordereau 615 et transmis directement par la clinique, ne peuvent plus nous être imputés".

Ainsi, l’aide à la télétransmission ne nous est plus due, ajoute ce confrère. "Certain d’entre nous ont reçu la visite de DAM (délégués à l’assurance maladie), qui les ont informés qu’avec ce taux, ils ne seraient pas éligible à la prime à l’informatisation prévue par le Paiement à la performance (P4P). On est loin des discours anesthésiants des caisses !"

 

Vide conventionnel

Plusieurs problèmes se cachent dans le témoignage de ce confrère, corroboré par des récits de médecins spécialistes exerçant dans la zone de la Cpam des Yvelines (78) – bien que la direction de la caisse déclare n’avoir pas eu vent de ce genre de problèmes. Le premier d’entre eux concerne la prime à la télétransmissions, d’un montant de 250 euros pour les praticiens télétransmettant plus de 75 % de leurs feuilles de soin assorti d’une somme de 7 centimes d’euros par FSE.

Découlant du règlement arbitral* qui s’est imposé durant la période de vide conventionnel (du 3 mai 2010 au 26 décembre 2011), cette disposition a pris fin avec la mise en place de la nouvelle convention médicale, publiée au journal officiel le 26 septembre 2011, et entrée en vigueur le 26 décembre dernier, trois mois après. Depuis cette date, tous les praticiens qui n’ont pas signifié à leur caisse d’assurance maladie, par lettre recommandée avec accusé réception, qu’ils ne voulaient pas de l’option du paiement à la performance (P4P), sont régis par le nouveau système qui propose parmi les critères retenus pour calculer la prime, pour les spécialistes, plusieurs indicateurs d’organisation du cabinet – où figure l’informatisation par le biais de l’utilisation de logiciels d’aides à la prescription certifiés par la HAS et un équipement informatique permettant de télétransmettre et d’utiliser les téléservices.

Un taux de 66 % est exigé pour pouvoir bénéficier de ladite prime. Selon le Dr Jean-François Rey, président de l’Umespe (spécialistes de la Csmf), le montant de cette aide s’élève à "un total de 1 750 euros" si tous les critères sont remplis. Mais en attendant ? C’est là que le problème signalé par les spécialistes des Hauts de Seine entre en ligne de compte, puisque les compteurs du règlement arbitral ont été stoppés au 31 décembre dernier. Et sont calculés sur n – 1.

 

Surprises et contestations

Or, comme l’explique l’assurance maladie, dans le cadre de ce règlement arbitral, tous les actes télétransmis ne sont pas comptabilisés. Sont ainsi exclus les actes facturés pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, ceux pour les nourrissons de moins de trois mois, les actes facturés pour des soins effectués dans leur totalité hors présence du patient (c’est le cas des actes d’anatomo-cyto-pathologie) et les actes facturés via la facturation électronique des établissements de santé privés sur bordereau CERFA S3404. Dans le cas d’exercice en cabinet libéral et au sein d’un établissement de santé privé, le taux de télétransmission n’est calculé que sur la seule part d’activité provenant de son exercice en cabinet libéral.

 "Les actes facturés via la facturation électronique de l’établissement de santé privé sur bordereau CERFA S3404 relèvent de l’établissement de santé, et non du médecin, et ne sont donc pas pris en compte pour le calcul du taux de télétransmission de celui-ci", confirme l’assurance maladie.

Au-delà de la surprise – bien légitime – et des contestations – itou – il est tout de même bon de savoir que le montant de ces incitations courant du 1er janvier au 31 décembre sera versé aux praticiens en mars prochain. "En 2013, explique M. Mourad Belaïd, directeur de la cpam 92, nous paierons sur la base des télétransmissions effectuées en 2012". Il ajoute toutefois que les statistiques effectuées, transmises par courrier en décembre dernier, ne concernent que le régime général et sont donc un peu minorées par rapport à l’activité strictement Cnam.

 

Travailler la communication

Les proportions peuvent donc un peu augmenter, mais, ajoute-t-il, "il y a peut être des anomalies dans le système. Le cas échéant, nous étudierons les dossiers au cas par cas". Droit dans ses bottes, le Dr Rey assume totalement le mécanisme. "Les médecins spécialistes, sont en peu en retard en matière de télétransmissions. La convention leur propose une aide leur permettant de rattraper ce retard, par le biais du paiement à la performance." Le Dr Rey rappelle également que l’avenant N° 2 à la convention tourne complètement le dos au fameux seuil de 66 %, voté par les députés, en deçà duquel les médecins qui ne télétransmettent pas auraient été redevable d’une pénalité par feuille de soins papier à l’assurance maladie.

"Le système est totalement révolu". L’avenant N° 2, de fait, n’évoque plus de seuil, mais explique les sanctions conventionnelles auxquelles s’exposent désormais les médecins qui, "de manière systématique" , ne respectent pas l’obligation de transmission électronique à l’assurance maladie 

Soit trois mois de suspension de participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins du premier secteur – montant équivalent pour les praticiens en honoraires libres ou titulaires de DP. Une pénalité qui peut être doublée en cas de mauvaise volonté manifeste. Enfin, concernant les visites un peu alarmistes des DAM informant que les praticiens en dessous du seuil ne serait plus éligibles au P4P, il ne se s’agirait que d’une visite confraternelle d’information sur la nouvelle convention ! "Ces réactions prouvent que nous devons mieux communiquer" reconnaît M. Belaïd. “Il y a parfois des initiatives locales un peu décalées par rapport à la politique nationale”, reconnaît le Jean-François Rey, qui promet, lui aussi, de travailler la communication.


*Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale du 26 juillet 2011, le règlement arbitral (approuvé par l’arrêté du 3 mai 2010) a organisé les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie en l’absence de convention médicale.


Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne