Cible numéro 1 des critiques du rapport Debré-Even, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) est accusée d’être « une agence sans pilotes expérimentés ». Ses 3 500 experts, qualifiés d’« incompétents », alors qu’ils « ne prennent de décisions que collectives, anonymes, peu motivées, mal diffusées et parfois sous influence », n’ont évidemment pas apprécié. Dans une lettre ouverte, près de 90 experts externes de l’Afssaps, médecins, pharmaciens et enseignants-chercheurs pour la plupart, qui « se sont tus  jusqu’à présent, subissant insultes et calomnies », répondent aux accusations. Leur objectif ? « Eclairer l’opinion », qui « ne doit pas ignorer notre désarroi ainsi que celui des évaluateurs internes de l’Afssaps ».

En premier lieu, ils soulignent que les experts externes ont été désignés dans le cadre d’un appel à candidatures avec un jury de sélection « en raison de leurs compétences particulières et de leur expérience dans le domaine de la santé ». Les Pr Philippe Even et Bernard Debré affirment dans leur rapport que ces experts extérieurs, nommés pour trois ans et qui sont par exemple 550 à la commission d’AMM, sont « d’une probité très contestable et perdus de conflits d’intérêts en cascade ». Concernant leur recrutement, celui-ci serait fondé sur « la cooptation, le relationnel, l’appartenance à des réseaux, voire sur la base de liens familiaux », dénoncent-ils.

S’agissant des conflits d’intérêt, la règle est claire, répondent les 90 signataires de la lettre ouverte. « Pour être nommés, les experts sont tenus de fournir une déclaration d’intérêts permettant à l’institution de déceler les éventuels liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Cette déclaration est publique. L’expert qui aurait un conflit d’intérêt concernant un dossier ne peut ni l’étudier, ni assister aux discussions concernant ce dossier », assurent-ils. Ces déclarations d’intérêt sont classées en plusieurs niveaux. Dans leur rapport, le député UMP et le président de l’Institut Necker mettent en  avant le cas, pris au hasard disent-ils, de « trois de nos PUPH les plus connus et très impliqués dans les essais cliniques internationaux et malheureusement parfois appelés comme experts ». « En 2010,  chacun était titulaire de 25 à 33 contrats simultanés, avec 15 à 22 compagnies pharmaceutiques (essais cliniques, consultances, advisory boards, honoraires de conférence et actions) qui ne devaient leur laisser guère de temps pour remplir leurs missions publiques et statutaires », indiquent-ils.

Dans leur lettre ouverte, les experts, qui se disent « partisans d’une amélioration sereine des procédures de l’évaluation et des outils de la pharmacovigilance »  demandent que leur travail soit pris en considération. Ils tiennent par ailleurs à rappeler leur sollicitude envers les patients dans l’affaire du Mediator. Le ministre de la Santé a souhaité la semaine dernière que le projet de loi réformant en profondeur le système du médicament, et qui serait inspiré par les différents rapports dont le rapport Even-Debré, soit élaboré avant l’été. Ses auteurs préconisent, parmi leurs solutions, de  transformer l’Afssaps en une Agence du médicament en charge de l’évaluation et de la surveillance des médicaments, réunissant deux agences autonomes: une Agence d’évaluation du médicament et des produits de santé (Aemps) et une Agence française de pharmacovigilance (Afpv). Ils suggèrent de remplacer les 3500 experts actuels par une quarantaine d’experts scientifiques « libres de tout conflit d’intérêt et de haut niveau », détachés temporairement des universités, avec un salaire mensuel d’environ 10 000 euros.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : G. D. L.