L’analyse que vient de rendre public le Pr Acar, spécialiste des valvulopathies, aujourd’hui à la retraite (ancien chef de service de cardiologie à l’hôpital Tenon, Paris, et fondateur avec le Pr JP Maurat du groupe de travail Valvulopathies de la Société Française de Cardiologie) sur les liens entre benfluorex, valvulopathies et décès, jette un pavé dans la mare. En effet, tout en confirmant le lien existant entre ce médicament et l’apparition de lésions valvulaires parfois sévères, à rapprocher de celles induites par l’isoméride, le Pr Acar souligne plusieurs « points en discussion » et émet plusieurs réserves sur la méthodologie des deux grandes enquêtes statistiques réalisées par la Cnam. Il aboutit ainsi à une remise en question complète des chiffres de mortalité publiés par l’Afsaps le 15 novembre dernier, qui faisaient état de 64 décès dans Cnam2, soit, après extrapolation, une estimation de 465 décès.

Selon les propos du spécialiste, rapportés à nos confrères de l’APM le 18 janvier dernier, c’est « par curiosité » qu’il s’est penché sur les études concernant le benfluorex, affirmant n’avoir « jamais été en contact avec le laboratoire Servier, ni du temps où [il] exerçait [son] activité, ni après ».

« La principale réserve tient au mode de sélection des insuffisances valvulaires ».En effet, la méthodologie choisie est basée sur le Pmsi. Ces critèresapparaissent insuffisants aux yeux du Pr Acar car reposant seulement sur l’utilisation de 2 codes : non rhumatismal ou rhumatismal. Les étiologies ne sont pas plus précisées. « Il est très regrettable que manquent totalement des informations fondamentales :les données des échographies ; les comptes-rendus opératoires ; les examens anatomo-pathologiques des valvesexcisées » note le cardiologue.

La deuxième réserve concerne l’analyse au cas par cas de situations de décès. Et là encore, le Pr Acar affirme que « les informations disponibles sont très insuffisantes ». Au total, aucun cas ne pourrait être relié au benfluorex de façon certaine. Sur les 64 décès, il constate que 7 observations manquent de tout diagnostic cardiologique, et que sur les 57 cas restants, le benfluorex « n’est pas vraiment en cause », dans 11 cas ; et qu’il « pourrait être en cause au même titre qu’une autre étiologie » dans les 46 autres. « On ne peut évidemment éliminer des causes associées dont le

benfluorex mais cela reste une hypothèse » ajoute le spécialiste.

Il souligne, par ailleurs, l’âge des personnes décédées (69 ans), supérieur à la moyenne des âges des patients sous Médiator (52,8 ans), de même de même que le nombre très élevé des patients en ALD dans cette étude, suggérant un nombre important de comorbidités. 

Jean Acar conclut que « ces enquêtes ne permettent pas une estimation fiable de la fréquence des valvulopathies sévères liées au benfluorex. De ce fait, toute extrapolation sur ces bases à l’ensemble des patients exposés au benfluorex nous paraît arbitraire ». Il propose de réaliser de nouvelles études en prenant comme base d’études les seuls cas opérés d’insuffisance valvulaire sévères sans étiologie reconnue, avec un groupe contrôle exempt de tout traitement par benfluorex.

En savoir plus

Le rapport est disponible dans son intégralité sur www.cardiologie-francophone.com