Syndicats médicaux et assurance maladie se retrouveront demain, pour une séance plénière de négociation conventionnelle.
Egora continue son tour d’horizon des syndicats en lice. Aujourd’hui, le Bloc et la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf).

Philippe Cuq, chirurgien co-président du Bloc : « Le secteur optionnel des caisses ne répond pas à nos besoins »

–    Qu’attendez-vous de ces négociations conventionnelles ?

–    Philippe Cuq : Cela fait maintenant trois mois que les discussions  ont commencé. Nous n’avons encore rien vu de réel sur la table. Ces discussions se sont déroulées, pendant les trois premiers mois, de manière séparée ; la Csmf et le SML ne souhaitant pas la présence des internes et des chefs de cliniques à la table des discussions. Mais au cours de la réunion plénière de la semaine dernière, tout le monde était présent. Nous ne comprenons donc pas très bien la position de ces deux syndicats. Pour nous,  la problématique des secteurs d’exercice est fondamentale. En particulier, le secteur optionnel qui s’adresse aux chirurgiens, aux anesthésistes et aux obstétriciens et que l’assurance maladie souhaite instaurer sur les bases du texte de 2009, refusé par l’ensemble de la profession. Le texte qui est proposé n’est pas compatible avec nos demandes, tant en ce qui concerne son périmètre, les conditions d’entrée, les tarifs proposés ou encore la non-participation claire de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam). Un grand nombre d’incertitudes pèsent sur ce secteur optionnel. Nous sommes favorables à un secteur  optionnel qui réponde correctement à la situation actuelle d’un secteur 1 avec des tarifs bloqués et des charges professionnelles qui augmentent. Notre coût de la pratique est élevé et nos professions ont des spécificités qui doivent être prises en compte.
–    Autre point important : jeudi dernier, pour la première fois depuis le début des discussions conventionnelles qui ont débuté en avril, l’Unocam s’est assise à la table des discussions. Or, en cours de séance, ces représentants sont partis. Je trouve cela incroyable de la part d’un partenaire qui a toujours revendiqué de ne pas vouloir être un payeur aveugle. Maintenant il y a un chantage de la part de la Mutualité* Or, ce partenaire que nous voulons loyal et éclairé, nous le considérons comme peu fiable aujourd’hui. Mais nous ne pourrons pas faire de secteur optionnel sans l’Unocam. Nous voudrions que les complémentaires s’investissent dans le remboursement pour la qualité des soins, dans des prestations médicales pour le patient. Nous devons résoudre à la fois les problèmes des patients et ceux des professionnels. Il s’agit d’un équilibre subtil à trouver dans une situation économique fragile. Pour trouver cet équilibre, les trois partenaires doivent faire un pas en avant et chacun doit s’engager. Or actuellement, rien ne se passe. Je ne sais pas comment cela va se terminer. Jeudi dernier nous étions en pleine discussion mais les négociations se sont arrêtées. On nous a soutenu qu’un premier texte conventionnel nous serait présenté le 30 juin. Mais beaucoup de points restent en discussion. Je suis perplexe pour un texte finalisé le 20 juillet.

–    Quelles sont vos autres revendications ?

–    Nous avons un problème qui dépasse le cadre conventionnel qui est celui de l’assurance en Responsabilité civile professionnelle (RCP). Nos trous de garanties ne sont pas encore résolus. La loi Fourcade doit présenter un certain nombre d’amendements qui permettraient de résoudre ces trous de garanties. Mais nous ne sommes pas certains qu’ils soient adoptés. Dans le cadre des discussions conventionnelles, nous devrions aborder l’aide à l’assurance que propose l’assurance maladie. Pour les RCP, nos primes d’assurance sont prises en charge à 55 % pour le secteur 2 et à 2/3 pour le secteur 1, par l’assurance maladie. Mais les montants sont plafonnés. Or, les assureurs continuent à augmenter les primes d’assurance alors que nos entrées n’évoluent pas. C’est un vrai problème d’économie libérale. Sur cette question, nous sommes à cheval entre un problème de loi sur l’assurance RCP des professionnels de santé à risque, et l’aide à l’assurance que peut amener, dans le cadre conventionnel, l’assurance maladie.

