Xavier Bertrand est arrivé au ministère de la Santé le 14 novembre. La veille, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avait confirmé les résultats d’une étude réalisée à sa demande par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), portant sur 303 000 patients, diabétiques et non diabétiques (73 % de femmes, d’âge moyen de 53 ans), ayant reçu une spécialité à base de benfluorex, dont l’autorisation de mise sur le marché est suspendue depuis 2009. Cette étude accréditait l’hypothèse que le Mediator aurait été à l’origine depuis 1976, d’environ 500 décès des suites d’une valvulopathie. Le nouveau ministre a immédiatement pris deux décisions : il a conseillé à « tous ceux » qui ont été traités avec l’antidiabétique oral Mediator – et pas seulement ceux dont le traitement a dépassé trois mois – d’aller consulter un médecin, allant donc plus loin que la recommandation donnée par l’Afssaps. Il a ensuite chargé l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) d’enquêter sur le sujet et d’éclairer les zones d’ombre, d’ici au 15 janvier prochain.
Cet épisode, Xavier Bertrand le relate lui-même au Figaro, où il est longuement interrogé sur l’affaire et sur la suite qu’il compte lui apporter, le ministre pointant du doigt des présomptions de « défaillances graves », mises en lumière par les premières investigations. « Je veux savoir ce qui s’est passé depuis la mise sur le marché du Mediator en 1976. Je veux comprendre pourquoi, malgré certaines mises en garde, malgré une parenté chimique avec des molécules interdites, ce médicament est resté sur le marché pendant 33 ans », déclare-t-il. Le ministre informe qu’il veut des recommandations « pour transformer notre système de mise sur les marché des médicaments » ainsi qu’un « renforcement » de la pharmacovigilance. Il enjoint toutes les parties – y compris les laboratoires Servier – de répondre aux questions des enquêteurs et il se déclare favorable aux « enquêtes parlementaires qui ont un champ d’investigation plus large encore que les enquêtes administratives ». Xavier Bertrand veut comprendre « pourquoi ce produit qui a été retiré d’Espagne en 2003 et d’Italie en 2004 », n’a été retiré du marché en France qu’en novembre 2009. Et confie d’ores et déjà son intention de proposer une nouvelle disposition : l’information obligatoire de tous les autres pays qu’un médicament a été retiré du marché dans un pays, soit à la demande du laboratoire, soit à celle des agences sanitaire. « Je rappelle qu’il est de la responsabilité des laboratoires Servier de retirer le Mediator dans tous les pays où il serait encore commercialisé », ajoute-t-il.
Le ministre évoque par ailleurs « de fortes présomptions de défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament dans cette affaire ». C’est en effet par la lecture du Figaro du 18 décembre, que Xavier Bertrand a appris l’existence de travaux menés par deux épidémiologistes (Mahmoud Zureik et Agnes Fournier, de l’Inserm), évaluant entre 1 000 à 2 000 le nombre de décès possibles à long terme. Une étude dont le ministre n’avait pas été destinataire – alors qu’il avait demandé à ce que toute la lumière soit faite sur l’affaire – et qui n’avait pas été rendue publique.
Xavier Bertrand donne maintenant sa priorité : renforcer le suivi des patients « en aménageant le dépistage et la prise en charge des valvulopathies, en continuant à travailler sur les hypertensions artérielles pulmonaires » car ainsi, le nombre de décès potentiels serait réduit.
Le ministre confie par ailleurs qu’il a l’intention d’aller au bout de la démarche : « Beaucoup de ministres de la Santé se sont succédés sur ce dossier entre 1976 et 2010, mais c’est moi qui ai la responsabilité de cette affaire aujourd’hui », a-t-il déclaré pour justifier cette détermination. Il est ainsi question de « régler la question des conflits d’intérêts qui est régulièrement posée » en s’inspirant des pays qui pratiquent plus de transparence. Le ministre vent encore « renforcer la pharmacovigilance et développer les études post- AMM. Et de conclure : « L’isoméride (un autre coupe-faim des laboratoires Servier) a été retiré du marché en 1977. Il n’est pas normal qu’il ait fallu attendre douze ans avant de prendre la décision d’interdire le Mediator ».
Par ailleurs, le Parti socialiste a tenu à dédouaner Martine Aubry et Bernard Kouchner, ministre et secrétaire d’Etat en charge de la santé en 1998. « Martine Aubry, Bernard Kouchner et leur cabinet n’ont pas eu d’informations concernant la dangerosité du médicament », a déclaré ce matin David Assouline, secrétaire national à la Communication, interrogé sur l’alerte donnée par trois médecins conseils et experts des trois caisses nationales d’assurance maladie qui, dès 1998, avaient mis en garde contre l’autorisation non autorisée du Médiator comme coupe-faim. « Ils n’ont pas été au courant et n’ont pas été alertés de la dangerosité de ce produit », a répété David Assouline, tout en reconnaissant qu’il y avait eu « dysfonctionnement ».
« Pourtant, à cette époque il y avait un état d’alerte permanent (sur les affaires sanitaires, ndlr) », a ajouté David Assouline, selon des propos rapportés par nouvelobs.fr. Notre pays était en effet, très sensibilisé par le précédent de l’affaire du sang contaminé révélée quelques années auparavant.
Le porte parole a reconnu qu’il y avait eu « trop de lenteur pour réagir. C’est l’organisation de la santé qui est à revoir », Mais « ne commençons pas à désigner des responsables sans qu’il y ait eu l’établissement de faits », a-t-il ajouté, soulignant que le PS était à l’origine de la création la semaine dernière d’une mission d’information parlementaire sur le Mediator.
Le Mediator® (chlorhydrate de benfluorex) – Point d’information