« Cette négociation se fera dans le cadre de la convention médicale, et elle conditionnera notre signature », explique Michel Combier, le président de l’Unof (médecins de famille de la Csmf). « La Cnam a beau jeu de fustiger les dépassements d’honoraires des médecins du secteur 2. Si elle est logique avec elle-même, elle se doit d’encourager les médecins conventionnés stricts. Nous serons intraitables », explique-t-il. Le sujet de l’énervement du patron de l’Unof ? Le sauvetage de l’ASV (avantage social vieillesse), enfin à l’ordre du jour, alors que la faillite du régime est toute proche, prédite pour 2013. Et plus particulièrement, l’effort qui pourrait être consenti par les caisses pour le remettre à flot, sachant que le contrat conventionnel de 1971 qui instaure l’ASV, pose en principe un financement aux 2/3 de cette charge pour les médecins du premier secteur. Financement considéré comme des honoraires différés.  
Après des années de déni tant de la part de l’Etat que de l’assurance maladie, l’imminence de la faillite de l’ASV revient subitement un sujet prioritaire. Une raison pour cela : tous les syndicats médicaux représentatifs  – hormis la FMF – ont fait du sauvetage du troisième étage de la retraite du médecin libéral, un préalable à toute signature conventionnelle. Le gouvernement l’a bien compris, qui organise une série de rencontres quadripartites (syndicats médicaux, assurance maladie, Carmf et Etat) sur le sujet. La deuxième réunion de ce type vient de se tenir au ministère de la Santé et deux choses sont désormais certaines : l’ASV vivra au-delà de 2012 – l’idée de la fermeture avec service des droits acquis, soit 23 milliards d’euros est jugée par tout le monde « infaisable » – mais son sauvetage sera douloureux. Aujourd’hui, le régime supplémentaire représente 40 % de la retraite du médecin.
Trois pistes de réforme sont sur la table, qui peuvent être mises en marche simultanément : jouer sur le prix des cotisations, sur celui du niveau des pensions et enfin, sur l’âge de départ à la retraite, qui pourrait passer de 65 à 67 ans pour toucher l’ASV à taux plein. S’ajoute un dernier item : la longueur de la période envisagée pour le retour à l’équilibre. Le choix peut se porter sur une période courte – mais brutale pour les médecins – ou plus longue, ce qui représente un effort financier plus acceptable sur le court terme, mais aussi plus coûteux sur le long terme. Les avis ne sont pas tranchés à ce sujet, la Csmf penchant plutôt pour un effort important et court, qui permettrait d’envisager, explique Michel Chassang, son président, une hausse du prix du point « d’ici cinq ou six ans ».
A priori, un mix des deux premières pistes semble inéluctable. La cotisation des actifs pourrait doubler et passer de 1 360 à 2 720 euros par an, pour un médecin du premier secteur,  ce qui représente un alourdissement de 113 euros par mois, déductible fiscalement. La facture serait bien plus salée pour les médecins du secteur 2, pour qui la note se règle à 100 %, sans prise en charge par les caisses. Il pourrait être envisagé pour eux, une part de proportionnalité, en fonction des revenus.
Parallèlement, les allocations des retraités baisseraient. Soit par le biais d’un gel de la valeur des points pendant au moins six ans, soit par le biais d’une amputation de valeur, selon un taux échelonné entre 15 et 33 % calculé en fonction de la durée choisie pour le retour à l’équilibre. « Le gel de la valeur du point semble tenir la corde, explique Michel Chassang. Cette solution est moins douloureuse que la réduction du montant de la pension, ce qui serait extrêmement pénalisant, surtout pour les titulaires d’une pension de réversion ». Toujours en débat, ce point va faire l’objet d’études sur les différentes solutions techniques envisageables.  
Enfin, la troisième solution, le recul de l’âge de départ à la retraite fait grincer toutes les dents libérales. « Il faut déjà que la Carmf nous dise ce qu’elle compte faire pour le régime complémentaire. En discuter avant n’a pas de sens », ajoute le président de la Csmf qui pencherait pour une solution « à la carte ».
Un problème reste en suspens : le niveau d’intervention de l’assurance maladie, qui devra mettre la main à la poche pour sauver le régime qu’elle finance aujourd’hui aux trois quart. Or, la « douloureuse » se monterait à 250 millions d’euros supplémentaires par an dans l’hypothèse d’un doublement du montant de la cotisation… On comprend qu’elle demande à réfléchir.
Selon les premières projections des actuaires de la Carmf, où l’on a rentré ces différents paramètres dans les ordinateurs, le système redeviendrait largement excédentaire en 2035. Comment, d’ici-là, répartir les efforts entre les actifs et les retraités ? Avis partagé : se garder d’effrayer les jeunes qui se détournent déjà du libéralisme, avec des hypothèses de taux de rendement de 5 % (contre 45 % au début de l’ASV). Dans cette hypothèse, le régime s’effondrerait carrément faute de cotisants. Il faudra donc trouver un juste milieu.
Autre inconnue : l’attitude du gouvernement qui, jusqu’ici, a toujours renâclé pour mettre en place une réforme douloureuse si peu de temps avant une consultation électorale majeure. La loi de financement de la sécurité sociale 2006, ouvrait la voie à la réforme, mais celle-ci est restée lettre morte pour les médecins, alors que toutes les autres professions concernées par l’ASV allaient à Canossa. La réforme de l’ASV n’est plus un enjeu syndical, semble-t-il. Mais le fardeau sera lourd : « Ce sera douloureux, avec du sang et des larmes », confirme Michel Chassang.