Des médecins bretons s’apprêtent à cesser la permanence des soins (PDS) dans leur secteur face à une charge de travail devenue trop importante et à une désaffection du métier dans les campagnes. Pourtant, en Loire-Atlantique, une association, l’Adops 44, a réussi à mobiliser les praticiens pour assurer une permanence tous les jours de l’année.

C’est l’un des principaux freins à l’installation des jeunes médecins en libéral, en particulier dans les zones sous-dotées, où la charge de travail est telle qu’elle oblige parfois certains médecins, comme ces praticiens bretons, à baisser les bras.

L’enquête 2010 du Cnom (Conseil national de l’ordre des médecins) sur la PDS le confirme. « L’érosion du volontariat est là et constituera un défi pour les Agences Régionales de Santé (ARS). Les médecins sur le terrain nous alertent sur l’impact de la pénurie de médecins volontaires et de médecins tout court, sur le vieillissement des médecins de garde et sur les difficultés de trouver de nouveaux médecins régulateurs. » En moyenne, le pourcentage de volontaires est supérieur à 60 % dans 78 % des départements.

L’arrêt de la garde à minuit s’étend

L’autre problème qui se pose, inhérent à celui du volontariat, est que la PDS assurée par les médecins libéraux s’arrête à minuit dans de plus en plus de secteurs. Ainsi, 84% des 100 conseils départementaux interrogés affirment qu’il y a un arrêt de la garde médicale ambulatoire en nuit profonde dans certaines zones. « Même si la prise de garde en nuit profonde reste majoritaire, l’arrêt de la garde à minuit est un processus qui s’étend lentement mais inexorablement sur le territoire », précise l’étude.

Pour répondre à ce défi, l’association Adops 44 (Association départementale pour l’organisation des soins de Loire-Atlantique), créé il y a un peu plus d’un an, a mis en place depuis six mois une équipe de cinq médecins mobiles pour assurer la PDS dans les zones rurales et côtières, les zones urbaines et périurbaines étant couvertes par l’association Sos médecins.

La région Pays de la Loire est la seule région de France qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation sur le nouveau mode d’exercice de la PDS. « Notre département a toujours été à la pointe sur ce sujet, se félicite le Dr Antoine Redor, le président de l’Adops 44. Le centre 15 existe depuis plus de vingt ans, les maisons de garde médicales depuis dix ans – la première a été créée en 2002 à Clisson – et depuis six mois, nous nous sommes dotés d’une équipe de médecins mobiles. Nous sommes ainsi le seul département à disposer de médecins régulateurs au 15, de médecins effecteurs dans les maisons médicales de garde et de médecins mobiles. Le seul département aussi à assurer une PDS 365 jours par an sur l’ensemble du territoire. »

Pour assurer cette PDS, plus de 600 médecins se sont portés volontaires (sur 1 800 généralistes dans le département) : une quarantaine sont régulateurs au centre 15, 120 médecins mobiles assurent des gardes de 20h à 8h du matin, et 400 médecins sont affectés dans les dix maisons de garde médicales, ouvertes de 20h à minuit.

Armada de volontaires

Les 120 médecins mobiles  tournent pour qu’il y ait chaque nuit cinq médecins mobiles qui vont aller prendre leur garde dans l’un des cinq hôpitaux locaux de proximité. Leur intervention est déclenchée par le 15, ils se déplacent alors au domicile d’un patient ou dans un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Ils couvrent aussi la PDS des hôpitaux locaux et s’occupent des actes médico-administratifs (certificats de décès, par exemple).

Mais le problème c’est que ce système ne se base que sur le volontariat…et qu’il peut donc menacer de s’effondrer à tout moment, car comme partout des médecins réticents à participer à la PDS il y en a aussi en Loire-Atlantique.

"On aura toujours des grognons et des égoistes"…

Ce projet est dans les cartons de l’association depuis six ans, mais il a fallu négocier et convaincre les pouvoirs publics de son intérêt. Car pour motiver cette armada de volontaires, il fallait bien sûr des financements, et des financements importants. « On a mis des années à leur faire comprendre que s’ils ne payaient pas un médecin, et bien ils n’auraient pas de PDS », explique le président de l’Adops 44.

Finalement, 4 millions d’euros ont été débloqués pour payer les médecins régulateurs, les médecins en maisons médicales de garde et les médecins mobiles, financés quant à eux à hauteur d’un million et demi d’euros. Une longue histoire donc qui n’a pas toujours été simple, que raconte Antoine Redor. « Le problème c’est qu’il fallait faire comprendre aux pouvoirs publics l’utilité d’avoir deux médecins de garde sur le même laps de temps, l’un en maison de garde médicale et l’autre en exercice mobile. On nous disait que c’était impossible, inacceptable, hors de question. Puis finalement ils ont accepté du bout des lèvres. Et maintenant on voit très bien que leurs missions sont complémentaires et qu’il n’y a pas du tout de doublon. »

840 euros par nuit

L’autre bataille, menée et remportée par l’Adops 44, a porté sur la rémunération des médecins. L’association est parvenue à faire en sorte que les médecins effecteurs soient payés autant que les médecins régulateurs, soit 840 euros par nuit. « On a fait comprendre aux autorités de tutelle qu’il doit y avoir une équivalence de revenus entre les médecins de garde la nuit, qu’ils soient régulateurs ou effecteurs, même si ces derniers n’effectue que trois actes dans la nuit. »

Pour cela, le médecin va percevoir ses actes, l’astreinte (450 euros) et un complément qui sera calculé sur le revenu des médecins régulateurs. Ainsi, un médecin effecteur qui a réalisé trois actes ne recevra pas de complément. A contrario, celui qui n’a effectué qu’un seul acte le percevra pour arriver à une égalité de revenus.

Si l’ARS Pays de la Loire est d’accord pour dire que cette idée de médecins mobiles est pertinente elle est toutefois moins catégorique sur les moyens alloués. « Il est encore trop tôt, estime ainsi Elisabeth Hervé-Corbineau, chargée du suivi de l’expérimentation en Loire-Atlantique pour l’ARS, pour dire si le dispositif est efficient et cohérent. Je pense qu’il faudra des ajustements de moyens, sans toucher toutefois au modèle. Il y a des secteurs où le médecin mobile ne fait qu’une ou deux interventions dans la nuit, cela pose quand même des questions ».

"Il faut que ça vienne du terrain"

Pour le Dr Redor, au contraire, l’économie réalisée grâce à l’équipe de médecins mobiles est « fabuleuse ». « Je crois, dit-il, que ce n’est pas exagéré de dire qu’on a plus que couvert ce qui a été dépensé. » Selon son premier bilan, effectué sur les six premiers mois d’activité,l’intervention de médecins mobiles aurait en effet permis d’éviter 80% d’hospitalisation. « Tous les actes réalisés par l’association sont suivis précisément, ajoute-t-il. Nos arguments sont opposables. »Le gain est donc économique mais aussi social.

 " Les médecins ont retrouvé le plaisir de faire de la vraie médecine…"

L’expérimentation est prévue pour durer cinq ans. Ensuite ? Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, venu inaugurer le dispositif en avril dernier a semblé enthousiaste et voudrait généraliser ce système à la France entière.

 Mais il y a quand même une condition à respecter pour que ça fonctionne, tient à préciser le Dr Antoine Redor : « Il faut que ça vienne du terrain. Nous on s’est battus comme des fous pour que l’ARH (ex-ARS) d’abord puis l’ARS ne fassent pas de découpages administratifs. Nous avons tenu compte des habitudes de travail des confrères et c’est pour cela que ça fonctionne. » 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez