Coïncidence ? Le branle-bas de combat pour la médecine de proximité est lancé au ministère de la Santé le jour même où parait au Journal officiel la décision d’élargir la cotation CS au « médecin spécialiste qualifié en médecine générale ». * Après la visite matinale d’un cabinet médical à Gennevilliers (Seine-Saint-Denis), Xavier Bertrand a réuni aujourd’hui l’ensemble des syndicats médicaux représentatifs, les représentants des jeunes et des étudiants, en présence de la secrétaire d’Etat Nora Berra, du directeur de l’assurance maladie Frédéric Van Roekeghem, du Dr Elisabeth Hubert, auteur du rapport sur l’avenir de l’offre de santé de proximité, du sénateur Jean-Pierre Fourcade et du président du Conseil de l’Ordre, Michel Legmann, pour annoncer le programme, dans la lignée des annonces du chef de l’Etat dans le Calvados début décembre (lire l’article associé).

Permanence des soins (PDS), simplification administrative, secteur optionnel, DPC, nouveaux modes d’exercice en maisons de santé, responsabilité civile professionnelle (RCP), intégration des stages en cabinet libéral dans les études de médecine : l’ensemble des sujets plus ou moins litigieux ont été abordés. L’enjeu ? «  Faire en sorte que les professionnels de santé retrouvent confiance dans le système pour que tous les Français puissent trouver d’ici la fin de la décennie des professionnels de santé et des médecins pour les prendre en charge ». Et cela en « jouant la carte de la concertation ». « Il faut faire simple et vite », assurait le ministre.

Dans cet ordre d’idées,  sont d’ores et déjà prévues une réunion fin janvier sur toutes les questions relatives à la simplification administrative afin de « rentrer dans le détail des mesures avec l’assurance maladie ».  Début février, une autre réunion aura pour thème la démographie médicale où des décisions seront prises « dès le début du mois ».  Les réquisitions dans le cadre de la PDS seront également évoquées.  Autre dossier urgent : la RCP. Dans les quinze jours suivant la remise fin janvier du rapport de Gilles Johanet, une concertation sera lancée avec tous les acteurs concernés pour une mise en œuvre « sans tarder ».

La proposition de loi de Jean-Pierre Fourcade (suivi de la loi Bachelot), qui doit être débattue au mois de février, s’inspirera du rapport Hubert et des conclusions de cette journée du 6 janvier. Seront ainsi évoqués dans ce « texte court » la suppression définitive de l’obligation des déclarations d’absence et de l’obligation de souscrire un contrat de solidarité santé pour les médecins exerçant dans les régions de surdensité médicale.  Y figureront également les nouveaux statuts juridiques pour les maisons pluridisciplinaires, à savoir les sociétés interprofessionnelles ambulatoires (SIA) qui autoriseront la cohabitation de plusieurs professionnels de santé et le partage des honoraires sous forme de forfaits.  Les contrats de bonne pratique seront réintroduits dans cette proposition de loi, alors que ceux-ci avaient disparu de la loi Hpst. La permanence des soins dans les cliniques trouvera également une nouvelle assise juridique.

Les décrets sur la gouvernance du DPC gelés par le ministre seront réécrits de manière à assurer la parité de représentation par tiers entre les professionnels de santé, l’assurance maladie et l’Etat. Le président qui pourra être une personne qualifiée ayant voix prépondérante.  Le ministre a également garanti une représentation du collège de médecine générale dans la Fédération des spécialités médicales.

Autre point clé revendiqué par les représentants des étudiants : la généralisation des stages de deuxième cycle en cabinet libéral à tous les étudiants. « Nous nous engageons à porter de 3 500 à 7 000 fin 2012 le nombre de maîtres de stage, avec une augmentation de 20 % de leur nombre dès cette année », a détaillé Nora Berra. «  La place du maître de stage sera valorisée par une amélioration de son accueil en faculté, une participation au conseil de gestion des facultés et un titre universitaire qui pourrait être maître de stage auprès de la faculté ou de l’université », ajoutait-elle. Une évaluation de la formation et des stages par les maîtres de stage et les étudiants est également au programme. Là encore, une date de réunion avec tous les acteurs concernés, y compris dans l’enseignement supérieur, sera arrêtée dans le mois.

