Prescrire un changement de mode de vie, d’alimentation, une activité physique ou des séances avec un psychologue plutôt que des médicaments, quand cela est possible : c’est le défi lancé aux médecins par la Haute Autorité de santé (HAS) dans un rapport dévoilé mardi, qui ambitionne de « changer le regard sur les thérapeutiques non médicamenteuses » (1). Les maladies chroniques, pour lesquelles ces thérapeutiques sont souvent recommandées comme traitement de fond, sont concernées en premier lieu.
« Sortir d’une prise en charge essentiellement centrée sur le médicament et de l’influence symbolique qu’il exerce constitue un enjeu de santé publique », affirme ainsi l’institution, qui a mené sa réflexion à la demande du ministère de la Santé. Cette évolution se heurte actuellement à de nombreux freins identifiés par la HAS, qui propose pour chacun d’eux des pistes d’action.
Un effort supplémentaire
En premier lieu, il faut donc remettre en cause le « rôle symbolique de la prescription médicamenteuse », laquelle est vécue comme « une reconnaissance du bien-fondé de la plainte du patient » et est souvent privilégiée car elle demande « moins d’investissement personnel et financier » pour le patient que les autres thérapeutiques.
La « mauvaise information » et le « manque d’incitation » des professionnels de santé sont aussi en cause, selon le rapport. La prescription de thérapeutiques non médicamenteuses suppose que le médecin fournisse « un effort supplémentaire » pour convaincre son patient de leur intérêt, or ilmanque pour cela de temps en consultation, d’autant que c’est « difficilement compatible avec le paiement à l’acte ». La HAS suggère donc une évolution des modalités de rémunération permettant aux médecins de consacrer le temps nécessaire aux étapes clés de la consultation : « écoute active, diagnostic, explicitation de la décision de prescription ».
Autre frein, le médecin connait mal l’efficacité de ces thérapeutiques, ainsi que les compétences et la disponibilité des paramédicaux spécialisés dans leur suivi (psychologue, ergothérapeute…), et ne sait donc pas toujours à qui adresser son patient. La HAS préconise donc une amélioration de l’information médicale sur ces sujets, l’organisation de rencontres interprofessionnelles entre médecins et paramédicaux, et la promotion d’outils de coordination (annuaires pluridisciplinaires). « Il est nécessaire d’inscrire sur l’ordonnance les prescriptions en matière de thérapeutiques non médicamenteuses au même titre que les autres interventions de santé », précise-t-elle.
Le niveau de preuve d’efficacité de ces thérapeutiques, souvent faible en raison notamment de « difficultés méthodologiques », n’encourage pas non plus leur prescription, relève le rapport. Pour améliorer l’adhésion des médecins et des patients, il faut donc développer les études comparatives sur l’efficience des stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses dans le cadre d’essais cliniques et en population réelle, souligne la HAS.
Enfin, le suivi de thérapeutiques non médicamenteuses représentant certains coûts pour les patients – financier, psychologique et en termes de temps -, « il convient de garantir l’accessibilité financière des patients à l’égard de ces thérapeutiques » via l’évolution du périmètre des biens et services de santé remboursables, estime l’institution.
Consultations à haute valeur ajoutée
Ce rapport arrive à point nommé pour les syndicats de médecins, plongés dans les négociations conventionnelles avec l’assurance maladie.
« La mise en œuvre des thérapeutiques non médicamenteuses nécessite une modification substantielle du contenu et de la durée des consultations. Une telle évolution doit être accompagnée par une juste rémunération du temps médical », commente mercredi la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), rappelant sa demande de création de consultations à haute valeur ajoutée.
Une demande partagée par le Syndicat des médecins libéraux (SML), pour qui la mise en avant de ces thérapeutiques est l’occasion de promouvoir la cause des médecins « les mieux placés dans ce domaine » : les médecins à expertise particulière (MEP).
(1) Lire le rapport.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Holué