Il vient d’apprendre sa condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis pour non assistance en personne en péril, lors d’une régulation libérale en 2007 pour le 15 à Bordeaux, soit le maximum requis. La patiente était décédée d’une dissectin aortique.Encore sous le coup de la lourde sentence, le Dr Bernard Pledran – membre du bureau national de MG France, président de MG Aquitaine – a accepté de se confier à Egora.fr quelques minutes après sa sortie de la salle d’audience. Il est bouleversé (témoignage sonore):

 

Vous considérez qu’on a tiré sur le lampiste ?

Dr. Bernard Pledran : Mon avocate a fait son boulot, elle a démontré que sur le plan du droit, l’infraction n’était pas constituée. Le procureur s’est appuyé sur l’instruction à charge de la Juge d’instruction et sur les propos désagréables que j’ai pu échanger avec la famille, à d’autres moments, en dehors de la discussion sur le cas de la patiente.

On a en effet l’impression que ces propos ont pesé lourd… (Le Dr. Pledran s’est emporté au téléphone contre la politique gouvernementale qui a organisé "la pénurie en docteur", ajoutant qu’il ne "fallait pas se plaindre maintenant" Ndlr)

Eh bien, s’il le faut, on les redira ces propos-là ! La situation ne s’est pas arrangée depuis 5 ans. Si on veut décourager les médecins, il faut continuer comme çà.

Le problème général de la permanence des soins, c’est qu’il y a une enveloppe globale. Alors on augmente les secteurs, les missions, mais on ne donne pas une pépette de plus pour faire le travail ! J’en parlerai encore car c’est çà le fond du problème. Et cela vaut également pour nos cabinets. On nous demande de plus en plus en tant que médecins libéraux. Mais on n’a pas de moyens. On nous parle de maisons de santé, de coordination, mais les pouvoirs publics sont effrayés par les moyens que cela demande, alors ils ne font rien.

J’ai parlé car à chaque fois que je régule au Samu, j’ai le triste sentiment d’être obligé de faire l’éducation des gens en leur expliquant qu’ils avaient un médecin généraliste et qu’il fallait l’appeler au moment où son cabinet était ouvert. Les pouvoirs publics n’ont jamais fait ce boulot là. En revanche, ils continuent de faire croire qu’on va trouver un docteur n’importe où, à n’importe quelle heure, pour faire n’importe quoi dans toutes les conditions. Il faut sortir de tout cela.

Allez-vous continuer la régulation ?

J’ai arrêté la régulation quand cette affaire a commencé, il y a quatre ans et demi, à ma demande. Deux mois après, le directeur de l’hôpital m’écrivait pour m’informer qu’il me suspendait de mes fonctions de régulateur, alors que j’avais déjà arrêté….

Je garde de très bonnes relations avec le médecin régulateur, je n’ai pas de récriminations contre les médecins du Samu qui ont eu une attitude tout à fait correcte à mon égard.

Ils ont expliqué qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire que ce qui avait été fait. Il n’y a pas de guerre des urgences ici. C’est la faute à pas de chance : l’appel m’a été passé en tant que permanence des soins et non urgences médicales et dans les éléments de discussion avec la patiente, aucun élément de gravité n’émergeait.

Cette constatation est valable pour moi, pour le médecin qui a eu les appels par la suite, mais n’a pas été poursuivi – tant mieux pour lui. Valable aussi pour les permanenciers qui sont allés chercher la dame chez elle et n’ont pas jugé bon de demander une intervention Samu. A l’arrivée à l’hôpital, elle n’a pas été mise en réanimation mais dans un box standard. Son état s’est aggravé après. A tous les niveaux, aucun élément ne permettait de penser qu’on pouvait en arriver-là. Il est, certes, facile de réécrire l’histoire après mais voilà quelle est la vérité.

Vos confrères libéraux vous ont-ils soutenus ?

Oui, dans l’ensemble, sur les forums de discussion notamment. Mais le journal local a suivi l’instruction à charge de la juge d’instruction, avec photo, etc. Bordeaux n’est pas une petite ville… Je suis très secoué et désabusé.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez