Les sectes prolifèrent dans le domaine de la santé engendrant des drames souvent mortels chez des patients persuadés d’abandonner la médecine traditionnelle. Un colloque parlementaire vient de faire le point. A cette occasion, Egora.fr a interviewé Philippe Vuilque, député socialiste des Ardennes, membre du conseil d’administration et d’orientation de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) et président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée.

Egora.fr : Quelles sont les pratiques, dans le domaine de la santé, qui vous inquiètent le plus aujourd’hui ?

Philippe Vuilque : Ce sont les médecines dites parallèles, telle que la méthode Hammer (voir encadré) qui nous inquiètent parce qu’elles visent à stopper et à remettre en cause le traitement médical traditionnel. Au cours du colloque, nous avons recueilli le témoignage de deux personnes qui nous ont expliqué que l’une de leurs proches était décédé d’un cancer du sein après suivi une méthode paramédicale qui l’avait forcée à arrêter son traitement traditionnel.

            La méthode Hammer  


  Selon la Miviludes, la méthode Hamer repose sur un dogme thérapeutique considérant que toute maladie est la résultante d’un choc psychologique et d’un conflit intérieur non résolu, récusant les facteurs environnementaux et génétiques des pathologies. Selon cette théorie, un stress important affaiblit les défenses immunitaires et provoque une réaction somatique. Dès lors, l’origine d’un cancer du poumon n’est pas la consommation de tabac mais la culpabilité du fumeur. L’élucidation des circonstances du choc psychologique par un thérapeute « hamériste » supprime les blocages, cause de la maladie et permet au patient de libérer ses capacités d’auto guérison stimulées par des remèdes de médecines « douces » et une alimentation sélective. La poursuite des traitements conventionnels, selon ce dogme thérapeutique, compromet les processus d’auto guérison d’où la nécessité de leur abandon par le patient. Cette médecine douce a démontré sa dangerosité à la suite de décès de patients cancéreux dans des souffrances extrêmes.
Son auteur a été condamné par le tribunal de Chambéry à l’été 2004 à une peine d’emprisonnement et à une forte amende pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine.

Ces deux personnes nous ont interrogés, nous les politiques, pour savoir ce que nous comptions faire à ce sujet. En ce moment, ces méthodes sont en cours d’évaluation. Le ministère de la santé va rendre public, très prochainement, un rapport d’évaluation sur ces médecines parallèles et notamment sur la méthode Hammer pour essayer ensuite de mettre en place des dispositions. Mais avant cela, il faut réussir à prouver que la méthode en question prône l’arrêt de la médecine traditionnelle, ce qui est évidemment dramatique pour quelqu’un qui est atteint d’un cancer par exemple.

Egora.fr : Ces méthodes sont-elles nouvelles ?

Philippe Vuilque : Non, elles ont toujours plus ou moins existées. Mais en revanche, elles sont de plus en plus courantes notamment parce qu’Internet permet aujourd’hui une diffusion très large. Et la difficulté qui se pose pour nous est que ces méthodes sont propagées par l’intermédiaire de sites hébergés à l’étranger, sur lesquels on n’a pas prise. Ils exploitent la faiblesse et la désespérance des personnes qui sont touchées par un cancer. C’est compréhensible, parce que quand on est atteint par une maladie de ce type, on essaye de se raccrocher à tout ce qui peut être un espoir. Le problème c’est qu’il y a un certain nombre de charlatans qui sévissent dans le monde médical et qui proposent des méthodes totalement décalées et ahurissantes mettant en péril la vie du patient. C’est le cas typique de l’endoctrinement et de l’abus de faiblesse.

Egora.fr : Au cours de la prochaine législature, vous souhaitez demander la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la santé publique et les sectes. Pourquoi ?

Philippe Vuilque : Parce que les dérives sectaires dans le domaine de la santé nous inquiètent tout particulièrement. Nous recevons de plus en plus de témoignages de parents et de proches de victimes qui nous racontent de véritables drames humains avec souvent à la clé, la mort de patients. Lors de la prochaine législature, nous allons donc demander la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les sectes et la santé publique pour faire la lumière sur ces pratiques, car pour l’instant, nous avons très peu de chiffres. Cela va nous permettre de montrer à l’opinion publique qu’il y a danger et de faire des propositions de loi allant jusqu’à l’interdiction de telle ou telle pratique. De plus, la commission d’enquête parlementaire est un organe officiel avec des moyens très importants contrairement au groupe d’études qui est totalement informel. Elle a pour objet d’enquêter, d’auditionner et de faire des propositions. L’idée est d’essayer d’avoir une vision la plus exhaustive possible sur ces pratiques totalement farfelues qui prônent l’arrêt du traitement médicamenteux.

Egora.fr : Quel est le rôle des médecins généralistes pour lutter contre ces pratiques ?

Philippe Vuilque : On travaille beaucoup avec l’Ordre car les médecins ont aussi un rôle très important auprès des patients, un rôle de prévention pour leur dire de faire attention, même et surtout lorsque l’on se trouve dans une situation médicale très difficile. Mais son rôle est limité puisque l’un des problèmes majeurs est que les patients qui ont recours à ces méthodes abandonnent petit à petit la médecine traditionnelle et cessent donc d’aller voir leur médecin traitant ou leur spécialiste. Cette coupure nous pose réellement un problème.

Egora.fr : La loi About-Picard du 12 juin 2001, qui a créé justement le délit d’« abus de faiblesse », vient de fêter ses dix ans. Quel bilan en dressez-vous ?

Philippe Vuilque : En dix ans, il y a eu 35 décisions rendues dont un gros tiers concerne les organisations à caractère sectaire et il y a aujourd’hui une centaine de procédures pendantes. Ce que l’on constate, c’est que les enfants sont mieux protégés des conséquences des refus de soins. Aujourd’hui, le médecin peut donner des soins indispensables même en cas de refus du titulaire de l’autorité parentale lorsque le pronostic vital est engagé. L’autre avancée importante concerne la pratique de la psychothérapie qui est beaucoup mieux encadrée.

Egora.fr : Le village de Bugarach, dans l’Aude, est pris d’assaut par des visiteurs persuadés que c’est le seul endroit sur Terre à survivre à l’Apocalypse annoncée pour décembre 2012. Faut-il s’en inquiéter ?

Philippe Vuilque : On constate en effet qu’il y a un engouement notamment sur Internet, avec des groupuscules tous plus délirants les uns que les autres, mais ce n’est pas très original, car ce n’est pas la 1èrefois. C’est du grand guignol généralisé mais c’est vrai qu’il ne faudrait pas que ça tourne à l’hystérie collective. Pour l’instant néanmoins, tout semble sous contrôle.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez