Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, se dit « optimiste » sur les possibilités de signer une convention médicale d’ici la fin du mois de juillet prochain. Et Frédéric Van Roekeghem, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, semble partager cet optimisme.

Mais, ce matin, invité de l’Ajis (Association des journalistes de l’information sociale), le directeur général n’a pas caché qu’il reste quelques grosses difficultés à surmonter pour parvenir à ce but. L’une des plus explosives : le sauvetage du régime ASV en faillite imminente, dont presque tous les syndicats font un préalable. « Nous sommes en discussion avec le gouvernement pour trouver une solution pérenne. Il faut faire évoluer les paramètres, modifier les droits acquits, augmenter les cotisations et baisser les prestations… », expliquait Frédéric Van Roekeghem. « Les solutions préconisées par les syndicats sont trop lourdes pour l’assurance maladie, il faudra envisager un étalement, qui n’est pas encore négocié ». Au cœur du sujet, figure évidemment la participation des caisses au financement de l’ASV pour les praticiens du premier secteur, aujourd’hui établie à 66,66 %. « Ce taux n’est pas gravé dans le marbre, nous sommes conscient de la nécessité de sauvegarder le régime, nous ferons face à nos responsabilités », a commenté le directeur sans s’engager plus avant dans le détail des douloureuses mesures à venir.

 

Accès aux soins géographique

Autre sujet pour lequel les discussions se poursuivent : l’accès aux soins. Les incitations à l’installation en groupe (groupes de médecins, regroupements pluridisciplinaires) dans les zones démographiquement sous dotées pourraient prendre la forme de deux aides, à l’investissement et au fonctionnement. Une réflexion est en cours s’agissant des formes de regroupement éligibles, notamment dans les zones rurales où l’habitat est dispersé.
Une deuxième option, peut-on lire sur le texte du projet conventionnel, reprend la logique du contrat solidarité. Elle consisterait, pour un praticien exerçant en zone de surplus démographique, à aller exercer 40 jours par an dans une zone souffrant de déficit. Les honoraires seraient bonifiés et les déplacements, pris en charge par l’assurance maladie.

 

Accès aux soins financier :

Le projet de convention innove. D’une part, le tiers-payant serait largement étendu, et d’autre part, un nouveau secteur optionnel, l’arlésienne, pourrait peut être voir le jour. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Les organismes de protection complémentaires regroupés dans l’Unocam ont en effet décidé de quitter la table des négociations, en signe de protestation contre l’article 22 du projet de loi Fourcade – qui bride les velléités des mutuelles et assurances privées de constituer des réseaux de soins conventionnés. Or, précisait ce matin Frédéric Van Roekeghem : « L’assurance maladie ne signera pas un accord portant sur le secteur optionnel sans les régimes complémentaires ». Le projet de loi Fourcade étant en instance de vote solennel après la réunion de la commission mixte paritaire hier, le suspens reste entier.

 

Télétransmission :

Le projet de loi Fourcade renvoie à la négociation conventionnelle la charge de résoudre le problème de l’ »obligation » de la télétransmission des feuilles de soins. Mais le texte précise bien qu’en cas d’échec, le parlement reprendra la main.
Le projet de convention se cale sur ces termes en évoquant la modernisation des cabinets, et l’aide à l’informatisation (0,08 centime d’euro par feuille de soins électronique) pour les patients télétransmettant plus de 75 % de leurs feuilles de soins. Les contrevenants ne sont pas cités, mais Frédéric Van Roeckeghem n’a pas caché qu’il était « temps de siffler la fin de la récréation sur la carte Vitale. La double saisie est inutile pour les médecins et pour les caisses. La pédagogie semble avoir ses limites, il faut que les médecins entendent le désir des assurés. Je suis décidé à aller au bout de la logique initiée par la loi Fourcade ».

 

Nouvelle rémunération :

La télétransmission, qui fait d’ailleurs partie des items pris en compte dans le cadre de la nouvelle modalité de rémunération à la performance (P4P, pay for performance), promue par les caisses, et inspirée à la fois du Capi et du modèle alternatif proposé par la Csmf et le SML. Les médecins étant libres de souscrire ou pas à cette option (la période d’ouverture sera de trois mois).
Les items pris en compte – tenue du dossier médical, informatisation, télétransmission, plages de consultation sans rendez-vous, prévention, objectifs de santé publique, prescription de génériques, efficience, etc – attribueront chacun au praticien un certain nombre de points (1 200 au total si tous les objectifs sont atteints), aboutissant en fin d’année, à une rémunération supplémentaire. Celle-ci pourrait, à terme, représenter entre 10 et 20 % du chiffre d’affaire global, aux côtés du paiement à l’acte et des forfaits (ALD, PDS), estime le directeur de la Cnam.

 

Consultation pour personnes désorientées :

L’Assurance maladie veut également privilégier les consultations à haute valeur ajoutée, et particulièrement la visite à domicile auprès de patients désorientés, dont l’idée avait été émise par le Président de la République, et récemment rappelée par la ministre des Solidarité, Roselyne Bachelot (Panorama du médecin du 4 juillet 2011). Il s’agirait d’une visite longue d’évaluation et de synthèse du traitement en cours réservée au médecin traitant, effectuée au domicile ou en établissement, en présence des paramédicaux et des aidants. « Nous sommes prêts à réinvestir dans cette visite approfondie. La commission de la nomenclature décidera du contenu spécifique de ce nouvel acte. Elle pourrait valoir le double d’une visite classique », a confirmé le directeur.
Autre acte clinique notamment valorisé : la consultation de pédopsychiatrie, réservée aux psychiatres

 

Quitte à repousser à septembre, la négociation d’avenants, Frédéric Van Roekeghem espère signer prochainement ce projet de texte, avec l’incontournable Csmf et son allié le SML (qui sont les seuls à eux deux, à représenter 30 % des voix dans chacun des trois collèges, soit le pourcentage minimal fixé par la loi Hôpital, patients, santé et territoires, pour valider une convention). Mais il espère également entrainer MG France vers la signature.

Fort de ce statut de signataire incontournable, la Csmf vient de faire savoir par communiqué que ce projet de texte « qui comporte des éléments structurants, n’est pas « signable » en l’état ». La centrale exige la mise en œuvre de la Ccam clinique et la concrétisation d’une 3ème tranche de la Ccam technique sans actes perdants. Avec, de plus, un engagement de revalorisation des honoraires médicaux, avec un investissement significatif pour les spécialités cliniques, et pour les généralistes, « dont les revenus sont en baisse ». A bon entendeur.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne