5 euros par patient non atteint d’affection longue durée, 23 euros pour le suivi du patient en ALD : la généralisation du forfait médecin traitant est la proposition phare qui vient d’être faite par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) aux partenaires syndicaux, entrés (enfin) dans le vif du sujet lors d’une réunion tenue confidentielle, entre présidents de syndicats. Avec cette proposition qui a suscité bien des commentaires négatifs, l’objectif est de « rendre moins dépendant de la patientèle le forfait médecin traitant et de mieux tenir compte de ses missions sur l’ensemble des patients », explique la Cnam. La caisse nationale serait prête à dépenser à cet effet 14 millions d’euros et prétend que 60,5 % des généralistes sortiraient gagnants de cette nouvelle équation qui remplacerait l’actuel forfait ALD d’un montant de 40 euros et s’appliquerait à l’ensemble des omnipraticiens. Pour plus de 23 000 médecins, en revanche, la perte moyenne annuelle serait de 809 euros.
Six documents de travail fournis par l’assurance maladie ont été remis aux participants de cette réunion « secrète ». Au programme donc : la rémunération du médecin traitant, mais aussi la rémunération sur des objectifs de santé publique, le contrat « new deal » afin de mettre en œuvre un nouveau partenariat de « confiance » entre les médecins et l’assurance maladie, l’amélioration de l’implication des médecins généralistes dans la maladie d’Alzheimer, les revalorisations des spécialités cliniques et l’amélioration de l’efficience de la prescription.
C’est bien-sûr le chapitre rémunérations qui concentre l’essentiel des débats, alors que « la rénovation et la diversification des modes de rémunération des médecins libéraux sont des objectifs essentiels de la nouvelle convention ». Après avoir mis sur la table la proposition, longuement revendiquée par MG-France, d’une généralisation du forfait médecin traitant à tous les patients, le directeur de l’assurance maladie, Frédéric Van Roekeghem a détaillé les principes d’une rémunération sur des objectifs de santé publique. Le Capi version 2011 comporterait de nouveaux indicateurs. Pour la grippe, par exemple, l’objectif serait dorénavant de cibler pour la campagne de vaccination 75 % des patients âgés de 65 ans ou plus, mais aussi – et c’est nouveau – 75 % des patients de moins de 65 ans en ALD. Pour diminuer les risques de iatrogénie, l’objectif serait désormais de limiter à 5 % au plus les patients âgés de plus de 65 ans traités par vasodilatateurs. De nouveaux indicateurs verraient le jour : le dépistage du cancer de l’utérus et l’usage pertinent de l’antibiothérapie. Certains des objectifs, comme la consultation d’ophtalmologie ou la prévention cardiovasculaire des patients à haut risque, sont par ailleurs modifiés pour le suivi des patients diabétiques. Quant à l’ « optimisation des prescriptions », elle vise toujours à augmenter la prescription en génériques pour les antibiotiques (objectif : 90 % dans le répertoire des génériques), les inhibiteurs de la pompe à protons (80 % en génériques), les statines (70 % en génériques), les antihypertenseurs (65 % en génériques) et les antidépresseurs (80 % en génériques). Autant d’indicateurs qui pourront être révisés dans le cadre d’avenants à la convention pour tenir compte des « données acquises par la science ».
Dans le cadre d’une meilleure implication des généralistes dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, les médecins pourraient aussi se voir proposer la valorisation d’une consultation annuelle, au domicile du patient, en présence des aidants. Le tarif restant à négocier.
Le Conseil de l’Uncam n’a pas oublié les spécialités cliniques, dont « les revenus se situent en bas de l’échelle des spécialités ». Mais là encore revalorisations riment avec respect d’objectifs de santé publique. Pour la dermatologie, la Cnam envisage la création d’une consultation dans le cadre du dépistage du cancer cutané, la facturation (en sus de la consultation) des biopsies cutanées et la revalorisation du forfait sécurité dermatologie.
Pour les pédiatres, il est proposé d’harmoniser le tarif des trois consultations obligatoires du 8ème jour, du 9ème mois et du 24ème mois, en les alignant sur celle du 8ème jour. La Cnam suggère aussi de suivre les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) avec la prise en charge spécifique par la pédiatre d’une consultation de dépistage (troubles psychologiques, obésité, troubles de l’audition et de la vision, anomalie pubertaire…etc). Elle appelle par ailleurs de ses vœux la mise en place d’une nouvelle consultation obligatoire en cabinet entre la sortie de la maternité et le 28ème jour.
Les gynécologues, quant à eux, pourraient se voir coter le frottis cervico-vaginal (en vue du dépistage du cancer du col de l’utérus) réalisé au décours de la consultation. Cela « constituerait une possibilité d’assurer le suivi de cet indicateur de santé publique », justifie la Cnam.
Pour les psychiatres libéraux, Frédéric Van Roekeghem appellent à favoriser le recours par le médecin traitant à l’avis de consultant, en particulier pour le suivi des patients qui font l’objet de prescriptions de psychotropes.
Enfin, pour les endocrinologues, les conditions de la majoration MCE pourraient être élargies.
La simplification des relations caisses-médecins est l’autre grand volet de la future négociation. La Cnam propose ainsi la mise en place à l’été 2011 d’un numéro dédié au sein du service médical de l’assurance maladie pour répondre directement aux questions des médecins, l’accès privilégié à un conseiller informatique service et le déploiement d’un protocole de soins électroniques (PSE) à la rentrée 2011 avec un accord sous 48 h maximum via le service espace pro, pour les affections exonérantes listées et les ALD. Autre suggestion : l’optimisation des visites des DAM (délégués d’assurance maladie) et des entretiens confraternels, au moyen de calendriers de visites, avec une possibilité pour le médecin de choisir les thèmes. Le contrat « new deal » proposé par la caisse met aussi l’accent sur la prévention, le dépistage et le suivi des maladies chroniques.
En contrepartie des efforts promis par l’assurance maladie, les médecins sont appelés à « faciliter l’accès aux soins pour les patients en offrant une garantie de services ». Et pour cela, à donner « plus d’information sur l’organisation des cabinets » telle que les horaires, les consultations, les modalités de prise de rendez-vous, notamment via l’outil Ameli Direct et à permettre à leurs patients d’accéder à un conseil téléphonique dans des plages horaires dédiées. Nul doute que les autres préconisations de la Cnam, qui ne font pas état des éventuelles contreparties financières, feront des vagues : « s’appuyer sur un secrétariat pour l’organisation des rendez-vous, réserver l’équivalent de 4 demi-journées pour des consultations sans rendez-vous, renseigner les dossiers médicaux par l’ensemble des données nécessaires au suivi du patient et aux échanges avec les autres professionnels de santé ». Enfin, l’assurance maladie propose aux praticiens de généraliser le tiers payant social.
Quelques jours plus tard, la Csmf et son allié le SML, forts de leur majorité (60 %) recueillie dans les urnes, dévoilaient à la presse, leur projet conjoint de convention. Au menu : évolution et modernisation de la rémunération qui se baserait pour 20 % environ du total, sur une « option qualité », et la réalisation d’objectifs négociés nationalement. La véritable négociation conventionnelle est lancée.