La commission des affaires sociales du Sénat travaille actuellement sur le projet de loi « Fourcade », déjà adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Très attendu par les professions de santé et particulièrement les médecins, ce texte adoucit ou précise certaines dispositions de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (Hpst), tout en réparant quelques oublis. Il sera examiné par les Sages, à partir du 30 juin prochain.

Mais la patte des sénateurs sur la copie des députés ne fait pas que des heureux. En supprimant la possibilité offerte aux mutuelles de proposer un meilleur remboursement à leurs cotisants s’ils s’adressent à des professionnels de santé qu’ils ont agréés, les sénateurs se sont mis la Mutualité française à dos. Ils ont sans doute été plus sensibles aux arguments de certains libéraux de santé, notamment des kinésithérapeutes, redoutant la constitution de « réseaux » excluant du marché les professionnels qui n’en faisaient pas partie.

« Il s’agit d’une atteinte très grave à la légitimité des mutuelles à contractualiser librement avec des professionnels de santé dans l’intérêt de ceux-ci, comme dans l’intérêt des patients mutualistes » écrit la Mutualité dans un violent communiqué. « C’est d’autant plus incompréhensible que l’utilité d’une contractualisation entre mutuelles et professionnels de santé avait été reconnue aussi bien par la Cour des comptes, le Gouvernement que par l’Assemblée nationale et que la Mutualité française est aujourd’hui sollicitée pour la négociation de la convention nationale des médecins libéraux », s’insurge le mouvement.

Prenant acte de cette suppression, la Mutualité a entraîné l’Unocam (Union nationale des organismes de protection complémentaire santé) à quitter la table des négociations conventionnelles, où le sujet du secteur optionnel était en discussion…

Plutôt partisan de l’anticipation, le président de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) vient d’écrire un courrier à Gérard Larcher, le président du Sénat, pour lui donner son point de vue sur le projet de loi Fourcade. Opposé comme son conseil, à la suppression de la pénalité (« contribution forfaitaire annuelle ») qui doit s’imposer aux praticiens refusant de signer un contrat-solidarité (obligation pour les praticiens des zones sur-denses d’aller faire des vacations dans les zones sous-denses), le président de la Cnam critique l’avant projet de loi Fourcade qui préconise que le contrat santé solidarité « soit conforme à un contrat-type défini par l’Uncam et par une ou plusieurs organisations les plus représentatives des médecin. » « Il me semble que la puissance publique, garante de l’intérêt général, ne peut conditionner la mise en œuvre du principe constitutionnel d’égal accès aux soins, à la signature hypothétique d’accords contractuels que l’assurance maladie serait amenée à négocier avec des partenaires que l’on sait réservés, voir pour certains hostiles à toute mesure en ce sens », écrit le président. Sa proposition : « à défaut du rétablissement de la contribution financière », que chaque convention comporte obligatoirement le modèle type de contrat solidarité prévu à la proposition de loi, en intégrant obligatoirement les deux volets incitation/désincitation ».

Le président de la Cnam s’élève également contre la rédaction d’un article de la proposition de loi Fourcade, qui précise (article 3 bis AA), que les Sros ambulatoires ne sont pas opposables. « La commission européenne elle même est en passe de reconnaître pour ce qui est de l’installation des pharmacies, que des impératifs de santé peuvent l’emporter sur certaines libertés économiques », écrit-il. Dans le même ordre d’idée, Michel Régereau regrette la suppression de la déclaration d’absences. Et pour finir, applaudit à une disposition du projet fixant le principe d’une sanction conventionnelle en cas de non respect de transmission électronique des feuilles de soins – avec quelques exonérations. « L’enjeu est considérable, explique le président de la Cnam (…) Si tel n’était pas le cas, une renégociation de l’économie générale de la convention d’objectif et de gestion portant sur environ 3 000 emplois s’imposerait ». A bon entendeur.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne