Le projet de décret sur le contrôle de l’insuffisance professionnelle est toujours dans les cartons. Approuvé par le conseil d’Etat, on l’attendait pour la fin de l’année, il n’est pas venu. Les syndicats, et notamment le CNPS, craignent qu’il ne soit publié avant l’élection présidentielle, bien qu’une telle mesure fâcherait définitivement les médecins avec la majorité actuelle.

 

“Non aux tribunaux d’exception pour les libéraux de santé !”, s’écrit le CNPS (Centre national des professions de santé). Les professionnels  tirent la sonnette d’alarme sur ce projet de décret découlant de la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire) qui n’est toujours pas paru. Mais que personne n’a oublié. Ce projet de décret soumis et validé par le Conseil d’Etat en juin 2010, entérine la notion de “compétence” qui vient s’ajouter à celles de moralité et d’indépendance qui incombent également aux professionnels. Ainsi, une expertise pourra être menée si votre compétence est remise en question ou qu’il existe un “doute sérieux" sur sa qualité.

 

"Droit de vie et de mort"

“Quand on arrive à la fin d’une législature, l’exécutif a toujours à cœur de faire passer les derniers décrets qui ne sont pas parus, explique Michel Chassang, le président du CNPS. La crainte est très forte chez les professionnels de santé.”

Alors que jusqu’à présent, un médecin pouvait être interdit ou suspendu d’exercice de façon temporaire, totale ou partielle pour infirmité ou état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession, le code de Santé publique prévoit désormais de créer un chapitre pour insuffisance professionnelle. “L’Ordre se voit conférer un droit de vie et de mort sur les professionnels”, s’exclame encore le Dr Michel Chassang. Sont concernés les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, et les pédicures-podologues.

Le conseil de l’Ordre régional ou interrégional pourra être saisi par le directeur général de l’ARS ou par délibération du conseil départemental ou conseil national. Un groupe de trois experts est mis en place. Ils sont “qualifiés dans la même spécialité que le professionnel concerné.” Le premier est nommé par le praticien mis en cause, le deuxième par le conseil de l’ordre départemental et le troisième par les deux premiers. Ils procèdent à l’examen des connaissances à la fois théoriques et pratiques du soignant et rédigent un rapport qui doit être remis au plus tard deux mois après la date de la saisine. Celui-ci pointe les carences du professionnel, le danger auquel il expose éventuellement ses patients et les moyens pour pallier ses manquements. Avant de pouvoir de nouveau exercer, le professionnel devra apporter la preuve qu’il a bel et bien complété sa formation.

 

"En catimini"

Déjà dans le décret sur le DPC (Développement personnel continu), il est question de sanctionner par la déclaration d’insuffisance professionnelle celui qui, malgré les rappels à l’ordre, n’aurait pas soigneusement participé aux différents programmes de formation.

Outre les médecins, les infirmiers aussi montent au créneau. “En ce qui concerne plus spécifiquement les infirmières libérales, on imagine mal comment l’Ordre des infirmiers pourrait mener à bien une telle mission. Les CDOI se retrouvant privés de moyens humains, matériels et financiers pour fonctionner, ces tribunaux d’exceptions vont-ils se réunir et délibérer dans la salle à manger des présidents ? ”, ironise Philippe Tisserand, le président de la FNI (Fédération nationale des infirmiers). Autre aspect non négligeable de la problématique, les infirmières libérales peuvent-elles accepter que leurs compétences et le cas échéant leurs insuffisances soient évaluées par un ordre majoritairement aux mains des infirmiers salariés du public et du privé, alors que le secteur libéral serait le seul soumis, avec les pressions que l’on connaît, à une obligation effective d’inscription et de cotisation ?”

Il est certain en tout cas que si ce décret passait, il ferait l’effet d’une bombe. “Ce texte a été rédigé en catimini, sous la pression des Ordres professionnels, en dehors de toute concertation avec les syndicats représentatifs. Il ne faut pas qu’il passe”, conclut Michel Chassang.

Pour l’instant, c’est sûr, ce n’est pas dans l’intérêt du candidat non déclaré – mais ça ne saurait tarder – Nicolas Sarkozy de le publier, d’autant que son principal rival, François Hollande est déjà lancé dans la campagne. Et a bien compris l’importance de la santé dans le débat. Les 1eret 2 février, le PS tient justement un forum santé, clôturé le jeudi soir par un discours du candidat que nous retranscrirons en direct sur Egora.fr via notre compte Twitter.

Source :
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Auteur : Concepcion Alvarez