Après une baisse significative entre 1999 et 2004, la consommation d’antibiotiques connaît « une légère tendance à la hausse » depuis 2005, souligne un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) rendu public mardi. Cette tendance est jugée « préoccupante » par l’agence, qui met aussi en exergue le faible nombre de nouvelles molécules et un recours accru à certaines classes d’antibiotiques qu’il conviendrait pourtant de préserver.

En baisse globale de 16% depuis dix ans, la consommation d’antibiotiques a représenté en 2009 quelque 157 millions de boîtes vendues en France, soit un chiffre d’affaires de 852millions d’euros. La médecine de ville concentre 87% du nombre de boîtes vendues et 80% du chiffre d’affaires total. « Et si la réduction des ventes d’antibiotiques en ville, entre 1999 et 2009, est la plus importante observée en Europe, la France reste nettement au-dessus de la moyenne européenne et se classe parmi les pays présentant la plus forte consommation », rappelle l’agence. Notre taux de consommation par jour et pour 1 000 habitants nous situe en deuxième position derrière la Grèce, et est 2,5 fois plus élevé que celui des Pays-Bas, pays le plus économe.

En ville comme à l’hôpital, la consommation d’antibiotiques a diminué dans de nombreuses classes. Mais elle a augmenté à l’hôpital pour les associations de pénicilline, les carbapenems (dont la consommation a presque doublé entre 1999 et 2009) et les céphalosporines de 3ème génération,et en ville pour les tétracyclines, des associations de pénicillines (pour l’essentiel, l’amoxicilline associée à un inhibiteur d’enzyme), des céphalosporines de 3ème génération et des quinolones. « Or, ces deux dernières classes sont particulièrement concernées par l’émergence de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques », fait remarquer l’Afssaps. Près de 72% des prescriptions d’antibiotiques en ville ont été réalisées en 2009 par un médecin généraliste.

Par ailleurs, la consommation est loin d’être homogène en France : elle progresse bien sûr avec l’âge, est plus importante chez les femmes que chez les hommes dans la population active, et plus élevée dans les régions du nord de la France que dans les Pays de la Loire ou la région Rhône-Alpes. « De nombreux éléments (état de santé, offre de soins, démographie…) doivent être pris en compte pour interpréter correctement ces différences régionales », estime l’agence.

 

Résistances

L’Afssaps s’inquiète particulièrement de la « diminution du nombre de substances actives antibiotiques disponibles », en raison du faible nombre de nouvelles molécules. Au cours de la période 1999-2009, le nombre de substances antibiotiques (à usage systémique, seules ou en association) disponibles en France a en effet diminué de 15%, « passant de 101 à 86 ». Ce solde négatif résulte de l’arrêt de commercialisation de vingt-cinq substances, alors que seules dix nouvelles substances (ou associations de substances) ont été commercialisées.

« Cette évolution confirme que l’innovation thérapeutique est désormais trop modeste pour assurer le renouvellement du marché et a eu pour corollaire un développement important du marché des génériques », note l’Afssaps.

Cet appauvrissement progressif de l’offre « restreint l’éventail des solutions de recours (antibiotiques dits de réserve) », souligne l’agence : en pratique, « les médecins sont déjà confrontés à des infections susceptibles de menacer le pronostic vital des patients par manque d’antibiotiques efficaces ».

En conséquence, l’Afssaps souligne « la nécessité de sensibiliser les prescripteurs à distinguer les antibiotiques de première ligne des molécules dont l’utilisation doit impérativement être limitée ». Un nouveau plan national serait en cours de finalisation, pour relancer le mouvement.

En mars dernier, la Cnam avait déjà relancé une campagne pour inciter les généralistes, pédiatres et ORL à commander (gratuitement) des tests de diagnostic rapide distinguant l’angine virale de l’angine bactérienne. « En 2008, 2009 et 2010, entre 1,5 et 1,9 million de tests de diagnostic rapide ont été commandés à l’Assurance maladie par les médecins. Les chiffres stagnent. Alors qu’il y a 9 millions de consultations par an pour angine. Actuellement, un quart des généralistes et 34% des pédiatres les utilisent, les ORL eux en demandent peu », expliquait alors le Dr Catherine Bismuth, directrice des assurés à la Cnam, au Figaro.fr.

Dix ans d’évolution des consommations d’antibiotiques en France, Afssaps, juin 2011.
Lire le rapport sur le site de l’Afssaps :
http://www.afssaps.fr/, rubrique Actualité

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne