Après le « savon » de Xavier Bertrand aux libéraux à propos des simplifications administratives, les syndicats de médecins n’ont pas tardé à répondre au ministre de la Santé sur les travaux de la Commission nationale de simplification. L’occasion pour Egora.fr de faire le point sur les mesures déjà mises en place et celles qui sont en cours de discussion.

« Ne me dites pas que les ententes préalables par exemple ça ne fait pas perdre du temps et du pognon à l’assurance-maladie. Ce n’est pas à moi de le dire, parce que je suis allé voir ma dermatologue et que je lui ai posé la question, j’ai besoin que ça vienne de vous. La simplification ça me fait réagir parce que j’en ai marre et que j’ai l’impression de prêcher dans le désert. Et au final, ce que je vais faire c’est que j’écrirai à chacun des professionnels de santé pour leur demander leurs idées à eux si ça n’avance pas ! Parce que je me suis engagé sur ce sujet, que j’ai une obligation de résultats et que c’est l’une des solutions pour redonner du temps médical. » La scène se déroule le vendredi 7 octobre au matin, lors de la journée de rentrée des libéraux de santé, organisée par le CNPS (Centre national des professions de santé). Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, est clair. Sur les simplifications administratives, il faut avancer.

Face à cette remontrance, les syndicats de médecins sont restés bouche bée. Etonnement. Incompréhension. Agacement. Voilà les termes qui sont revenus le plus souvent après les propos tenus par le ministre. Le Dr Gilles Urbejtel, du syndicat MG France, participe à la Commission de simplification mise en place au début de l’année. « Je suis sorti de mes gonds ce jour-là. Je n’ai pas compris l’attaque de Xavier Bertrand parce qu’à aucun moment dans cette commission, on a recueilli nos idées. Jamais il n’a été été question de compléter le tableau sinon on aurait évidemment fait des propositions. Dans le tableau de bord qui nous a été donné par l’assurance-maladie, la majorité du travail a consisté à dresser un état des lieux sur la mise à disposition du numéro unique. Ça a pris un temps fou, alors que c’est loin d’être une priorité pour nous. »

Réduction du nombre des certificats médicaux

La mise en place de ce numéro unique est en effet l’une des mesures concrétisée par la Commission de simplification avec, tout récemment, la réduction du nombre des certificats médicaux. Une circulaire ministérielle du 27 septembre 2011 relative à la rationalisation des certificats médicaux, ainsi qu’un dépliant explicatif, ont ainsi été envoyés aux administrations et aux associations pour leur rappeler dans quels cas les certificats sont obligatoires et surtout dans quels cas ils ne le sont pas.

Le texte rappelle les résultats d’une enquête réalisée en 2008 dans laquelle « le sujet des certificats médicaux avait été clairement identifié comme un sujet chronophage. Les cas de certificats médicaux les plus fréquemment cités étaient ceux pour absence scolaire, pour une compagnie d’assurance, pour l’employeur (certificat d’inaptitude au travail), pour demander un appartement ou en obtenir un plus accessible…». Le ministère rappelle donc que les médecins ne sont pas tenus de répondre aux diverses demandes de certificats médicaux lorsqu’il n’existe aucun fondement juridique et que la délivrance d’un certificat médical ne donne pas lieu à remboursement par l’assurance maladie (cf. circulaire et dépliant en PJ).

Gilles Urbejtel reconnaît que c’est là un travail intéressant mais qui est exploré depuis longtemps. En 2009 déjà, une note de service avait été envoyée aux établissements scolaires pour tenter de limiter les demandes de certificats, sans succès.

"Les parents sont les premiers demandeurs de certificats pour qu’on ne leur coupe pas leurs allocs"

« Même si cette circulaire va permettre de faire un peu de pédagogie auprès des professionnels de santé et des patients, estime le spécialiste des questions de simplification au sein de MG France, elle va être très difficile à appliquer. Très souvent, le médecin va préférer faire le certificat plutôt que d’expliquer les raisons pour lesquelles il ne devrait pas le faire. Ça n’aura donc pas d’incidence majeure. » Il cite par exemple le cas des certificats d’absence à la cantine, qui ne sont absolument pas obligatoires. « Je suis dans un quartier défavorisé, les gens me demandent un certificat parce que sinon ils ne seront pas remboursés. » De même pour les certificats servant à justifier une absence. « On parle de réduire les allocations des parents dont les enfants sont trop souvent absents à l’école. Les parents sont les premiers demandeurs de certificats pour qu’on ne leur coupe pas leurs allocs. »

Par ailleurs, le gouvernement n’a pas encore tranché sur la question des certificats pour la pratique d’une activité sportive qui sont là aussi très nombreux puisqu’il  faut désormais un certificat médical pour tout type d’activité sportive, de la pétanque jusqu’à la pêche à la carpe. « Ce sujet fera l’objet d’une instruction ultérieure », indique le ministère. Pour la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), cette circulaire est malgré tout « le fruit d’un travail de longue haleine ». « Ces documents seront précieux pour les médecins car il leur fera gagner un temps précieux en permettant de mettre un terme aux discussions chronophages interminables sur des demandes excessives. » Le syndicat énumère également les mesures déjà effectives ou en cours de discussion au sein de la Commission de simplification : 
. mise en place d’un contact direct avec un médecin conseil dans chaque CPAM
. généralisation d’un dossier unique simplifié de pré-admission en EHPAD
. remplissage et mise à jour en ligne des protocoles de soins ALD ; simplification du renouvellement du protocole et de la procédure pour les polypathologies ; portabilité inter-régime
. remplissage en ligne des arrêts de travail avec interopérabilité entre les téléservices et les logiciels médicaux pour éviter les doubles saisies
. sécurisation des échanges entre l’assurance-maladie et les médecins
. déclaration en ligne du médecin traitant
. transfert automatique de la déclaration médecin traitant en cas de changement de régime
. diminution du nombre et simplification des ententes préalables
. garantie de paiement au médecin en cas de tiers payant quel que soit le statut du patient au regard du parcours de soins
. non pénalisation des assurés consultant un médecin autre que leur médecin traitant dans une structure en exercice regroupé
. évolution du contrôle des ALD et de l’ordonnancier bizone

La prochaine réunion aura lieu le 16 novembre prochain. MG France, qui vient d’envoyer une lettre ouverte au ministre, compte bien à cette occasion se faire entendre. « Compte tenu de l’impatience exprimée du ministre,affirme Gilles Urbejtel, je vous assure que l’on va faire en sorte que tout ce que l’on a proposé dans la lettre ouverte soit inscrit dans le tableau de bord. Le ministre veut des idées, on va lui en donner. » Parmi ces propositions, le syndicat demande notamment à ce que « les médecins n’aient pas à réclamer les franchises ou les pénalités indument prélevés sur leurs honoraires au motif que la caisse ne sait pas les réclamer au patient à qui elles devraient être légalement imputées » ou encore la fin de l’utilisation du « port série » dans la télétransmission. « Nos ordinateurs en sont dépourvus depuis une bonne dizaine d’années. Mettez en place la formation continue des services informatiques Sesam-Vitale », dit la lettre ouverte. Enfin, le Dr Urbejtel suggère ironiquement que la première simplification à réaliser serait de « sécuriser le circuit d’information » autour du ministre pour qu’il soit informé réellement de ce qu’il se dit en commission.

"Outil harcelant de la caisse"

La FMF (Fédération des médecins de France) est également intervenue sur le sujet. Jean-Paul Hamon, son président, a rappelé les cinq priorités à mettre en place au plus vite pour une « vraie » simplification administrative. Parmi elles, il y a l’installation gratuite des mises à jours dans les logiciels métiers des professionnels de santé, la rémunération des entretiens confraternels avec les médecins conseils et la suppression des DAM (délégués de l’assurance maladie), « tant que ceux ci se comporteront en outil harcelant de la caisse et non en simplificateur des tâches administratives » et la suppression immédiate de l’ordonnancier bizone. Par ailleurs, Jean-Paul Hamon demande la modification des articles L.162.1.14 et 15 et les articles L.133-4 et D. 315 du Code de la sécurité sociale « qui donnent tous les pouvoirs aux directeurs des caisses ».

Il cite ainsi l’exemple d’un confrère, un médecin généraliste de plus de 60 ans installé dans l’Orne, qui se voit demander, par les caisses, le remboursement de près de 2 000 € d’indus pour prescription hors ALD et le règlement de près de 1 000 € de pénalités financières. Pour la FMF, cela doit changer. Elle a donc décidé de lancer une opération « name dropping » autour des députés qui voteront des lois « coercitives » à l’égard des médecins en les désignant publiquement. « On passe à l’attaque. A chaque fois qu’un député pond une loi ou un article de loi coercitive on lui écrit et on envoie le courrier à tous les médecins de sa circonscription », explique Jean-Paul Hamon.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez