Dans une note adressée à la DGS et que Panorama du Médecin-Egora s’est procurée en exclusivité, une épidémiologiste de l’Inserm affirme que les études sur le Mediator présentent des insuffisances méthodologiques parfois majeures. 

L’exploitation des chiffres et en particulier celui du nombre de décès attribuable au Mediator a eu une grande importance dans la tourmente médiatique qui a emporté ce médicament. Sans émettre de jugement sur la politique commerciale menée par les laboratoires Servier qui, selon l’Igas aurait tendu à dissimuler la composition réelle du Mediator, sans remettre en cause non plus le lien existant entre le benfluorex et le risque de valvulopathies qui ressort de façon unanime dans ces études, de nouveaux éléments apportent de l’eau au moulin de ceux qui évoquent cependant leur faiblesse méthodologique.

Le dernier en date est une analyse effectuée par le Dr Annick Alpérovitch épidémiologiste à l’Inserm (Paris, U708) qui, à la demande de la Direction Générale de la Santé (DGS) a été « consultée informellement» sur la méthodologie et la portée de ces études, fin décembre 2010. « Comme toute étude observationnelle, ces […] études ont leurs limites (taille ou/et données disponibles, etc.), qui influencent notamment l’estimation quantitative des risques, en particulier du risque attribuable » a affirmé le Dr Alpérovitch à Panorama du Médecin-Egora. Dans une note, remise à la DGS, la chercheuse explique que les quatre études en question (Frachon, Tribouilloy, ainsi que les deux études de la Cnam) peuvent « soulever des réserves, parfois majeures ». Pour elle, c’est l’étude de Mme Frachon qui peut susciter le plus de réserves méthodologiques, la plus importante concernant le choix des témoins et des cas. Elle pense en effet que la définition des cas et des témoins n’est pas évidente du fait que « les témoins avaient la même probabilité que les cas d’être exposés au benfluorex ». Elle met, en outre, en évidence la différence importante observée entre la forte proportion de cas exposés au médicament qui est deux fois plus importante dans l’étude du Dr Irène Frachon (70% de patients exposés) que dans l’étude du Dr Christophe Tribouilloy (36%) qui partait pourtant des mêmes définitions de cas et de témoins que la pneumologue brestoise, remettant encore plus en question la sélection des cas dans l’étude de Mme Frachon. Les deux études ont, selon elle, « beaucoup d’autres faiblesses : validation des cas et des témoins, évaluations et validations des expositions, etc… ».

Concernant les deux études de la Cnam, Mme Alpérovitch reconnait que l’approche retenue (cohorte « exposés-non exposés ») est meilleure sur le plan méthodologique. Elle souligne cependant que son point faible majeur réside dans le défaut de précision et la validité des données du Pmsi sur les valvulopathies utilisés pour ces études. En ce sens, elle rejoint l’avis du Pr Acar, qui relevait dans une analyse rendue publique le 11 janvier dernier (Cf egora.fr du 20 janvier) l’insuffisance de ces critères qui reposent seulement sur l’utilisation de deux codes : non rhumatismal ou rhumatismal. Comme lui, Annick Alpérovitch confirme « l’impossibilité- par manque de disponibilité des informations nécessaires- de faire les ajustements qui s’imposeraient. Les ajustements sont faits au mieux sur des « proxy » ».

Pour estimer les risques avec plus de précision, elle suggère d’effectuer une étude cas-témoins de grande taille.

Le fait que des études critiquables sur le plan méthodologique, aboutissent à des données concordantes constitue-il une preuve ? « Difficile à défendre scientifiquement » répond le Dr Alpérovitch.