Exigence numéro 1 des médecins, le chantier de la simplification administrative est lancé avec la mise en place d’une instance ad hoc avant la fin du mois. Pistes de travail : simplification de l’ordonnancier bizone, simplification des dossiers patients entrant en maison de retraite médicalisée, attribution d’un numéro de téléphone dédié pour les professionnels qui leur permettra d’avoir un contact personnalisé avec l’assurance maladie.  

Un point sur la mise en place de la télétransmission des feuilles de soins doit être effectué fin mars et des explications pédagogiques autour de la carte Vitale et de son utilité seront diffusées auprès des assurés. « La taxe (qui ne devra être perçue qu’en juin 2012, Ndlr) sera perçue avec discernement car nous ne voulons pas percevoir un impôt mais changer les comportements », a indiqué Xavier Bertrand. Frédéric Van Roekeghem a convenu que le délai de délivrance des cartes Vitale devait pouvoir être amélioré.

Toujours dans le souci d’aller vite, le ministre de la Santé  a fait part de son souhait de voir au plus vite « soit début ou mi-février » s’ouvrir les négociations pour la prochaine convention médicale car à cette date, les résultats de l’enquête de représentativité syndicale seront connus. Y figureraient «  toujours dans le strict respect de l’Ondam » la Ccam clinique (nomenclature des actes), la valorisation financière du rôle du médecin traitant, une charte du contrôle médical, le Capi (selon les souhaits du ministre) et le secteur optionnel, en souffrance depuis de longs mois.  Le lancement de ce chantier, promis depuis 2005 et dont les négociations ont stoppé net en 2009, est destiné à résoudre l’épineux problème des dépassements d’honoraires. Selon l’accord cadre signé en juillet 2008 entre l’assurance maladie, les organismes de protection complémentaire regroupés dans l’Unocam et les syndicats médicaux – accord que le ministre juge inapplicable en l’état –  ce secteur serait prioritairement réservé aux praticiens exerçant en plateau technique lourd (chirurgiens, anesthésistes, gynécologues) et imposerait de pratiquer 30 % de l’activité en honoraires stricts (urgences, patients précaires), tout en limitant le dépassement pour les actes restant, à 50 % de leur prix.

Destiné essentiellement à séduire les praticiens en honoraires libres (que caisses et organismes de protection complémentaire veulent encadrer), le secteur optionnel offrirait en contrepartie, une participation proportionnelle de l’assurance maladie au financement de la protection sociale du médecin pour la part d’activité réalisée en secteur 1.  Xavier Bertrand plaide donc pour une expérimentation dans les départements où les organismes de protection complémentaire prennent déjà en charge les dépassements d’honoraires.  Une réunion avec l’Unocam, absente des tables-rondes aujourd’hui, est programmée.

« On repart à zéro, je suis extrêmement dubitatif, il n’y  a pas de proposition concrète », a regretté Christian Jeambrun, président du SML, estimant que la maîtrise de stages n’était pas la solution majeure pour sortir de la crise de la médecine de proximité.  Claude Leicher, président de MG-France a ironisé : « Les déclarations d’amour, c’est bien, nous avons un ministre qui nous adore mais les preuves d’amour, c’est mieux ». Il souhaite pour son part un plan d’investissement pour la médecine générale et des moyens financiers fléchés sur plusieurs années. Quant au coprésident d’Union Généraliste, Jean-Paul Hamon, il s’est dit « déçu de cette nouvelle grand messe et de l’absence de propositions immédiates concernant les réquisitions de médecins généralistes et le harcèlement des caisses ».

*Décision du 23 décembre 2010 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie

relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie