Le président du Leem (Les industries du médicament) conteste les attaques contre la visite médicale, le frein qui pourrait être mis à l’innovation. Ainsi que les futures taxes qui vont toucher le secteur.

Qu’est ce qui a motivé la récente campagne de sensibilisation du Leem : une tribune dans une soixantaine de titres de la presse régionale, un courrier  aux parlementaires ? 

Cette tribune a été rédigée pour prendre à témoin la population sur le détournement d’un projet de loi concernant la sécurité sanitaire tout à fait nécessaire, par des éléments d’opportunité qui n’ont rien à y faire. Nous avons participé aux Assises du médicament et le Leem soutien  70 % du projet de loi présenté le 1eraoût dernier par Xavier Bertrand au conseil des ministres. Nous sommes d’accord avec la réorganisation de l’Agence et la transparence des liens entre les différents acteurs de santé, médecins et industriels ou encore la réforme de la pharmacovigilance. J’ajoute que le Leem a mis en place un comité de déontovigilance en concordance avec le souci du législateur d’instaurer  un système de transparence nettement amélioré. Nous n’avons donc aucune difficulté à entrer  dans le « Sunshine act » à la française. Nous dénonçons, en revanche, le mauvais procès qui est fait à la visite médicale et derrière elle, aux médecins, car  au-delà du projet de réorganisation qui concerne ces entretiens, il instaure un climat qui ne contribue pas à restaurer la confiance.

Par ailleurs, le projet de loi met en place de nouvelles formalités réglementaires qui pourraient retarder l’innovation. Or,  je n’ai aucune raison de ne pas faire confiance à l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé),  pour permettre aux patients qui étaient en ATU (autorisation temporaire d’usage), de continuer à bénéficier des médicaments innovants. Néanmoins,  la question de la commission de transparence, de la clarification de ses missions,  n’est pas du tout traitée alors qu’il y a une incompréhension totale des industriels face à ses  décisions,  ce qui contribue à retarder l’accès des patients à l’innovation. Enfin, il y a  dans ce projet de texte, la volonté de taxer davantage  les industries du médicament. Le prétexte de la mise en place du DPC (développement professionnel continu) est avancé pour instaurer une taxe dont les industriels auraient le privilège. Et là, franchement, je ne vois pas comment faire le lien entre la sécurité sanitaire, la visite médicale et une nouvelle taxation. Nous supportons déjà une dizaine de taxes qui représentent près de 4 % de notre chiffre d’affaire. Nous refusons d’être instrumentalisés à travers un détournement  de la loi elle-même. 

Le gouvernement fait valoir que cette future taxation de l’industrie ne changera rien à la situation actuelle, puisque ces financements sont déjà consacrés aujourd’hui à la FMC … 

Il s’agit d’un argument d’une mauvaise foi extrême ! Cette taxe s’appliquera à tous alors qu’aujourd’hui une trentaine d’entreprises ont pris la décision stratégique de s’investir dans la formation continue, du fait d’une carence de l’Etat. Elles l’ont fait dans un cadre précisé par un accord conclu entre le Leem et le ministère de la santé. D’autres firmes ont fait un choix d’entreprise différent, tout à fait respectable. Cet argument irrecevable ne tient pas compte de la réalité de l’entreprise, et utilise un prétexte pour taxer davantage  notre secteur économique, déjà en profonde mutation et restructuration, avec une croissance de son chiffre d’affaire  extrêmement faible depuis quelques années, de l’ordre de 1%. 

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’appuie sur un plan d’économie reposant sur la branche maladie où l’industrie pharmaceutique sera largement mise à contribution. Que redoutez-vous ?

Nous redoutons surtout de nouvelles taxes, ainsi qu’une série de dispositions antiéconomiques. Les industriels sont conscients de la situation de déficit des comptes sociaux, et participent depuis plusieurs années à leur correction. La Caisse nationale d’assurance maladie elle-même, reconnait que la croissance de l’évolution des dépenses de remboursement de médicaments est maîtrisée,  le médicament n’est plus un problème. Dans le dialogue et la concertation, nous avons mis en place une politique qui marche, il ne faudrait pas que l’on ajoute des éléments nouveaux, inconnus, à une série d’accords qui ont montré leur efficacité. Le problème des industriels, c’est l’unilatéralité des décisions. Nous avons toujours été loyaux et nous attendons un partenariat mutuellement loyal.

Xavier Bertrand vient de réunir tous les acteurs concernés afin de prévenir les pénuries de médicaments. Un prochain rendez-vous est prévu en octobre. Etes-vous satisfait de ce train de mesure ?

J’approuve et je demande le principe d’une rencontre, mais il n’y a pas de pénurie ni de risque de pénurie de médicaments. Je m’inscris en faux. Il y a des problèmes de distribution et il peut y avoir des ruptures dans la distribution. Il y a aujourd’hui une médiatisation forte à ce sujet, qui pourrait ressembler à de l’instrumentalisation pour créer à nouveau de la défiance ; on emploie des mots qui sont eux même générateurs de stress et d’angoisse. En tant qu’industriels responsables et engagés, nous ne pourrions traiter à la légère les risques de rupture ou de pénurie. Et je peux également affirmer que tout est mis en place y compris avec l’Afssaps, pour qu’aucun médicament ne manque à un patient a qui en a besoin. Mais il y a trop d’acteurs dans la distribution, entre les grossistes répartiteurs, les dépositaires et les short liners, les groupements de pharmaciens et les centrales d’achat – le Leem ne souhait pas que des centrales d’achat soient mises en place dans notre pays. Il y a des acteurs qui ont des préoccupations de santé publique et d’autres qui ne font que du business. Il faudrait rappeler tout le monde à ses obligations de santé publique, ce système est trop compliqué. Deuxième point : nous soutenons depuis de nombreuses années, le principe d’un double prix : l’un pour le marché domestique, le prix sécurité sociale, l’autre pour l’exportation. Quoi qu’en dise la Cour des Comptes, les prix en France sont faibles. De ce fait, des acteurs qui ne font que du business, les short liners, viennent en France acheter des médicaments pour les revendre en Angleterre, en Hollande ou en Allemagne à un prix beaucoup plus élevé. Les ruptures sont liées au fait que des acteurs viennent faire du bénéfice avec des médicaments qui ne sont pas suffisamment chers en France. Il faut cesser de véhiculer des affirmations erronées, notamment sur le prix du médicament.

 

De son côté, le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) a rédigé plusieurs propositions d’amendement au projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé …

  • Création d’un fonds public dédié au financement d’études de suivi des patients et de recueil de données d’efficacité et de tolérance
  • Obligation d’expliquer aux patients la prescription hors AMM
  • Sécuriser et permettre le remboursement de produits hors AMM dans tous les cas où il n’y a pas d’alternatives appropriées
  • Clarifier les modalités d’élaboration des recommandations temporaires d’utilisation
  • Création d’un site public gratuit de référencement des médicaments
  • Transparence concernant les conventions passées entre l’Etat et les entreprises du médicament (en particulier avec le CEPS, comité économique des produits de santé)
  • Préserver les possibilités d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives pour toutes les situations où il n’y a pas d’alternatives

… et des propositions d’amélioration :

  • Création d’une autorité indépendante chargée du contrôle des déclarations de liens d’intérêt
  • Organisation d’une formation idnépendante des médecins sur les médicaments
  • Suspension d’activité en cas de non respect de certaiens disposition, en plus des pénalités financières déjà prévues

 

Source :
http://www.egora.fr/
Propos recueillis par Catherine Le Borgne