*L’Unocam a quitté la table des négociations lorsqu’en commission des Affaires sociales, les sénateurs ont rejeté l’amendement au projet de loi Fourcade (examiné en deuxième lecture le 30 juin), autorisant les mutuelles à constituer des réseaux avec des professionnels de santé agréés. Les mutualistes consultant ces professionnels agréés auraient pu bénéficier de remboursements bonifiés.

Michel Chassang, président de la CSMF
« Nous pouvons signer une convention sans le secteur optionnel »

–    Qu’attendez-vous de ces négociations conventionnelles ?

–    Michel Chassang : Au-delà des effets de claquement de portes et du théâtre autour de ces négociations, nous voulons surtout signer une convention qui soit novatrice, qui protège le système conventionnel et qui soit positive sur les masses financières en jeu ainsi que sur les réformes structurelles dont les médecins de ville ont besoin.

–    Est-ce que le comportement de l’Unocam, qui a quitté la table des négociations la semaine dernière, remet en cause les discussions sur le secteur optionnel ?

–    Je regrette que les négociations conventionnelles soient un instrument de chantage pour des revendications qui ont une relation indirecte avec nos affaires.  Le secteur optionnel est indispensable pour l’avenir de notre système de santé et pour trouver une solution durable aux dépassements d’honoraires, aux questions de solvabilité et au rapprochement entre le secteur 1 et le secteur 2. Le secteur optionnel est une opportunité approuvée par l’ensemble des acteurs même s’ils n’approuvent pas ses modalités. Si l’Unocam poursuit dans son attitude, elle va perdre une belle occasion de signer son premier acte qui engagerait les complémentaires et prouverait son utilité. Toutefois, même si sa mise en place est indispensable, nous pouvons très bien signer une convention sans le secteur optionnel. Il ne s’agit pas d’une cause d’arrêt des négociations.

–    Pourquoi la Csmf n’est-elle pas favorable au forfait médecin traitant ?

–    Nous sommes partisans d’ une diversification des modes de rémunération pour peu que le paiement à l’acte reste la base et qu’il soit réformé, c’est-à-dire que nous mettions en place la Classification commune des actes médicaux (Ccam) clinique qui permette une diversification et une hiérarchie dans les consultations. Nous sommes favorables à des rémunérations forfaitaires afin que des fonctions soient rémunérées comme par exemple la permanence des soins et la fonction de médecin traitant. Mais à ce jour, généraliser le forfait médecin traitant reviendrait à priver de tout financement toute autre mesure, c’est-à-dire toute revalorisation financière des actes en particulier la mise en place de la Ccam clinique, car cette généralisation coûterait 1,9 milliards d’euros. De plus, elle entrainerait une capitation à l’anglaise. Nous souhaitons laisser la rémunération du médecin traitant à son montant actuel et l’étendre éventuellement à des catégories si le besoin s’en fait ressentir, pour peu que cela n’ampute pas le budget pour d’autres revalorisations. Le peu de masse financière dont nous disposons doit être utilisé à bon escient et non pas pour mettre en place des mesures idéologiques. C’est pourquoi notre priorité est la mise en place de la Ccam clinique en commençant par des consultations à haute valeur ajoutée pour chacune des disciplines dont la médecine générale, en mettant en place un paiement à la performance beaucoup plus élevé que ce que propose l’assurance maladie actuellement. La Csmf préfère parler du paiement à la performance qui est davantage porteur d’avenir, beaucoup plus novateur et qui permet de mieux rémunérer les médecins. Nous sommes également sur la piste d’un doublement de la rémunération actuelle du Contrat d’amélioration des pratiques individuelles (Capi).

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Laure Martin