Le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer est-il réellement utile aux patients? C’est la question à laquelle ont tenté de répondre le Pr Marc Frarier et le Pr Max Budowski (Département de Médecine générale, Université Paris Diderot) lors d’un atelier des 10èmes Journées Nationales de Médecine Générale (Jnmg).

La maladie d’Alzheimer est reconnue incurable en 2011. Et quand le diagnostic est posé, c’est l’intégration sociale du patient toute entière qui est menacée. Une mémoire défaillante remet en cause l’individu sur son identité personnelle, ses certitudes, ses relations aux autres. Elle crée le vide.

"Cela dépend de la demande du patient, de sa personnalité et de son entourage"

Le dilemme du soignant tient à la difficulté de poser un diagnostic. Au début de la maladie, il existe une incertitude sur la nature des symptômes (est-ce un vieillissement normal ou pathologique, ne s’agit-il pas d’une autre forme de démence? ), entrainant le doute chez le patient et son entourage.

Ainsi, pour Max Budowski : « Tout le monde n’est pas d’accord pour faire un diagnostic précoce. Cela dépend de la demande du patient, le principal concerné, de sa personnalité et de son entourage. » Pour Marc Frarier : « Nous sommes d’accord pour faire un diagnostic précoce à condition de discuter pour savoir dans quel cas il est utile, d’un point de vue psychologique, d’en parler au patient lorsqu’il s’agit réellement d’un stade précoce. »

En fait, pour les deux modérateurs de cet atelier, plusieurs points sont à considérer. Tout d’abord, le diagnostic précoce ne peut se faire aujourd’hui qu’au début des symptômes. C’est ce qu’il faut expliquer au patient. Certains examens spécialisés permettraient de faire un diagnostic avant l’apparition des symptômes, mais ils sont encore du domaine de la recherche et très coûteux.

Ensuite, si le diagnostic précoce peut permettre d’améliorer la qualité de vie du patient, il peut aussi avoir l’effet contraire, sachant que l’utilité de débuter précocement les traitements actuellement proposés n’est pas démontrée.

La maladie d’Alzheimer ne peut se réduire à la prescription de traitement pharmacologique

Les sociétés occidentales sont profondément influencées par la rationalité cartésienne. Et cela est d’autant plus marqué pour les démences car cette rationalité réduit la maladie cognitive à une dimension biomédicale. La maladie d’Alzheimer ne peut se réduire à la prescription de traitement pharmacologique. Certes, cette maladie est marquée par une diminution des facultés cognitives associées à des changements de comportement et d’humeur. Mais elle confronte le malade à des enjeux important avec l’entourage et les aidants, les soignants,  qui ne peuvent être traités par des thérapeutiques médicamenteuses.

Max Budowski estime que « la démarche du médecin doit être un arbitrage raisonné entre des savoirs médicaux, une expérience professionnelle, la personnalité du patient, les normes professionnelles et les représentations sociales. » Il faut bien mesurer les conséquences de l’annonce d’un tel diagnostic sur le patient et sa famille en sachant qu’on ne dispose pas de moyens thérapeutiques curatifs. 

D’après l’atelier « Alzheimer : prescrire ou non ? », organisée par Formunof  (Institut de formation de l’UNOF) avec les Prs Max Budowski et Marc Frarier, JNMG 2011. 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Thierry Billoir