Comme promis lors de la réunion du 23 juin dernier, l’assurance maladie a soumis hier aux syndicats négociateurs (Csmf, SML, MG France, FMF, Le Bloc) un projet de nouvelle convention médicale. Elle leur propose un « tournant majeur » dans leur mode de rémunération, tout en fixant pour priorité des prochaines années l’amélioration de l’accès aux soins.

 

Forfaits et performances

Le schéma présenté dessine une rémunération à trois étages : le paiement à l’acte resterait le socle, mais les forfaits seraient envisagés pour la rémunération de certaines activités correspondant à l’engagement des professionnels de santé dans des domaines comme la prise en charge ou l’accompagnement de pathologies chroniques ou la prise en compte de tâches administratives. Une rémunération « à la performance » est également proposée. Elle concernerait dans un premier temps les seuls généralistes, mais aurait vocation à être étendue à diverses spécialités au fil des ans. Ainsi, le médecin recevrait une « prime » annuelle qui dépendrait de l’atteinte, d’une part, de certains objectifs de santé publique (proportion de patients hypertendus dont la tension artérielle ne dépasse pas un certain niveau, de patients diabétiques effectuant les examens réguliers recommandés, de patients de plus de 65 ans vaccinés contre la grippe, de patientes de 50 à 74 ans ayant effectué un dépistage du cancer du sein). Et, d’autre part, d’objectifs d’« efficience économique » (part de médicaments disposant de génériques dans le total des prescriptions). Ce nouveau dispositif resterait optionnel. « Il doit pousser à l’amélioration des pratiques et de la qualité des soins », a expliqué le Pr Hubert Allemand, médecin conseil national de l’assurance maladie. Ce dispositif reprend le principe introduit depuis 2009 par les Contrats d’amélioration des pratiques individuelles (Capi) ; des contrats proposés hors convention, à la signature individuelle des médecins traitant. Une partie des objectifs permettrait également de valoriser les fonctions propres aux médecins traitants, comme la tenue dossier médical de leurs patients. Le nombre de points accumulés déterminerait le montant d’une « prime à la performance » annuelle. Mais la question de son montant maximal n’a pas encore été abordée. L’assurance maladie propose aussi d’allouer une somme fixe pour l’utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription, pour la présence d’un lecteur de carte Vitale ou pour la réservation de plages horaires sans rendez-vous aux malades chroniques.

 

Priorité à l’accès aux soins

Au-delà des questions de rémunération des médecins, l’assurance maladie a réaffirmé que « l’accès aux soins doit être la première des priorités de la convention médicale ».
Pour résoudre le problème des déserts médicaux dans les zones rurales mais aussi dans certaines banlieues, « il y aura de nouvelles incitations », a annoncé Frédéric van Roekeghem. Les médecins exerçant en zones sous-dotées pourraient être davantage aidés au moment de leur installation. Des incitations financières sont aussi prévues pour que des médecins viennent ponctuellement assister leurs collègues dans les déserts médicaux.
Sur le dossier des dépassements d’honoraires, non remboursés par l’assurance maladie et qui posent un problème croissant d’accès aux soins, le texte reprend le projet qui n’a jamais abouti d’un « secteur optionnel » pour plafonner les dépassements des chirurgiens notamment. Encore faut-il que les complémentaires santé – qui doivent solvabiliser pour les patients, ces dépassements encadrés, acceptent de revenir à la table des négociations qu’elles ont quitté la semaine dernière.

Les réactions des syndicats à ces propositions des caisses ont été très diverses. Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, a tenu à saluer la présentation de ce texte « inédit » de la part de l’assurance maladie. « Nous devons nous féliciter de la transparence dont l’assurance maladie fait preuve », a-t-il soutenu. Pour le président de la Confédération – qui défend avec le SML, un système de P4P (pay for performance) assez proche de celui-ci, le chapitre sur le paiement à la performance est « audacieux, novateur et intéressant bien que certains indicateurs doivent être changés ». Mais « globalement, nous allons dans le bon sens ».
Quelques points noirs sont tout de même soulignés par le Dr Chassang : « Il n’y a aucune allusion sur nos revalorisations tarifaires et sur les investissements que l’assurance maladie attend accorder à cette nouvelle convention. » De fait, la Csmf va analyser le texte en interne et attendre de connaître le budget que l’assurance maladie compte accorder à la mise en œuvre de cette convention avant de se prononcer plus précisément. « Il est hors de question de signer s’il n’y a pas d’avancées tarifaires », prévient-il. De plus, le président regrette que le texte n’aborde pas la question de la Classification commune des actes médicaux (Ccam) clinique qui permettrait une diversification et une hiérarchie dans les consultations.

Du côté du SML, son secrétaire général, le Dr Roger Rua, reste prudent . « Il y a des avancées sur certaines propositions, mais il manque encore de nombreuses précisions », indique-t-il. D’après lui, l’option démographique demande à être « plus fouillée » car « il n’y a pas de grandes avancées par rapport à l’avenant 20 » de la convention 2005 qui porte sur l’amélioration de la répartition des médecins libéraux sur l’ensemble du territoire. Pour l’exercice en zones très sous-dotées, « les dispositions ne sont pas tout à fait claires ». Toutefois, concernant la rémunération à la performance, le SML rejoint la Csmf. « Sur les grandes lignes nous sommes en phase avec l’assurance maladie, mais des points sont à adapter» Le Dr Rua rappelle l’opposition du SML à l’introduction de toute forme de capitation. « Le texte ne le prévoit pas de manière explicite mais nous restons vigilants. »

Autre discours du côté de MG France. Le Dr Claude Leicher, n’est « pas satisfait » par le projet proposé, dont le contenu ne correspond pas à ses attentes. Le président de MG France pointe du doigt le « trop grand déséquilibre » entre la description des missions du médecin traitant et celles du médecin correspondant. « Le gouvernement avait défini comme priorité la médecine de proximité et la valorisation du médecin traitant, ce qui n’est pas le cas dans le projet proposé ». Et d’avertir : « Nous ne lâcherons pas. ». Le Dr Leicher regrette également qu’il n’y ait pas d’introduction du forfait médecin traitant. « Il est prévu des rémunérations par patient dans le cadre de la rémunération à la performance », mais pas de rémunérations forfaitaires.
Autre aspect négatif pour le syndicat : « Le texte n’envisage pas la possibilité du tiers-payant chez le médecin traitant alors qu’elle est prévue pour de nombreux autres professionnels de santé. » Or, « cette demande est unanime pour faciliter l’accès aux soins de la population », souligne le président de MG France. Selon lui, si l’assurance maladie ne prévoit pas une telle disposition pour les généralistes, c’est parce qu’elle ne sait pas comment récupérer la franchise et la participation forfaitaire. « Un vent de révolte va souffler sur la profession », prévient le médecin.
Il souligne toutefois des éléments constructifs comme les « échanges intéressants » qui ont eu lieu au cours de la réunion du 30 juin sur les inégalités sociales de santé, les aides à accorder aux médecins exerçants dans les zones difficiles ou encore la recherche d’amélioration de la qualité des soins. Mais il persiste et signe : « Il manque une colonne vertébrale qui est de rééquilibrer l’organisation autour du médecin traitant. »

La prochaine séance de négociation, prévue le 7 juillet, devrait permettre aux syndicats de réagir au texte présenté jeudi. L’objectif de l’assurance maladie est de boucler la négociation le 20 juillet.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Laure Martin