Si l’on veut que le régime ASV soit remis sur de bons rails dès 2012 et renoue avec l’équilibre, les textes réglementaires réformant le régime en faillite doivent être promulgués au plus vite avant la fin de l’année.
Or, jusqu’ici, le gouvernement n’avait pas officiellement bougé, se contentant d’accuser réception de l’accord intervenu en juillet dernier entre les syndicats médicaux, la caisse autonome de retraite des médecins et la direction de la Sécurité sociale et l’Assurance maladie. Cet accord a permis de parapher la convention médicale, puisque les trois syndicats signataires avaient fait du maintien de l’ASV et du maintien de son financement aux 2/3 par les caisses, le préalable absolu à leur signature.
Mais subitement, changement de style : un courrier (non daté), portant le nom de Xavier Bertrand mais non paraphé par le ministre de la Santé, est parvenu lundi dernier aux syndicats médicaux. Accompagné d’un projet de décret, ce long courrier revient sur les propositions de juillet et propose de modifier substantiellement les suggestions consensuelles émises par la profession (voir en encadré). Le cabinet précise qu’il attend une réponse dans les quinze jours pour que la réforme entre en vigueur au 1erjuillet 2012.
I – Propositions de juillet des syndicats et de la Carmf :
•Secteur 1 : doublement en moyenne des cotisations sur les trois prochaines années, toujours prises en charge aux 2/3 par l’assurance maladie. Création d’une cotisation proportionnelle ne donnant pas de points, d’un montant de 4,5 % en 2014, aux côtés d’une cotisation forfaitaire indexée sur le revenu (4 140 euros cette année). Ce schéma revient à une augmentation de 110 euros/mois pour ces médecins. Avec un total de 27 points acquis.
•Secteur 2 : augmentation identique en valeur (+ 110 euros/mois), soit 33 % seulement en trois ans. Cotisation forfaitaire indexée sur le revenu et cotisation proportionnelle atteignant 1,5 % en 2014. Rendement identique au secteur 1, mais tenant compte de la moindre augmentation de la cotisation, soit 24 points en 2012, 21 points en 2013, et 18 points en 2014.
•Valeur du point : Baisse de 10 % en euros courants de la valeur du point, soit 15 euros en 2012, 14,50 euros en 2013 et 14 euros en 2014. A partir de 2015, l’indexation se fait sur l’inflation.
Des mesures complémentaires sont prévues : l’âge de départ à la retraite est porté progressivement de 60 à 62 ans, un plafond de revenus pour la cotisation proportionnelle est fixé à 5 fois le plafond de la sécurité sociale (PSS), soit 176 760 euros. Des tranches de dispense de cotisation pour les revenus inférieurs au PSS avec acquisition de points sont également envisagées.
II – Propositions du cabinet de Xavier Bertrand, qui explique vouloir « tenir compte des finances sociales », et donc des capacités de financement des caisses d’assurance maladie.
•Secteur 1 : cotisations relevées sur une période de cinq ans à compter de 2012, de sorte que la cotisation forfaitaire atteigne 4 850 euros en 2016. Instauration progressive d’une cotisation proportionnelle de 2,60 % du revenu. « L’assurance maladie continuera de prendre en charge les deux tiers de cette cotisation. » assure le courrier. « Cette augmentation entraînerait un accroissement d’environ 75 % des cotisations, ce qui représenterait pour l’assurance maladie, un surcoût à horizon 2016 de 180 millions environ ». Soit moins que dans le cas du doublement préconisé par les syndicats et la Carmf.
•Secteur 2 : le ministère n’approuve pas la moindre augmentation des cotisations des praticiens du secteur 2 envisagée, car cette proposition «diminuerait les recettes du régime et la situation financière du régime deviendrait alors dépendante du choix des médecins d’opter pour le secteur 2». Il n’y aura de réduction ni sur le montant de la cotisation augmentée, ni sur celui des points servis.
•Valeur du point : le ministère n’approuve pas la baisse annuelle de 10 % de la valeur du point jusqu’en 2015. Trop élevée. Il ne souhaite pas aller au-delà de 10 %, soit 14 euros pour les pensions liquidées progressivement d’ici à 2015, et 13 euros pour l’ensemble des autres points. Les pensions de réversion déjà liquidées «ne seraient pas impactées par le baisses de valeur de service, pour la part de la pension correspondant à la pension de réversion moyenne ».
•Il propose en revanche, un taux de rendement de 6 % (ce qui équivaut à 18 % pour les médecins du premier secteur). Et demande que le rendement de la cotisation proportionnelle soit fixé aux deux-tiers de celui de la cotisation forfaitaire, avec plafonnement du nombre de points « dans le but d’instaurer une solidarité entre les assurés ».
•Le ministère ne retient pas l’instauration d’exonérations, « qui ne semble pas aller dans l’intérêt des professionnels, en tant que cela conduit à une diminution de leur retraite future ».
Des clauses de revoyure sont envisagées, ainsi qu’un bilan de la réforme en 2015.
La Fara, association regroupant les retraités de la Carmf, est immédiatement montée bruyamment au créneau, brocardant à l’occasion de son récent congrès de Bordeaux, mardi dernier, les dernières propositions des Pouvoirs publics concernant l’ASV, « qui ne tiennent aucun compte des discussions menées en marge de la négociation conventionnelle entre l’État, les Caisses d’Assurance maladie, les syndicats médicaux et la CARMF». Ces propositions ont été rejetées à l’unanimité. En revanche, les réactions syndicales ont été plutôt modérées.
« Moins on paye, plus l’assurance maladie finance, mieux ce sera », résume Michel Chassang, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) qui a toujours prédit du sang et des larmes concernant la réforme du régime. La proposition du ministère, qui allège la facture de l’assurance maladie, mais diminue un peu moins la valeur du point, lui semble intéressante, bien qu’il aurait souhaité « un peu plus de pression sur les cotisations ». Mais l’essentiel, à savoir le maintien de la participation des caisses à hauteur des 2/3 pour les praticiens du premier secteur lui semble préservé.
La démarche est la même à MG France, ou le président Claude Leicher se félicite que le contrat conventionnel soit honoré. « Supprimer l’ASV aurait conduit à supprimer le secteur 1 », insiste-t-il en direction des médecins – le président de la Carmf en tête – qui plaident pour la suppression de l’ASV avec service des droits acquis. « Qui peut me dire comment nous aurions trouvé les dizaines de milliards nécessaires au paiement des retraites en cours ? Qui aurait accepté que la retraite soit amputée de 40 % de sa valeur actuelle ? ». Claude Leicher considère que cette proposition gouvernementale qui préserve les grands principes intangibles « améliore la proposition de la Carmf », en sacralisant un taux de rendement de 6 %.
Enfin, au SML, on se réserve pour la venue de Xavier Bertrand, demain au Centre national des professions de santé (Cnps), afin de lui poser les questions qui dérangent, car on supporte difficilement, selon le Dr Roger Rua, que « les conditions essentielles de l’accord de juillet soient remises en questions, au nom du budget ».
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine le Borgne