L’année 2011 va bientôt toucher à sa fin. Pendant les deux prochaines semaines, Egora.fr vous propose de revenir sur les événements qui ont marqué ces derniers mois mais aussi d’évoquer les grands chantiers de 2012, qui auront une résonance particulière avec la tenue en mai prochain de l’élection présidentielle.
Un chapitre entier du budget de la sécu pour 2011 lui avait été consacré. Le renforcement de la lutte contre la fraude fait bel et bien partie des priorités du gouvernement cette année et en particulier ces dernières semaines. Les assurés ne sont pas les seuls visés. Avec eux, les médecins seront tenus de rendre des comptes à une caisse de plus en plus écrasante.
"Je mettrai la même énergie et la même force à contrôler celui qui aura bénéficié d’un arrêt de travail abusif et celui qui aura signé cet arrêt. Les deux vont ensemble" avait lancé Xavier Bertrand devant les députés, lors de l’examen du budget de la Sécu pour 2012. Pour lui, c’est clair, le médecin est tout aussi fautif que le fraudeur. Et pour rendre plus efficace la lutte contre la fraude auprès des prescripteurs, le ministre de la Santé va mieux cibler les contrôles. "Plutôt que de contrôler tous les médecins, autant par exemple contrôler les médecins qui prescrivent cinq fois plus d’arrêts de travail que la moyenne", a-t-il ainsi expliqué.
140 médecins mis sous tutelle
Les ordinateurs de la caisse se chargent déjà depuis quelque temps de repérer ces “trublions”. Ainsi, l’année dernière, 140 médecins ont été mis sous tutelle pour avoir prescrit trop d’indemnités journalières (IJ) par rapport à la moyenne régionale de leurs confrères. Les prescriptions de kinésithérapie et de transports sanitaires sont également surveillées de près depuis 2008, mais la caisse n’a pas été en mesure de donner de chiffres récents sur le nombre de médecins concernés.
De 120 médecins visés en 2007, on est passé à 458 en 2008 (dont 146 pour IJ injustifiées), et à 304 médecins généralistes mis sous tutelle en 2009 (dont 117 pour IJ injustifiées). Ce qui a généré, selon l’Assurance maladie, une économie de 23,1 millions d’euros en 2006, 11,3 millions en 2007, 13,3 millions d’euros en 2008 et 9 millions d’euros en 2009. Autant dire une goutte d’eau sur les 18,2 milliards d’euros de déficit prévus cette année pour la Sécu.
Si les traces de cette lutte accrue contre la fraude sont presque imperceptibles sur les comptes de l’Etat, elles peuvent en revanche avoir des conséquences irréversibles sur le médecin pris dans les mailles du filet. Le suicide par pendaison d’un kiné et de son épouse, sous le coup d’un redressement de la Cpam locale à hauteur de 200 000 euros, a ému la communauté des professionnels de santé qui a dénoncé les "méthodes brutales"employées par la Sécurité sociale.
36 heures de garde à vue
Sur Egora.fr, la semaine dernière, le Dr Marcel Lachant a lui aussi fait part des “quatre années d’enfer psychologique” que lui a fait vivre sa caisse, l’accusant de fraude et d’escroquerie. Après avoir vu ses comptes bancaires bloqués, ses patients et son épouse interrogés pendant plusieurs heures, ce généraliste de 55 ans a été placé en garde à vue pendant 36 heures. Au final, il a été condamné en première instance à verser un euro à la Cnam.
"Aujourd’hui, ce contrôle acharné est l’une des principales causes du burn-out des médecins", explique Bruno Gaudeau, le président du groupe Pasteur Mutualité. C’est aussi un frein à l’installation des jeunes médecins qui se détournent de plus en plus de l’exercice libéral. Mais pourtant, le gouvernement continue de dégainer cet argument chaque fois qu’il est question d’économies à réaliser pour la Sécu. Un argument qui est sûr d’être populaire à quelques mois de l’élection.
Ainsi, dans le programme santé de l’UMP pour 2012, l’objectif clairement affiché est le renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes avec notamment la création d’un "FBI" de la lutte contre les fraudes fiscales et sociales, la mise en place d’une carte sociale biométrique sécurisée, l’instauration d’un fichier national des fraudeurs sociaux …
Déférés devant l’Ordre
De même, dans le budget de la sécu pour 2012, paru au journal officiel ce jeudi, il est question de renforcer les contrôles sur les médecins et de fixer un objectif de réduction des prescriptions pour les gros prescripteurs d’indemnités journalières. Les référentiels de prescription pour les arrêts de travail vont ainsi être développés, dans le cadre conventionnel.
Les prescriptions "NS" (non substituable) vont également être surveillées de près. Le gouvernement entend ainsi augmenter la part des prescriptions de génériques. Selon une enquête menée par la Cnam sur 200 000 ordonnances, il apparaît qu’entre 4% et 5% des NS sont le fait d’un abus de la part du médecin prescripteur.
La caisse d’assurance-maladie va déférer ces praticiens devant l’Ordre. Ils risquent alors une suspension d’exercice et le remboursement des indus. Et la caisse entend même aller plus loin puisqu’elle souhaite confier aux pharmaciens la tâche de tracer les prescriptions portant la mention NS grâce à la nouvelle version des cartes SESAM-Vitale, qui va se déployer d’ici la fin de l’année 2012.
Source :
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Auteur : Concepcion Alvarez