Les Entreprises du Médicament annoncent aujourd’hui avoir décidé de « suspendre la participation » des laboratoires Servier au Leem. Une décision historique  du Conseil d’administration destinée à « permettre aux entreprises du médicament d’engager sereinement des discussions avec les pouvoirs publics », et cela dans le cadre du chantier de refonte du système de sécurité sanitaire, explique le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique. Dans un communiqué, le Leem indique qu’il se tient à la disposition des autorités et qu’il formulera lui-même des propositions en matière de renforcement du dispositif de pharmacovigilance. Il « réaffirme être favorable au développement de la transparence des liens entre les experts, le monde associatif et les Entreprises du médicament » et annonce travailler à la mise en place d’un « organe de déontologie aux missions élargies » (prévention, recommandation, médiation, sanction).

Les laboratoires Servier ont remis la semaine dernière « de nombreux documents » aux gendarmes chargés de l’enquête sur le médicament Mediator, a indiqué aujourd’hui l’avocat de l’industriel de santé, Me Hervé Témime. Les documents concerneraient notamment la fabrication du médicament, selon l’avocat, qui a précisé que des auditions de témoins avaient eu lieu. De toutes parts, les procédures s’accélèrent concernant ce drame sanitaire  depuis la publication samedi du rapport de l’Igas, qui accuse les laboratoires d’avoir sciemmentchoisi de « présenter ce médicament non comme ce qu’il est peut être, un adjuvant au traitement des hyperlipidémies et du diabète de type II, et non comme ce qu’il est à coup sûr, un puissant anorexigène ». Selon les enquêteurs (rapport Igas), les laboratoires auraient déployé une « stratégie » destinée à dissimuler le fait que le benfluorex était un précurseur de la Norfenfluramine, molécule suspectée depuis 1995 de favoriser l’apparition d’hypertension artérielle pulmonaire (HAP).

Du côté des victimes, sept associations de défense des victimes du Mediator ont demandé hier au ministre de la Santé de mettre en place un fonds d’indemnisation alimenté par la solidarité nationale et géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Selon l’Afssaps,  le médicament serait à l’origine de 500 morts depuis sa mise sur le marché en 1975 et de 3 500 hospitalisations pour des lésions des valves cardiaques. Le ministre de la Santé a indiqué aujourd’hui être favorable à l’utilisation d’un fonds existant plutôt qu’à la création d’un fonds spécifique.

Alors que Xavier Bertrand s’est engagé le 15 janvier à « rebâtir un nouveau système de sécurité sanitaire », les parlementaires se lancent officiellement dans l’enquête. Deux missions d’information sont sur pied : l’une sur le Mediator et la pharmacovigilance, l’autre sur les agences sanitaires. La première, constituée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, composée de onze députés de tous les groupes est présidée par le député Gérard Bapt (PS), cardiologue en pointe sur ce dossier depuis plusieurs mois, s’est fixée hier pour objectifs d’établir, en prenant en compte les travaux déjà réalisés, « un diagnostic des causes ayant conduit au drame du Mediator ». Elle formulera aussi des propositions visant à réformer le système de contrôle et d’évaluation du médicament.

Outre des membres de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), la mission parlementaire entendra les ministres chargés de la santé, qui se sont succédés à ce poste, les dirigeants du Laboratoire Servier et un certain nombre de personnalités qualifiées. Dès le 26 janvier, elle procédera aux premières auditions, qui concerneront également des médecins et représentants des autorités sanitaires, des associations de patients et des principaux syndicats et organismes professionnels dans le domaine de la santé. Les conclusions de la mission sur le Mediator sont attendues pour juin 2011.

Quant à la mission d’information sur les agences sanitaires, composée de onze députés sous la présidence de Yves Bur (UMP), elle s’est réunie hier pour la première fois et devra réfléchir à « une simplification et à une sécurisation des procédures » et à « clarifier leurs compétences ».  Les responsables des agences, des experts et des syndicats représentants les professionnels de santé et les personnels des agences, ainsi que le gouvernement et l’administration seront entendus. Le grand ménage de la « police du médicament » commence de manière radicale.