Cent dix euros par personne : tel est le coût moyen d’une personne vaccinée contre la grippe A H1-N1, dans le cadre de la campagne 2009 où un vaccin sur deux a été jeté à la poubelle. Dans le rapport qui vient d’être remis au Sénat, la Cour des comptes dresse un bilan assez catastrophique de la gestion de la pandémie, à commencer par son coût : de 685 à 756 millions d’euros, ce qui représente un dépassement de 140 millions d’euros au moins, par rapport aux estimations du gouvernement.
Pourquoi ce dépassement ? Contrairement à l’évaluation de la Direction générale de la Santé (DGS), la Cour a pris en compte le coût des vaccins donnés à l’OMS (organisation mondiale de la santé), soit 87 millions d’euros. Un choix qui paraît « logique » pour le sénateur UMP Alain Milon, interrogé par Les Echos.fr. Ensuite, la Cour comptabilise les achats de masques de protection pour les agents de l’administration (39 millions) et réévalue de 72 millions d’euros, le coût de l’indemnisation des professionnels de santé libéraux mobilisés.
La Cour s’étonne du coût de la campagne, particulièrement élevé « en regard du nombre de personnes vaccinées » : 5,4 millions de personnes, « soit moins de 8,5 % de la population totale ».
Mieux, elle s’interroge sur le prix d’achat des vaccins, qu’elle juge aussi très élevé. Explication des magistrats de la rue Cambon : « Du fait d’une coordination européenne à peine esquissée, les laboratoires pharmaceutiques sont parvenus à mettre les Etats en concurrence, et se sont placés en position favorable pour contracter ». Privilégiant, durant la négociation, la date de livraison par rapport aux prix, les pouvoirs publics, très pressés d’avoir les vaccins au plus vite, ont « cédé sur la contrainte de prix ». Une priorité « difficilement compréhensible » pour la Cour, puisque les experts étaient déjà convaincus que le virus arriverait très tôt sur le territoire français, interdisant de ce fait à la vaccination intervenant trop tard, de « jouer son rôle de barrière ».
La Cour des comptes ne comprend pas non plus que le gouvernement n’ait pas revu à la baisse sa stratégie vaccinale à la fin de l’été 2009 alors que l’on savait que trop de vaccins avaient été commandés. En effet, tandis que l’hémisphère Sud renvoyait un bilan « rassurant » de la pandémie, on commençait à noter en France, « un retournement d’opinion » parmi nos concitoyens, dont une majorité ne souhaitait pas se faire vacciner. D’où cette critique de la Cour : « Du fait de la désaffection de la population, l’offre de vaccination dans les centres a été largement surdimensionnée, mobilisant des équipes médicales, infirmières et administratives pendant des journées où peu de vaccinations étaient effectuées, ce qui a été source de coûts importants et de démotivation des équipes. ». Les magistrats critiquent le choix d’exclure les hôpitaux de l’organisation générale alors qu’aux côtés des centres de vaccination, ils « auraient pu jouer un rôle beaucoup plus important », tout en réduisant le coût de la campagne.
Les Sages pointent également du doigt « un important gaspillage » de vaccins, du fait de leur conditionnement par doses de 10. De ce fait, ce sont 2,7 millions de doses de vaccins qui ont été jetées « soit environ la moitié de celles qui ont été effectivement utilisées pour la vaccination ».
Les critiques ne seraient pas complètes, si l’on n’y ajoutait pas les multiples protestations, répercutées auprès des missions parlementaires diligentées par l’Assemblée nationale et le Sénat, sur l’exclusion de la campagne des médecins de premier recours, néanmoins réquisitionnés pour vacciner dans les centres salariés.