Xavier Bertrand avait déclaré qu’il irait très vite pour mettre en place le processus d’indemnisation des victimes du Mediator, car « les victimes ne peuvent plus attendre ». Il n’a pas failli à sa parole : le conseil des ministres de ce mercredi matin vient d’adopter un addendum au projet de loi de finances rectificatives, prochainement examinée par le Parlement, instituant « un dispositif d’indemnisation des dommages subis par les personnes ayant été exposées au benfluorex ». Si les choses vont comme le souhaite le ministre, les premières indemnisations pourront intervenir courant 2012.
Après avoir entendu les toutes dernières propositions des laboratoires et les avoir jugées « inacceptables », le gouvernement a donc mis en place un mécanisme qui donne une large place à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), chargé de mettre en place le nouveau dispositif et de jouer un rôle de facilitateur dans le cadre du règlement amiable des litiges.
Le dispositif supprime la possibilité d’une date limite pour la prise de Mediator et baisse le seuil d’incapacité, puisque, précise le texte, « toute personne s’estimant victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex, ou le cas échéant, son représentant légal ou ses ayants droit peuvent saisir l’Oniam, en vue d’obtenir la réparation des préjudices en résultant ». Le demandeur devra apporter la preuve de la consommation de benfluorex « le nom du ou des médicaments administrés, et les éléments de nature à établir (son) administration (…) ». Il devra également apporter « tous les éléments d’information utiles » concernant toute personne, autre que l’exploitant du médicament, « à qui il souhaite rendre la procédure opposable ». L’exploitant du médicament est informé par l’Oniam, du dépôt de la demande.
Constitué de juristes spécialisés en réparation du dommage corporel, de médecins désignés par des associations accrédités de malades et usagers du système de santé, de représentants des laboratoires Servier ou de son assureur, de représentants de l’Oniam et présidé par un médecin, un collège d’experts se réunira pour instruire, dans un maximum de six mois, chacun des dossiers, selon des règles et un mode de fonctionnement défini ultérieurement par décret en Conseil d’Etat. « S’il constate l’existence d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex, le collège émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité de l’exploitant du médicament ou d’autres personnes, le cas échéant ».
Cet avis est adressé aux laboratoires ou aux personnes jugées responsables, qui disposeront d’un délai de trois mois pour formuler une proposition d’indemnisation « visant à la réparation intégrale des préjudices subi, dans la limite, pour les assureurs, des plafonds de garantie des contrats d’assurance ».
Dans le cas où la victime refuse l’offre au motif qu’il la considère insuffisante, le juge saisi par la victime peut condamner la personne responsable ou l’assureur à verser à l’Oniam, une somme au plus égale à 30 % de l’indemnité qu’il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime ». Dans les dispositifs habituels, la majoration de retard ne peut dépasser 15 % de la somme.
Dans ce cas, l’Oniam règlera dans les trois mois à la victime l’indemnisation qui lui est due, et se retournera ensuite contre la firme, pour se faire rembourser.
La victime pourra refuser la proposition d’indemnisation et attaquer en justice au civil, mais le texte pose par ailleurs, le principe de non cumul des indemnités perçues.
Le laboratoire a prévu un fonds d’indemnisation de 20 millions d’euros. En outre, selon un porte-parole, « il y a eu en 2010 des provisions, dont certaines pour leMediator » .
« Je n’accepte pas qu’on élabore un projet de loi d’exception visant à stigmatiser comme seul responsable les laboratoires Servier", a contesté sur Europe 1 Maître Hervé Témime, l’avocat de l’industriel. L’Etat devra assumer sa part de responsabilité financière, a-t-il prévenu. « Les laboratoires Servier assumeront leurs responsabilités mais ils ont aussi des droits, parmi lesquels celui de se défendre », a-t-il également ajouté.
Interrogée par l’AFP, Lucy Vincent, la directrice générale chargée des relations extérieurs du la firme a vertement critiqué cette « loi d’exception », qui « condamne et punit » avant d’avoir été jugé. « On dirait que l’objectif est de punir Servier avant même que la justice ne fasse son travail », a-t-elle ajouté, tout en rappelant que le laboratoire était prêt à faire face à ses responsabilités, si elles étaient prouvées.
« On saute sur le rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) pour nous punir, mais je vous rappelle que l’Igas ne nous a même pas entendus » pour faire ce rapport, publié en janvier et qui mettait vertement en cause Servier, a poursuivi Mme Vincent. « On nous accuse, on nous condamne, et on ne nous a même pas écoutés (…) On espère que la Constitution sera appliquée et qu’il n’y aura pas de régime dérogatoire au droit commun", a-t-elle fait valoir. Il y a des médicaments retirés toutes les semaines pour des effets secondaires, il y a des procédures à suivre dans ce cas (…) Je ne comprends pas qu’on soit devenus les boucs émissaires de l’industrie pharmaceutique », a-t-elle conclu.
L’Oniam devrait être doté de 5 millions supplémentaires cette année pour assumer le surcroît de travail lié à ce processus d’indemnisation (les frais de dossier et d’expertise sont à sa charge)
Conformément aux déclarations de Xavier Bertrand, les médecins qui ont prescrit le Mediator hors AMM ne seront pas mis à contribution pour constituer le fonds d’indemnisation des victimes. Seront-ils mis en cause par les victimes ou les laboratoires ? « Aucune victime ne veut mettre en cause son médecin traitant », a confié à l’AFP Dominique-Michel Courtois, président de l’association Avim (association d’aide aux victimes du Mediator et de l’Isoméride). Par ailleurs, estime-t-il, Servier « devrait préférer garder de bonnes relations avec eux, pour l’avenir de ses autres médicaments ».
Dans sa newsletter du 10 mai, l’assureur Macsf a demandé à Nathalie Dondeyne-Jegu, juriste, d’analyser la suite à donner lorsqu’un patient demande au médecin qui lui a prescrit du Mediator, un certificat ou la communication de son dossier médical.
L’assureur propose également, à partir de son site http://www.macsf.fr/vous-informer/responsabilite-prescription-hors-amm.html, une analyse complète de la responsabilité pour leur auteur, des prescriptions hors AMM.