Insatiable Xavier Bertrand qui se collète maintenant frontalement aux arrêts maladie, dont une bonne partie serait frauduleuse. Alors que le gouvernement se prend la tête pour trouver le moyen de contenir notre déficit et donc le trou de la sécurité sociale, le ministre de la Santé et du Travail vient d’annoncer un renforcement inédit de la traque contre la fraude, ces arrêts de travail excessifs ou injustifiés. Un projet de décret serait en cours de rédaction au ministère, opérationnel pour la fin de l’année, qui tendrait à imposer aux bénéficiaires d’arrêts de travail « abusifs », le remboursement des sommes indûment perçues.

Le ministre avait déjà annoncé qu’il allait demander des comptes aux plus gros prescripteurs d’arrêts de travail, voici qu’il annonce vouloir se tourner vers les usagers, pour en faire de même. Lesquels renvoient la responsabilité première au médecin prescripteur, celui qui a signé l’arrêt de travail.

"Un climat délétère de mise en cause des malades"

Ainsi la Fnath (association des accidentés de la vie), n’y va pas par quatre chemins. Avant l’annonce de ce projet de décret par Europe1, son secrétaire général Arnaud de Broca s’était déjà fendu d’une tribune dans Libération où il s’insurgeait contre un climat délétère de mise en cause des malades, alors que les pouvoirs publics « ne s’intéressent que très peu à l’origine de l’augmentation des indemnités journalières dans le budget de l’assurance maladie ». Il enfonce le clou aujourd’hui, assez inquiet du projet de décret en préparation. Car selon les confirmations du ministère, le « fraudeur » se verrait imposer un remboursement qui prendrait la forme d’une amende, « une sorte de pénalité proportionnelle aux indemnités indûment touchées », expliquait Europe 1 en fin de semaine dernière.

« Comment déterminer un abus ? Dans le cas de seniors qui souffrent de leurs conditions de travail, ou de personnes atteintes de souffrances mentales, c’est l’avis du médecin traitant qui prime », développe M. de Broca. Or, ajoute-t-il, si un médecin conseil de l’assurance maladie considère qu’un arrêt de longue durée est excessif voire frauduleux et si le patient se voit demander le remboursement sous forme d’amende, ce dernier se retournera contre son médecin traitant. « Il ne faut pas oublier qu’une grande partie des contrôles d’arrêts de travail sont diligentés par des médecins privés, qui sont payés par l’employeur. Aujourd’hui leur avis suffit pour interrompre le versement des indemnités journalières. S’il y a, de plus, une demande de remboursements demain, nous nous dirigerons vers une querelle d’experts ». S’il y a paiement de pénalités, « les médecins doivent être concernés. Il est tout à fait certain que le malade se retournera vers son médecin prescripteur »…

Impossibilité juridique

Voilà qui contribue sensiblement à alourdir le contexte, alors qu’un autre décret en préparation est en passe d’instaurer un quatrième jour de carence non pris en charge par l’assurance maladie, pour les salariés du privé. Et qu’un amendement gouvernemental au projet de loi de Finances, débattu aujourd’hui, vise à réduire le montant des indemnités maladie des agents de la fonction publique. Le montant des primes ne serait plus pris en compte pour l’indemnisation du premier jour d’arrêt.

Du côté du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), on regarde siffler les balles. Et l’on  trouve aussi qu’il y en a franchement assez, de « systématiquement envisager l’arrêt de travail sous l’angle de la fraude ». On souligne également l’impossibilité juridique de faire endosser par l’assuré incriminé, « la responsabilité de l’usage coupable d’un arrêt maladie considéré comme frauduleux,  s’il a été dûment prescrit ».

Ce dernier épisode s’inscrit dans un contexte. Les arrêts maladie ont été mis sous surveillance de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) depuis 2003, mais un renforcement de la lutte contre les arrêts de travail abusif est nettement sensible depuis 2010.

Selon la Cnam 13 % des arrêts de travail de moins de 45 jours seraient « injustifiés » ou « trop longs » et 11 % les arrêts de plus de 45 jours auraient été considérés comme « inadaptés » par les médecins conseils. Une proportion de « fraudes ou inadaptations » qui saute à 42 % pour un organisme privé, Axmédica, spécialisé dans le contrôle patronal. Dans cette lourde proportion, affirme l’organisme, 17 % des arrêts n’auraient reposé sur « aucune pathologie constatée ». Des référentiels de prescription d’arrêts de travail vont être  mis en place, dans un cadre conventionnel.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez