Les chiffres sont là : selon les résultats d’une enquête, entre 4% et 5% des mentions «non substituable» (NS) sur les ordonnances sont le fait d’un abus de la part du médecin prescripteur. La caisse d’assurance-maladie en prend acte et va déférer ces praticiens devant l’Ordre.

Les caisses ont dévoilé jeudi, lors d’une conférence de presse, les premiers résultats d’une enquête lancée cet été sur 200 000 ordonnances pour tenter d’évaluer la part abusive des mentions NS de la part des precripteurs. Aujourd’hui, le taux de substitution (médicament du portefeuille de génériques contre médicament princeps) est de 75%. Il s’agit donc de comprendre pourquoi un quart des médicaments qui devraient être substitués ne le sont pas. Selon les premiers résultats de l’étude qui doivent encore être confirmés, “il apparaît déjà, explique Frédéric Van Roekeghem, le directeur de la CNAM, que sur ces 25%, entre 4% et 5% sont le fait de médecins qui utilisent systématiquement la mention NS sans qu’elle ne soit justifiée. Ce qui est contraire au code de déontologie.”

Erreurs thérapeutiques

“Dès que ces chiffres seront confirmés, prévient-il, nous allons déferrer ces médecins devant le Conseil de l’Ordre.” Frédéric Van Roekeghem avait déjà prévenu, lors de sa précédente conférence de presse, que les mentions NS seraient surveillées de près afin de pouvoir quantifier le nombre de médecins qui les utilisent abusivement. Les médecins concernés vont donc être appelés à se justifier. Ce qui selon le Dr André Deseur, président de la section Exercice Professionnel au sein du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), n’est jamais encore arrivé.Que risque alors le praticien mis en cause ?

"Soit il est déféré devant la SAS, la section des assurances sociales, explique le Dr Deseur. Dans ce cas-là, on aura considéré que le litige concerne la sécurité sociale, et le médecin peut écoper au mieux d’un blâme ou d’un avertissement, au pire d’une suspension ou d’une interdiction du "droit de donner des soins aux assurés sociaux", ce qui revient à une suspension ou une interdiction d’exercice. Le médecin peut également être condamné à rembourser des indus. Soit il passe devant la chambre disciplinaire régionale correspondante. On estime alors qu’il a rédigé une prescription fallatieuse permettant de percevoir un avantage indu, ce qui est contraire au code de déontologie. Dans ce cas, le médecin risque au mieux un blâme ou un avertissement, au pire une interdiction d’exercice temporaire, voire définitive – mais c’est rès rare – qui peut être assortie d’un sursis."

Dans les faits, le médecin a tout à fait le droit d’utiliser la mention NS, mais son application est très encadrée. Pour la justifier, il doit tenir compte de “raisons particulières tenant au patient” (article L 162-2-1 du Code de la sécurité sociale). Les motifs ne peuvent donc tenir qu’au patient lui-même, ils sont liés à son état de santé. Quid de la personnes âgée chez qui on veut éviter d’accroître le risque de confusion et d’erreurs thérapeutiques? Pour le Dr Deseur, cette justification paraît difficilement recevable. "Le seul motif pertinent serait selon moi l’intolérance chez le patient à certains excipients à effet notoire présents dans le générique". Le prescripteur devra donc être en mesure de fournir à chaque fois “les éléments de toute nature” relatifs à l’exclusion de la substitution.

L’association de laboratoires génériqueurs Gemme (Générique, même médicament) entend même allait plus loin puisqu’elle demande un renforcement du dispositif. “Cette mention ne devrait être autorisée que pour raisons médicales pour le patient et justifiées auprès du médecin conseil.”

Par ailleurs, pour que la mention NS soit valable, le prescripteur doit faire figurer, avant la dénomination de la spécialité prescrite et devant chaque ligne, la mention manuscrite « non substituable » (art. R. 5125-54 du code de santé publique). Une mention « non substituable » portée en visant l’ensemble de l’ordonnance ou encore un abrégé « NS » n’ont pas de signification. De même, une mention préimprimée ou l’apposition d’un tampon n’ont aucune valeur légale.

"Eviter la substitution”

Des élus se sont inquiétés de la multiplication de ces pratiques lors de l’examen du budget de la Sécu pour 2012 après la publication d’une enquête de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine) menée en août 2010 auprès de 3 800 pharmaciens. En effet, 78 % d’entre eux ont constaté que cette mention NS était de plus en plus présente sur les ordonnances et 90 % qu’elle n’était pas rédigée correctement.

“On voit réapparaître les tampons « ne pas substituer » et les libellés « non substituables » apposés sur chaque ligne d’ordonnance et écrits à la machine”, déplore ainsi Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, ce qui est donc contraire à la loi. De même dans l’Hérault, l’expérience menée quelques mois plus tôt, entre le 9 et le 15 mai, avait conclu à l’existence de plus de 8 000 ordonnances portant cette mention, pour le seul département. Pour Frédéric Abecassis, pharmacien et président de l’Union régionale des professions de santé (Urps), à l’origine de l’étude, l’assurance maladie “ne peut ignorer qu’il existe une volonté délibérée chez les médecins d’éviter la substitution”.

L’assurance maladie semble désormais avoir pris la mesure du problème. Elle entend même confier aux pharmaciens la tâche de tracer les prescriptions portant la mention NS grâce à la nouvelle version des cartes SESAM-Vitale, qui va se déployer d’ici la fin de l’année 2012. 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez