C’est le projet de loi tant attendu de cette rentrée parlementaire. Les députés ont commencé à débattre cet après-midi du texte sur « le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé », qui fait suite à l’affaire du Médiator. Et alors que la lutte contre les conflits d’intérêts est l’une des priorités de cette réforme, Act-up demande aux députés de déclarer publiquement leurs éventuels liens avec l’industrie pharmaceutique.

Depuis le mois de juin, et très récemment encore, à l’occasion de l’université d’été de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), à Cannes, Xavier Bertrand n’a cessé de le répèter : « Il y aura un avant et un après Médiator ». Le projet de loi sur le médicament prévoit ainsi la création d’une nouvelle agence de sécurité du médicament, l’ANSM, chargée de surveiller les risques.

Elle viendra remplacer l’actuelle AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). La pharmacovigilance sera également renforcée. Un médicament ne pourra plus être remboursé si son service médical rendu est jugé insuffisant. Il devra aussi être meilleur que ce qui existe déjà pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Parmi les grands axes de cette réforme, il y a aussi la création d’un portail public dédié aux médicaments, et la mise en place, à titre expérimental, de la visite médicale collective à l’hôpital. Enfin, afin de prévenir les conflits d’intérêts, les principaux acteurs du secteur du médicament auront à faire une « déclaration publique d’intérêt » pour que « la transparence soit totale ».

C’est donc aussi dans un souci de transparence que l’association de lutte contre le sida Act-Up* a souhaité interroger les députés sur leurs éventuels liens avec les labos. Elle leur a envoyé un questionnaire dont les réponses et les non-réponses seront publiées ce soir, après le premier débat dans l’hémicycle. Pour l’association, « il est permis de douter de l’indépendance des députés au vu du projet de loi sur le médicament, très insuffisant. Ces doutes sont encore plus forts après la discussion du texte à la commission des affaires sociales : la plupart des amendements présentés par des élus de l’opposition, et défendus par des associations de malades, ont été refusés ».

Plusieurs députés de l’opposition estiment en effet que le projet de loi du gouvernement ne va pas assez loin. Ainsi près de 250 amendements ont été déposés. Un peu à contre courant, Catherine Lemorton, responsable du texte pour le groupe PS, interrogé dans Le Monde daté d’aujourd’hui, critique la disposition tendant à expérimenter la visite médicale collective à l’hôpital. « Ne faisons pas des visiteurs médicaux des boucs-émissaires. (…) Je pense qu’il faut plutôt profiter de cette présence sur le terrain pour faire remonter les effets secondaires des médicaments que peuvent signaler les médecins. » Les entreprises du médicament, représentées par le Leem, réafffirment également dans un communiqué « leur volonté de défendre ce métier ». Elles demandent que cette mesure soit menée comme une « vraie expérimentation » débouchant sur « une réelle évaluation ».

Le projet de loi sur le médicament sera discuté à l’Assemblée jusqu’à vendredi. Le vote aura lieu par scrutin public le mardi 4 octobre. Ensuite le texte sera examiné au Sénat,. Son basculement à gauche, pourrait entraîner un changement de présidence. Sans recourir à une obstruction systématique, l’opposition aura désormais les coudées plus franches pour contrer les projets du gouvernement et  ralentir la mécanique parlementaire. De son côté, l’Élysée rappelle que l’Assemblée nationale, où l’UMP a la majorité absolue, aura toujours le dernier mot pour approuver une législation conforme à ses vœux. A Cannes, à la Csmf, Xavier Bertrand a rappelé le cadre général : il y a « trop de médicaments en France, nous payons trop cher certains médicaments ».

Le prix de 200 médicaments va baisser, a-t-il encore confirmé en regrettant qu’il n’y ait pas suffisamment d’experts de terrain au sein de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé. La future loi, qu’il imagine « consensuelle » devrait procurer un « nouveau cadre de mise sur le marché ». Demain, le nouveau médicament « devra apporter quelque chose  et l’on n’hésitera plus à le retirer » en cas de suspicion. Le ministre a approuvé, par ailleurs, la proposition d’amendement avancée par le syndicat, tendant à obliger le prescripteur princeps – souvent l’hôpital – à signaler toute prescription hors AMM (ce que le médecin de ville, qui renouvelle l’ordonnance, ne sait pas toujours).

*Act Up-Paris reçoit de l’argent de l’industrie pharmaceutique : cinq laboratoires ont contribué à 13,10 % de son budget en 2010, indique l’association dans un communiqué.  

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : C. A.