Lancé début décembre, l’Appel pour sauver la médecine prénatale (http://sauverlamedecineprenatale.org/appel) a recueilli près de 300 signatures des  professionnels de la grossesse (gynécologues-obstétriciens, échographistes, radiologues, sages-femmes et infirmières). Le coordonnateur du Comité, le Dr Patrick Leblanc (CHG Béziers), qui refuse d’être « le bras effecteur d’un eugénisme clair et net voulu par l’Etat », appelle à ouvrir le débat sur l’évolution du diagnostic prénatal à l’approche de la révision des lois de bioéthique en février.
Les voix des professeurs Israël Nisand, Didier Sicard ou Jean-François Mattei s’étaient déjà fait entendre sur ce sujet, pour dénoncer le risque eugénique engendré par le dépistage généralisé de la trisomie 21.

Egora : Pourquoi avoir lancé cet Appel et constitué un Comité pour sauver la médecine prénatale ?
Dr Patrick Leblanc : Le dépistage de la trisomie 21 est systématiquement proposé aux femmes depuis 1997 et concerne chaque année 800 000 femmes enceintes. Depuis un an, se développe un test plus précoce (entre 12 et 14 semaines d’aménorrhée) qui combine la mesure de la clarté nucale du fœtus et le dosage des marqueurs sériques (selon la mission d’information parlementaire sur la révision des lois de bioéthique, 92 % des cas de trisomie sont détectés, contre 70 % en moyenne européenne et 96 % des cas identifiés donnent lieu  à une interruption de grossesse, Ndlr). Lorsque les résultats sont mauvais, les femmes sont conduites à un prélèvement amniotique avec un risque de fausse couche de 1 à 2 %  ou lorsque le risque est élevé à une biopsie du trophoblaste. Les délais de réflexion pour les couples sont de plus en plus raccourcis. Avant même d’avoir recours au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, les femmes optent pour l’IVG, qui devient la seule alternative possible.  Tout est court-circuité, la liberté de choix est remise en question et l’amalgame entre IVG et IMG est fréquent. Cet été, j’ai été contacté par une firme américaine qui envisageait la diffusion d’une méthode de dépistage de la trisomie 21 à partir d’une simple prise de sang, et cela d’ici 2012. La révision de la loi de bioéthique n’aborde pas ce sujet. Or, est-ce que notre politique de santé doit être l’éradication des fœtus porteurs de trisomie 21 ? Est-ce le rôle de l’obstétricien de les supprimer ?
Egora : Que demandez-vous ?
P.B : Il n’y a aucune recherche fondamentale sur la trisomie 21, il faut la développer. Le dépistage aboutit à l’IMG mais l’IMG n’est pas un acte thérapeutique. Quel est notre rôle à nous médecins ? On parle beaucoup de la fin de vie mais quel regard porte-t-on sur l’autre extrémité de la vie, sur le fœtus, l’embryon, le handicap ? Notre Comité est aconfessionnel et nous ne remettons pas en question l’interruption de grossesse. Dans notre collectif, il y a des professionnels qui pratiquent l’IVG et d’autres non. Mais il y a un véritable mal vivre dans notre profession. Nous refusons d’être les bras effecteurs d’un eugénisme clair et net voulu par l’Etat. On ne fait plus vivre une grossesse sereine à nos patientes. Il faut desserrer la contrainte du dépistage généralisé et rééquilibrer l’information délivrée aux femmes sur la trisomie 21, en proposant par exemple des rencontres avec des associations de parents d’enfants malades.
Egora : Vous appelez aussi à un débat de fond…
P.B : Il faut mettre un terme au mythe du bébé zéro défaut. A terme, si on dépiste un gène porteur de la maladie d’Alzheimer, va-t-on éliminer le fœtus porteur de ce gène ? Posons-nous. Réfléchissons : quel est l’avenir de notre médecine prénatale ? Ne sommes-nous pas en contradiction flagrante avec l’article 16-4 du Code civil, aux termes duquel « toute pratique eugénique tendant à l’organisation et à la sélection des personnes est interdite ». L’Etat doit engager un programme de recherche thérapeutique pour la trisomie 21. On ne peut être que scandalisé par l’évolution actuelle du diagnostic prénatal.