Issue des travaux de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), de ceux des deux missions parlementaires mises en place dans le décours de l’affaire du Mediator, du rapport Debré/Even sur la pharmacovigilance et de la synthèse des Assises du médicament, qui vient d’être rendue publique, la réforme souhaitée par Xavier Bertrand prendra la forme d’un texte de loi  présenté au conseil des ministres avant la trêve estivale. Ce texte sera débattu à l’automne, pour une mise en place effective que le ministre annonce « la plus rapide possible ».

Le cadrage de ce futur projet de loi s’articule sur trois principes :
. La transparence : prévention des conflits d’intérêts, transparence des décisions,
. Le doute, qui doit bénéficier systématiquement aux patients,
. Le renforcement de la formation et de l’information, tant vis à vis des professionnels de santé que des patients.

I – Transparence.
Pour prévenir les conflits d’intérêts et s’assurer de l’indépendance des experts, le gouvernement envisage la mise en place d’un formulaire unique de déclaration publique d’intérêt (DPI), à remplir par tous les acteurs publics ou privés intervenant dans le domaine de la santé, qu’il s’agisse d’experts externes ou internes, ou des associations de patients. L’ensemble des DPI pourra être consulté sur une base de données publique. « Les règles de transparence doivent être strictement appliquées », devait insister le ministre. Dans le même ordre d’idée, toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients devront être publiques et consultables. « Toutes sans exception », a insisté Xavier Bertrand. C’est, a-t-il ajouté, « la transposition du système américain du Sunshine Act, le Sunshine Act à la française qui s’adresse à l’ensemble des acteurs du monde de la santé ». Cette obligation sera soumise à sanctions en cas de non respect.
Placée sous la responsabilité de l’industriel, l’intégralité de ces informations devra être publiée sur son site internet, en annexe de ses comptes.
Par ailleurs, la collégialité des travaux sera renforcée par l’intégration de représentants d’associations de patients dans les commissions et la publicité des débats. La disposition qui est déjà en vigueur à l’Afssaps, sera étendue.
Le nombre de membres au sein des commissions sera réduit, et leur renouvellement régulier « indispensable », souligne Xavier Bertrand, évoquant un turn over au bout de quatre ou cinq années d’exercice.
Les capacités d’expertise interne de l’Afssaps seront, en revanche, renforcées. Et pour symboliser l’ampleur du changement, cette dernière va changer de nom et muer en une  Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) et des produits de santé. Elle ne sera plus financée par des subventions de laboratoires pharmaceutiques, ce qui est la situation prévalant aujourd’hui. A l’avenir, l’Ansm percevra une subvention directement versée par l’Etat, qui encaissera les taxes et les redevances de l’industrie pharmaceutique.


II – Le doute doit bénéficier au patient.
Le médicament doit représenter un réel bénéfice pour le patient. « C’est un combat que j’entends mener au niveau européen : disposer, dès l’AMM, de données comparatives avec le médicament de référence s’il existe ». Pour le ministre, le critère de la valeur ajoutée « doit être pris en compte dans la réflexion de l’octroi d’une AMM ». La commission européenne a été saisie de cette proposition d’évolution qui représente « un changement majeur », a insisté le ministre.
En France, des règles plus dures seront imposées pour la prise en charge du médicament par la collectivité : « pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable », et non par rapport à un placebo. Les choses vont également changer pour les médicaments présentant un service médical rendu insuffisant (Smri) : plus aucune prise en charge par la collectivité à l’avenir, sauf avis contraire et motivé du ministre, est-il annoncé.


Les prescriptions hors AMM devront être encadrées et maîtrisées : en s’aidant de logiciels d’aides à la prescription labellisés par la HAS, les médecins devront spécifier « hors AMM » le cas échéant sur leurs ordonnances.


Les notifications d’effets indésirables seront simplifiées afin de les favoriser, dans le respect de la confidentialité des données. Les alertes devront systématiquement donner lieu à une réponse et sur chaque boîte de médicament, un numéro vert d’appel et le site internet de l’Ansm seront indiqués afin de « multiplier les remontées d’effets indésirables » de la part des patients.


Par ailleurs, la liste des médicaments sous surveillance sera régulièrement mise à jour par l’Agence et publiée sur son site internet ; chaque boîte de ces médicaments surveillés devra comporter un pictogramme d’identification.


Enfin, la réévaluation méthodique du rapport bénéfice/risque des médicaments plus anciens qui est déjà en cours sera poursuivie afin de revoir « l’ensemble de la pharmacopée  – 19 000 AMM, 12 000 médicaments commercialisés, 1 000 nouveaux génériques par an –  car on consomme trop de médicaments en France. Il faut engager ce travail de fond », a insisté Xavier Bertrand. Le développement de la pharmaco-épidémiologie sera parallèlement encouragé.
Les règles de surveillance et de transparence seront transposées au secteur des dispositifs médicaux.

III – Meilleure information du public et des praticiens
Un portail internet public du médicament sera créé, regroupant les informations provenant des agences et de l’assurance maladie.
En matière de formation initiale, la connaissance du médicament sera renforcée et les enseignants devront se soumettre à la déclaration de leurs éventuels liens d’intérêt. En outre, tout financement direct des étudiants par les laboratoires dans le cadre de leurs études sera interdit. Des financements collectifs restant possible, par le canal des universités qui sont maintenant autonomes.


FMC : l’industrie pharmaceutique sera mise à contribution sous la forme d’une taxe, qui financera partiellement la formation continue des libéraux et des hospitaliers. Une augmentation de la taxe obligatoire acquittée par les libéraux et versée au FAF pour leur formation continue est également envisagée.
Les décrets régissant le nouveau DPC devant, par ailleurs, « sortir très prochainement ».

Visite médicale : le ministre n’a pas souhaité aller aussi loin que l’Igas, qui revendiquait sa disparition. Il demande, à titre expérimental, que le principe d’une visite en groupe soit organisé à l’hôpital, puis étendu à la ville. « Pourquoi l’hôpital ? Parce que c’est bien souvent l’hôpital qui donne la tendance de la prescription. Et c’est à l’hôpital que s’initient beaucoup de traitements qui sont ensuite poursuivis en ville », expliquait Xavier Bertrand. Un groupe de travail va plancher sur une réforme en profondeur de la VM « parce que telle qu’elle existe aujourd’hui, cela ne peut pas fonctionner ». Cette concertation aura pour livre de chevet, les travaux parlementaires menés par Catherine Lemorton, loués par le ministre. D’ores et déjà, ce dernier ne cache pas son intention d’interdire  le « ciblage des prescripteurs » par les visiteurs médicaux, sur une zone infra départementale.

Enfin, en matière de pilotage de cette nouvelle politique, Xavier Bertrand a imaginé la mise en place d’un Comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire qui se réunirait chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre et en comité stratégique tous les trimestres sous la présidence du ministre lui-même. Il y sera notamment fait un point sur les médicaments mis sous surveillance.

Pour finir, une évaluation complète du nouveau dispositif devra être diligentée d’ici « deux ou trois ans », tant par l’Igas, que par le Parlement ou les rapporteurs des ateliers des Assises du médicament.