Ce vendredi, Xavier Bertrand n’a pas fait qu’inaugurer la journée de rentrée des libéraux de santé, organisée par le CNPS (Centre national des professions de santé). Le ministre de la Santé a passé deux heures à répondre aux inquiétudes des libéraux présents, sur un ton inhabituellement agressif.
D’abord virulent, provocateur et moqueur, Xavier Bertrand s’est ensuite ravisé en toute fin de matinée, caressant finalement les libéraux dans le sens du poil, tout en rappelant l’échéance de 2012. Dès la troisième question, qui porte sur la simplification administrative, le ministre s’emporte. « Vous voulez me voir, très bien, mais si c’est pour me rappeler tout ce que j’ai proposé, je le sais déjà ! En revanche, si c’est pour me proposer des idées nouvelles qui viennent du terrain, je prends ! Et je les imposerai, ces modifications. Mais ne me dites pas que les ententes préalables par exemple ça ne fait pas perdre du temps et du pognon à l’assurance-maladie. Voilà, c’est pas à moi de le dire, parce que je suis allé voir ma dermatologue et que je lui ai posé la question, j’ai besoin que ça vienne de vous. La simplification ça me fait réagir parce que j’en ai marre et que j’ai l’impression de prêcher dans le désert. Et au final, ce que je vais faire c’est que j’écrirai à chacun des professionnels de santé pour leur demander leurs idées à eux si ça n’avance pas ! Parce que je me suis engagé sur ce sujet, que j’ai une obligation de résultats et que c’est l’une des solutions pour redonner du temps médical. » Le ton est donné. Question suivante.
Secteur optionnel : « Sur les dépassements, on a effectivement un problème, mais il y a une solution, c’est le secteur optionnel sous sa forme actuelle parce que si on rouvre le dossier, vous ne l’aurez jamais ! Je n’en fais pas un sujet idéologique. Mais ça fait des années qu’on en parle et personne n’a proposé de solution plus intelligente que le secteur optionnel.Ceux qui étaient prêts à signer, il faut qu’ils signent ! Alors on me dit, à l’Unocam (Union nationale des organismes d’assurance-maladie complémentaire) ils sont de mauvaise humeur à cause de la taxe sur les contrats responsables. J’avais un choix à faire : soit je baissais la dépense, ce qui revenait à augmenter le ticket modérateur et baisser le remboursement, je m’y suis opposé. J’ai donc préféré qu’on augmente la taxe sur les contrats responsables, pour que la mutuelle joue un rôle d’amortisseur. Depuis des années, leurs tarifs augmentent et on nous colle tout sur le dos, c’est facile, j’ai l’habitude, mais l’explication est un peu courte. Et puis la mauvaise humeur c’est toujours passager.»
Maisons de santé pluridisciplinaires : « Les maisons de santé pluridisciplinaires ça marche. Je ne vous dis pas que c’est la panacée universelle mais il faut m’expliquer ce que vous avez de mieux dans des endroits où sinon les professionnels s’en vont. Qu’est ce qu’on a de mieux ? Silence. Voilà, c’est tout. Et l’idée est simple, il ne faut pas que le projet soit porté par des élus, il faut que les professionnels de santé soient moteur et acteur. Si on se donne les moyens, on peut avoir des retours dans des endroits où on pensait que c’était foutu. C’est une tendance qui est en train de changer, timidement certes, mais ça veut dire qu’on peut réussir ce pari. Selon les chiffres du CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins), il y a eu plus d’installations en milieu rural que de départs l’année dernière.»
ASV (Allocation sociale vieillesse) : « Vous avez été courageux alors on sera courageux. Je veux la pérennité du régime, je crois qu’on est proche d’un accord qui va rétablir les efforts entre les pouvoirs publics et les adhérents du régime. On est en train de revoir les tous derniers arrangements parce que je veux un accord qui préserve l’unité du corps médical et la pérennité pour la suite.»
RCP (Responsabilité civile professionnelle), partie de la loi Fourcade rejetée par le Conseil constitutionnel : « Ceux qui ont déféré le texte devant le Conseil constitutionnel, vous pourrez les remercier ! En attendant, je la repasserai dans la loi Weizmann d’une part et d’autre part dans le projet de loi de financement. La mutualisation qui était mise en place c’était une garantie. Vous savez que le sinistre le plus important qui a été versé en France sur la RCP, ce n’est pas un gynéco-obstétricien, ce n’est pas un anesthésiste. Aucune profession dans cette salle ne peut se dire la responsabilité civile ça ne me concerne pas. Ce système qui sera mis en place pour 2012 va nous permettre de résoudre le problème pour au moins les dix années à venir.»
DPC (Développement professionnel continu) : « Disons les choses clairement, jamais vous ne reconnaîtrez que le texte est bon. Parce que vous êtes attachés à ce qui fonctionnait, à ce que vous connaissiez et que vous êtes, pour beaucoup d’entre vous, encore hostiles à la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoire). Je ne vais pas changer la loi.On vous a renvoyé une dernière mouture. Et je crois qu’on a aujourd’hui le meilleur du système conventionnel qui peut se retrouver dans le DPC tel qu’on le propose. J’ai enfin compris aussi pourquoi vous attachiez autant de place à la question de la parité. J’ai mis un peu de temps à comprendre parce que vous m’aviez pas tout dit du premier coup.Je pense qu’on a trouvé aujourd’hui un équilibre entre les instances pour qu’il y ait une vraie parité avec de vraies garanties. Il y aura bien 12 sièges pour les professionnels dans les conseils de gestion qui est l’instance de vie administrative du GIP. Sur le comité paritaire du DPC, là aussi je vous ai entendus. Il y aura donc une section paritaire pour les médecins, une section paritaire pour les sages-femmes, une pour les pharmaciens … Ce comité paritaire enfin définiera et pilotera les forfaits de remboursement par profession et par méthode de DPC. On a fait sensiblement évoluer le texte.»
Après deux heures de débat, la voix du ministre s’était radoucie. Il était temps également de parler de la présidentielle de 2012. « J’aime profondément le monde de la santé, j’ai tellement appris à l’apprécier que je vous parle vraiment très librement. Je pense que c’est vraiment cela la marque du respect : se comprendre, voir les contraintes des uns et des autres et pouvoir se parler pour travailler ensemble. Vous dites qu’on ne parle pas assez de santé dans la campagne mais c’est parce qu’elle n’est pas encore ouverte ! Quand elle le sera, je me ferai entendre, croyez-moi. En attendant, je continuerai à faire avancer tous les dossiers. Je veux mettre chacun d’entre vous dans les conditions d’une confiance retrouvée. Pas vis-à-vis de moi, c’est vous qui déciderez politiquement.»
Dans la salle, finalement apaisée par toutes ces annonces, un participant chuchote à l’oreille de son voisin « quel bête de scène quand même ! ». Espérons qu’une fois rentré dans les coulisses, le ministre garde la même verve.
Source :
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Auteur : Concepcion Alvarez