On n’y croyait plus, mais Xavier Bertrand l’a fait ! Il a en effet avancé sur la réforme de l’Avantage supplémentaire vieillesse (ASV) et sur le problème de l’assurance en responsabilité civile (RCP). Petit couac tout de même. Si le second texte a fait l’unanimité, le premier en revanche a été plus difficile à avaler pour certains. La Carmf a déjà fait savoir qu’elle demandait à être déchargée de la gestion du régime.

C’est un criant démenti à tous ceux qui affirmaient que la Tutelle ne toucherait pas à l’ASV à une si courte échéance de la présidentielle. Le décret réformant l’Avantage supplémentaire vieillesse (ASV) a été publié au journal officiel le 26 novembre, pour une application au 1er juillet prochain.

Fin du très long chemin menant à la faillite inéluctable du régime né avec le système conventionnel ? Pas tout à fait. Car dès la publication du décret, le président du conseil d’administration de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), Gérard Maudrux, faisait savoir par courrier à Xavier Bertrand que la Carmf demandait à être déchargée de la gestion du régime.

La Carmf repousse la main du sauveteur

"Nous ne sommes plus maîtres de rien, on ne nous écoute pas, les décisions sont politiques, le financement est assuré à 50 % par les caisses maladie, c’est un régime conventionnel. Et la pérennité du régime n’est pas garantie sur le moyen terme. Nous n’en voulons plus”, avait expliqué le président du CA, assez dépité que ses propositions aient été retoquées par le ministère.

Comme pour l’allocation de remplacement (ADR) ou le défunt MICA, la Carmf demande qu’un organisme extérieur se charge de cette gestion à sa place, un fonds d’action conventionnel ad hoc inspiré du Formmel (Fond de réorganisation et de modernisation de la médecine libérale).

Pour comprendre l’origine de cette brouille, il faut se rappeler que le texte publié est le fruit d’un très long travail. Une première version, consensuelle, avait mis d’accord les syndicats médicaux et la caisse autonome, ainsi que l’assurance maladie. C’est à partir de cet engagement de maintenir l’ASV dans des conditions acceptables par les actifs et les retraités que trois syndicats – la Csmf, le SML et MG France – avaient signé la convention médicale en juillet dernier.

Mais le gouvernement a repris les choses en main à l’automne, et a reconstruit tout autre chose, passablement éloigné du projet consensuel promu par la Carmf. Il a l’avantage de coûter moins cher aux caisses, qui financent les deux-tiers de la facture pour les médecins du premier secteur.

Que dit le texte ? 

Pour les cotisants actifs : la part forfaitaire de la cotisation passera de 4 140 euros en 2011 à 4 850 euros en 2016, et sera ensuite revalorisée chaque année en fonction du revenu moyen des affilés constaté entre les années N – 2 et N – 1. La part proportionnelle, créée par cette réforme, passera de 0,25 % en 2012 à 2,8 % à partir de 2017.

Pour un revenu moyen de 88 000 euros, on passe de 4 140 euros de cotisation à 4 458 + 2 464 = 6 922 euros (2 307 euros pour le premier secteur), soit + 67 %. La part proportionnelle (plafonnée à cinq fois le plafond de la sécurité sociale) permettra d’acquérir 9 points au maximum.

Pour les retraités : la valeur du point des pensions liquidées jusqu’au 31 décembre 2010 passera de 15,55 euros à 14 euros à compter de 2015, celle du point des pensions liquidées à partir du 1er janvier 2011 passera de 15,55 euros à 13 euros dès le 2ème semestre 2012 et le restera au moins jusqu’en 2015. Les 300 premiers points des pensions de réversion liquidées jusqu’au 31 décembre 2010 resteront à 15,55 euros au moins jusqu’en 2015.

Un rapport quinquennal proposera, à partir du 1er semestre 2015 l’évolution nécessaire du point pour "garantir l’équilibre financier du régime à long terme".

Rétroactivité de baisse de valeur d’un an 

Décryptage par le Dr Maudrux : "Nous revenons de très loin ! Lors d’une réunion avec le ministère le 21 avril dernier, ses services voulaient faire remonter jusqu’en 2006, date de la loi de réforme de l’ASV incluse dans la loi de financement de la sécurité sociale de cette année, le point de départ de la baisse de valeur des points ! Nous leur avons dit que nous irions en justice, car la Cour européenne casse toutes les lois rétroactives. Désormais, nous n’en sommes plus là. La loi prend effet au 1er janvier 2012, avec une rétroactivité de baisse de valeur d’un an."

Il n’empêche, certains retraités ont avalé de travers en apprenant cette disposition, et des membres de la Fara (Fédération des associations régionales des allocataires de la Carmf) redoutent des recours en série…

S’agissant par ailleurs de l’équilibre financier du régime, le Dr Maudrux est clair : "Tout a été fait pour que cela coûte le moins cher aux caisses, il n’y aura plus que 9 mois de réserves, ce qui nous permettra de tenir dix ans au plus. Ensuite, mystère …"

L’avis du Dr Claude Poulain, président de la Fara, est à peu près identique. Il vient d’écrire à Xavier Bertrand pour s’élever contre les projections du ministère, qui ne tiendraient pas compte de la réalité.

Car, en se basant sur les projections de la Carmf, il apparaît que le maintien des réserves positives ne pourra être obtenu qu’à la condition de poursuivre le gel de la valeur du point jusqu’en … 2025. Ce qui amputerait la valeur du point de 60 %.

"Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne pourrons cautionner auprès des allocataires une telle évolution de la réforme", écrit le Dr Poulain à Xavier Bertrand.

"On s’y attendait, le gouvernement a même refusé de reprendre les mesures d’exonération pour les bas revenus que nous proposions. Nous ne voulons plus gérer ce régime" maugrée le Dr Maudrux. Une décision unanime en forme de fin de non recevoir car pour le conseil, persuadé que la meilleure solution aurait été la suppression de l’ASV assortie du service des droits acquis, la publication de l’arrêté ne serait qu’une suite ; pas la fin.

RCP : la fin des trous de garantie et des actions récursoires

La réforme de l’assurance en responsabilité civile (RCP) a été en revanche mieux accueillie. Dès janvier 2011, Xavier Bertrand s’était engagé à résoudre ce problème qui pénalisait particulièrement les praticiens à plateau technique lourd et représentait un véritable boulet pour les syndicats depuis une dizaine d’années.

Deux rapports spécifiques et deux lois plus tard, le ministre (et ancien assureur) a réussi son pari. Aujourd’hui, les syndicats se félicitent de la sécurisation de l’exercice médical lié à la prochaine disparition des trous de garantie et risques d’actions récursoires, ainsi qu’à l’escalade sans fin des prix des cotisations RCP.

Entamée à l’occasion du vote de la loi Fourcade, retoquée par le Conseil constitutionnel, puis remise sur les rails par le biais de la loi de Finance 2012, la réforme de la RCP met en place une mutualisation du risque entre l’ensemble des professionnels de santé, chaque professionnel étant amené à cotiser entre 15 à 25 euros par an pour contribuer à alimenter un fonds de garantie destiné à financer les risques exceptionnels de plus de 8 millions d’euros.

Le seuil réglementaire de couverture minimale obligatoire, actuellement de 3 millions, sera relevé à 8 millions d’euros par décret. Par ailleurs, il est précisé que l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) ne pourra pas exercer d’action récursoire contre le professionnel ayant causé le dommage. Ce dispositif s’appliquera à tous les accidents médicaux ayant fait l’objet d’une réclamation à partir du 1er janvier 2012, quelle que soit la date du dommage.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne