Va-t-on vers un dépouillement de la médecine en général et de la médecine générale en particulier ? On peut le redouter à lire la liste des expérimentations de transfert de tâches qui sont en cours dans les régions, initiées par les agences régionales de santé (ARS). Ces transferts, très encadrés, ont été rendus possible par l’article 51 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (Hpst), dite Loi Bachelot. Le but était de donner aux régions les moyens de pallier la désertification médicale en développant des protocoles de coopération avec les professionnels de santé. La Haute autorité de santé a d’ailleurs tout loisir pour élargir ces protocoles à la France entière y compris en dehors de la métropole.

Or, certains voient, dans ces mécanismes de transfert de tâches, un véritable transfert de compétences, majoritairement refusé par la profession. Le Centre national des professions de santé  (Cnps) vient de demander le gel immédiat des protocoles en cours et la réécriture de l’article 51 sur la coopération entre professionnels de santé, qui est déjà en place ou en cours dans 14 régions au moins, parmi lesquelles, Rhône Alpes, Bourgogne, PACA, Pays de la Loire, Haute Normandie, Martinique, Ile de France, Poitou Charentes, Alsace, Lorraine, Bretagne, Languedoc Roussillon, Nord Pas de Calais et Centre.

Car ces projets de coopération sont loin d’être anodins. En voici quelques exemples :

  • La prise en charge des patients atteints d’hépatite chronique C dans le cadre d’une consultation infirmière (Rhône Alpes),
  • La réalisation d’une ponction médulaire en crête iliaque postérieure à visée diagnostique ou thérapeutique par une infirmière (PACA),
  • La réalisation de bilan urodynamique par une infirmière experte en lieu et place d’un médecin (Haute Normandie),
  • Le suivi de patients à risques élevés de mélanome par une infirmière en lieu et place d’un médecin dermatologue (Ile de France),
  • La réalisation d’une consultation infirmière en médecine du voyage (Ile de France),
  • La création d’une consultation infirmière des patients traités par anticancéreux oraux à domicile (Ile de France),
  • L’enregistrement et pré-interprétation en vie du dépistage de l’échographie anormale, des paramètres échocardiographiques thoraciques par une infirmière en lieu et place d’un médecin cardiologue (Alsace),
  • La réalisation d’une réfraction subjective par un opticien en EHPAD en lieu et place d’un ophtalmologiste (Ile de France),
  • La prescription et réalisation de vaccinations, de sérologies, remise des résultats en lieu et place d’un médecin (Ile de  France),
  • La création d’une consultation de prédiagnostic ou de suivi des rhumatismes inflammatoires par une infirmière spécialisée en lieu et place d’un médecin (Centre), etc…

Des protocoles qui auraient été mis en place, sans l’accord des professions, dénonce le Cnps, qui y voit le moyen de « confier certains actes à d’autres professionnels que ceux qui sont habilités à les réaliser sans autre forme de procès ». Le centre national ajoute que « cette situation est particulièrement grave car la loi permet que ces protocoles puissent être ensuite étendus au niveau national, modifiant substantiellement le périmètre des professions concernées dans le plus grand mépris des règles d’exercice de chacune d’entre elles, sans qu’aucune condition de formation professionnelle n’ait été vérifiée et sans qu’aucune profession n’ait son mot à dire. En outre, ce flou professionnel comporte des risques assuranciels majeurs dont seuls les professionnels supporteront les conséquences ».

Avec les dispositions envisagées, « on détricote la médecine générale », s’emporte le Dr Michel Combier, le président de l’Unof. Quelle sera sa place, entre les spécialistes et les autres professions de santé ? On confond médecine et technique, ce que l’on recherche, ce n’est pas la qualité des soins, mais des économies pour l’assurance maladie. Car on pouvait aussi envisager de transférer des actes de médecins à médecins. Cela n’a pas été la voie choisie », regrette-t-il.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne