Un médecin généraliste du Finistère, qui souhaite garder l’anonymat, vient de demander au conseil départemental de l’Ordre de le rayer de la liste des volontaires parce qu’il n’est pas assuré lors de ses gardes. Est-il le premier d’une longue série, prémice à un mouvement national de grève des gardes ?

« C’est scandaleux ! Pendant des années j’ai effectué des permanences de soins en délégation de mission de service publique sans assurance. C’est inadmissible ! s’exclame le généraliste du Finistère. Le pire c’est que je me suis toujours douté que je n’étais pas assuré parce que lorsque je posais la question à la MACSF (Mutuelle d’assurances du corps de santé français), elle ne me répondait jamais clairement, me disant simplement qu’elle pouvait le faire mais sans jamais donner suite. » Ce médecin a donc décidé d’interrompre « à titre temporaire » sa participation à la PDS dans son département, le temps pour le gouvernement de régler cette question. D’autant que son cas est loin d’être isolé. Depuis plusieurs années, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) se bat pour que le gouvernement légifère, sans succès. « Aujourd’hui, explique le Dr André Deseur, spécialiste des conditions d’exercice au sein du CNOM, le médecin libéral qui participe à la permanence des soins au titre d’une mission de service public est couvert au niveau de sa responsabilité civile professionnelle. En revanche, il expose sa personne et ses biens, ce qui veut dire que s’il est agressé, s’il a un accident de voiture, et qu’il ne peut pas exercer pendant un certain temps, il n’est en aucun cas couvert par l’Etat. »

"Il faut impérativement rectifier le tir"

Et c’est justement après avoir eu écho de plusieurs « exemples dramatiques d’accidents survenus lors de la permanence des soins » que Jean-Pierre Door, député du Loiret, a souhaité soulever la question lors des débats en commission des Affaires sociales avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 à l’Assemblée. Egora.fr avait alors rapporté ses propos dans un article daté du 25 octobre « Le médecin libéral n’est pas assuré par l’établissement ou par le système de permanence des soins, ni par sa propre assurance lorsqu’il participe à la permanence des soins. »

Le rapporteur du texte avait donc déposé un amendement pour régler ce sujet pour le moins épineux. « Cela écarte de fait du dispositif les médecins libéraux qui seraient volontaires pour y participer comme la loi l’a prévu, a-t-il encore ajouté. Je propose, par cet amendement, que les médecins bénéficient d’une couverture assurantielle dès l’instant où ils entrent dans le système de permanence des soins. » L’amendement avait été accepté en commission mais n’a jamais été débattu en séance. Et pour cause, il a été « retoqué » pour des raisons constitutionnelles.

« Il n’a pas franchi la barrière de l’article 40 », regrette l’élu. Promulgué le 1erjuillet 2007, l’article 40 de la Constitution, qui porte sur « l’irrecevabilité financière » limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière en interdisant toute création ou aggravation d’une charge publique et en n’autorisant la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.

« Mais il faut impérativement rectifier le tir, reprend Jean-Pierre Door. J’espère que ce sera fait lors des débats concernant la RCP [Responsabilité civile professionnelle, NDLR] dans le cadre de la loi de finances de 2012. » La loi de finances qui est discutée jusqu’au 16 novembre à l’Assemblée. Une nouvelle occasion pour le gouvernement de régler cette question après plusieurs appels et tentatives ratés.

Trois mois d’interdiction d’exercice

En 2003, la Coordination nationale des médecins généralistes avait rédigé une charte de la permanence des soins dans laquelle était prévue « une couverture assurantielle prise en charge par l’hôpital ». Sans effet. Puis en mai 2006, Xavier Bertrand, déjà ministre de la Santé, indiquait devant l’ensemble des organisations et personnalités participant à l’organisation de la permanence des soins de santé que « dans tous les départements la participation des médecins libéraux à la régulation serait généralisée ». Il annonçait également que « le statut et la protection juridique dont bénéficie le médecin seraient précisés ».

Enfin en 2007, un praticien de Corse du Sud était victime d’un accident grave sur la voie publique alors qu’il étaitde garde et qu’il intervenait à la demande du Centre 15. Le conseil national de l’Ordre avait alors réclamé au ministère de la Santé de prendre en charge les conséquences financières de cet accident.

Cette fois, la FMF (Fédération des médecins de France) lance une campagne de sensibilisation autour d’une affiche dont le slogan est limpide « Pendant la PDS, un médecin n’est pas assuré, même pas par sa propre assurance » afin de mobiliser tous les médecins concernés. Reste à savoir combien de praticiens oseront refuser une permanence des soins. On se souvient du cas du Dr Tarpin, généraliste à Brignais (Rhône) condamné à trois mois d’interdiction d’exercice, dont deux avec sursis, par le conseil de l’Ordre pour avoir contesté une réquisition préfectorale.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez