Les délais trop longs et le temps passé dans les salles d’attente sont les premiers motifs de renoncement aux soins, loin devant le coût, qui n’arrive qu’en cinquième position, selon une étude* réalisée par l’Union régionale des professions de santé du Languedoc-Roussillon avec le CSA.

Le temps passé en salle d’attente et les délais pour obtenir un rendez-vous sont les premiers motifs de renoncement aux soins. C’est ce que l’on apprend dans une étude publiée aujourd’hui, réalisée par l’URPS du Languedoc-Roussillon.

15% des personnes interrogées évoquent ainsi une attente trop longue en cabinet quand il s’agit de voir un généraliste. Ils sont 43% de mécontents à déplorer le manque de disponibilité des spécialistes ! Et parmi les médecins les moins disponibles, on trouve en tête les ophtalmos, suivis des gynécologues et des dermatologues. Au contraire, les difficultés financières ne gênent que 3% des sondés chez le généraliste et 6 % d’entre eux chez le spécialiste.

"Il n’y a pas de quoi faire un fromage des dépassements d’honoraires"

Des données qui ont surpris le Dr Jean-Paul Ortiz, président de l’URPS du Languedoc-Roussillon, à l’origine de l’enquête. « Nous avons lancé cette enquête car nous étions inquiets. Le Languedoc-Roussillon est une région très contrastée avec des risques de déserts médicaux dans certaines zones et puis d’un autre côté, il y a des zones qui comptent beaucoup de médecins, certains en secteur 2, on se posait donc des questions sur l’accès aux soins entraînant d’éventuels renoncements. Mais finalement, on se rend compte que ce ne sont pas les difficultés financières qui arrivent en tête, il n’y a donc pas de quoi faire un fromage des dépassements d’honoraires. » Il est vrai que le discours ambiant sur l’effet délétère des honoraires libres a conduit plusieurs fois le chef de l’Etat et le gouvernement à affirmer leur intention d’aboutir sur le secteur optionnel, quitte à se passer de l’approbation des mutuelles.

Le Dr Claude Desnier, généraliste à Perpignan, est lui aussi surpris par ce résultat. Ses délais d’attente pour un rendez-vous sont de dix à quinze jours, mais ça n’est pas selon lui une raison suffisante pour renoncer à se soigner.

Parmi les freins à l’accès aux soins, il évoque le coût bien sûr mais aussi le psychisme de certains patients.

Finalement, l’enquête de l’URPS reflète bien la réalité du terrain pour les médecins : les généralistes sont débordés et les spécialistes ne sont plus assez nombreux pour répondre à la demande des patients dans des délais raisonnables. Et le Languedoc-Roussillon, région où a été réalisée l’étude, est loin d’être un exemple à part, bien au contraire. Avec 365 médecins (généralistes et spécialistes) pour 100 000 habitants, elle est la troisième région de France la mieux dotée, juste derrière l’Ile-de-France (373 médecin pour 100 000 habitants). Ce qui veut dire donc que la situation est encore plus compliquée ailleurs.

Développer le regroupement

Pour le Dr Ortiz, il faut « donner les moyens aux médecins généralistes de s’organiser, de déléguer certaines tâches, d’avoir un secrétariat pour prendre plus de temps avec le patient ». « Aujourd’hui, explique-t-il, un médecin n’a pas les moyens de prendre une secrétaire. Il faut donc développer le regroupement qui est une bonne solution dans le sens où il permet de mutualiser les frais et d’avoir « une puissance de tir » plus importante. » C’est justement l’un des axes défendu tant par la droite que la gauche qui consiste à développer les maisons et pôles de santé. « Mais on part de tellement loin », regrette encore Jean-Paul Ortiz.

Ces difficultés d’accès aux soins posent ensuite des questions en termes de santé publique puisqu’au final plus d’une personne sur dix tire un trait sur la consultation de son généraliste, et une sur quatre renonce à voir un spécialiste.

Dans le même temps, l’automédication ne cesse de s’accroître. Désormais, selon une étude réalisée par TNS pour l’association Afipa (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable), près de sept Français sur dix consomment des médicaments sans prescription médicale, avec des conséquences d’abord pour leur porte-monnaie mais aussi et surtout avec des effets possibles sur leur santé.

Le temps d’attente est également un motif d’incident entre patients et médecins note pour sa part le Conseil de l’ordre. « Les individus deviennent plus exigeants, voire violents, (…) si le temps d’attente est jugé trop excessif », expliquait ainsi le docteur Bernard Le Douarin, coordonateur de l’Observatoire pour la sécurité des médecins, au moment de la publication annuelle des chiffres des agressions sur les médecins. Les déclarations d’incidents ont ainsi augmenté de 80% en 2010. 9% d’entre elles étaient liées à un temps d’attente jugé excessif.

L’enquête réalisée pour l’URPS du Languedoc-Roussillon montre enfin que ce sont les jeunes et les actifs qui sont les premiers à renoncer à voir un médecin. Parmi les 18-34 ans, près d’un sondé sur deux (47%) déclare ainsi avoir déjà renoncé « plusieurs fois » à consulter un spécialiste, ils sont 30% pour un généraliste. Par ailleurs, les employés sont 21% à avoir abandonné l’idée d’aller chez leur médecin traitant, contre 2% chez les retraités. Et chez le spécialiste, le renoncement passe à 36% chez les employés contre 13% chez les retraités. 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez